Henriquet – L’homme-reine

Après l’époustouflant  » Charly 9 « , Richard Guérineau nous fait suivre les traces de son successeur, Henri III : une bd historique étonnante, passionnante, particulièrement bien menée ! Et toujours avec humour!…

On dirait bien que Richard Guérineau s’est pris au jeu, après avoir dessiné l’adaptation d’un roman de Jean Teulé, Charly 9. La Grande Histoire de France, dorénavant, l’inspire puisque le voici seul aux commandes d’un album de près de 200 pages consacré à la vie du roi successeur de Charles 9, Henri III, un souverain dont on pense souvent qu’il n’a été qu’un roi de transition.

Un roi entouré de  » mignons « , un roi qui jouait au bilboquet, un roi qui aimait se travestir en femme, un roi qui a vu, après l’horrible Saint-Barthélémy de son prédécesseur, se multiplier les guerres de religion, un roi qui a su s’effacer bien souvent pour mieux assumer et assurer son pouvoir… .

Reconnaissons-le : l’Histoire de France n’est pas chose aisée à comprendre, et en parler simplement, de manière véritablement accessible, n’est pas chose aisée. Ce l’est en littérature, ce l’est encore plus, peut-être, en bande dessinée. Et ici, la réussite est totale!

Richard Guérineau a, sans aucun doute possible, un sens du récit et de son découpage phénoménal ! On sent qu’il connaît son sujet à la perfection, d’abord, et que, dans la construction narrative de son livre, il a eu à cœur de ne pas perdre ses lecteurs dans des méandres historiques pompeux et sans intérêt. C’est le portrait d’un homme qu’il trace dans ce livre, et, en même temps, celui d’une époque, d’un pays : la France entre septembre 1575 et août 1589. Et il le fait par un graphisme qui se balade sans cesse sur le fil fragile tendu entre le réalisme et l’humour…

Le réalisme, il se situe dans la trame historique extrêmement bien fouillée. Tout le monde (ou presque…) sait que le Duc de Guise a été assassiné à Blois. Mais qui est encore capable d’expliquer par qui, et, surtout, pourquoi. Et dans ce livre, tout cela est montré, expliqué, sans aucune lourdeur, que du contraire ! Le parti-pris de Guérineau de placer sa caméra à hauteur des hommes, aussi illustres soient-ils, permet, justement, d’éviter tout pensum, toute vulgarisation  » historique « . Et c’est d’une plume alerte, tant au niveau du dessin que du texte, qu’il nous parle des rapports entre tous les protagonistes de ce 16ème siècle tourmenté. J’admire tout spécialement le talent que Richard Guérineau a dans l’écriture : il varie les styles, mélangeant un langage très contemporain, parfois, avec un langage que l’on sent presque jaillir en ligne directe du siècle d’Henri III.

J’admire aussi, bien évidemment, son dessin, son art de la couleur, et cette manière qu’il a de rendre hommage à d’autres graphismes que le sien au long de ses pages…. A chaque saillie humoristique son style, pratiquement ! On reconnaît du  » à la manière de  » Morris, Palacios, Peyo, Convard…

Et malgré ce côté qui pourrait  paraître quelque peu potache (comment ne pas sourire en voyant ses inventions de revues écrites à l’époque !…), la dernière page tournée, on a appris, de l’intérieur, à découvrir quelques années d’une Histoire majuscule !

Plus de 190 pages pour cet album, oui…. Et qui se lisent, croyez-moi, avec une vraie délectation ! Richard Guérineau nous offrira-t-il l’année prochaine le portrait d’Henri IV ? J’avoue déjà l’espérer !…

Humour et Histoire peuvent faire bon ménage, et Guérineau le prouve dans ce livre politiquement incorrect, qui nous jette dans les sous-sols du pouvoir monarchique… Mais qui nous y jette avec, toujours, le sourire au coin des lèvres….

Sous ses mots et son dessin, même la scatologie la plus triviale devient une richesse narrative !…

 

Jacques Schraûwen

Henriquet – L’homme-reine (auteur : Richard Guérineau – éditeur : Delcourt/Mirages)