Bernie Wrightson : la disparition d’un des maîtres de la bd américaine

Créateur de  » La créature des marais « , Bernie Wrightson est mort ce 19 mars, vaincu par le cancer. Il est de ceux qui ont influencé de manière durable le neuvième art, des deux côtés de l’Atlantique !

Né en 1948, Bernie Wrightson a commencé sa carrière à vingt ans, dans des revues qui s’amusaient à parler d’horreur, comme Vampirella, Creepy et Eerie, deux revues qui se virent traduites en français pendant quelques temps dans les années 70.

Et c’est dans ces petites revues, qu’il a fait ses armes, aux côtés de dessinateurs essentiels, comme Richard Corben, ou Frank Frazetta. C’est en suivant leurs pas, en quelque sorte, qu’il s’est créé un style incomparable, un style qui va faire de lui un des maîtres absolus du comics américain.

Parler de Bernie Wrightson, c’est d’abord se souvenir de ce qui fut peut-être sa première très grande série :  » La Créature des marais « , parue dans les années 70 en français aux éditions du Fromage. On y trouvait déjà ce qui va, en quelque sorte, être sa marque de fabrique pendant toute sa carrière : un sens aigu des perspectives gothiques, une manière extrêmement personnelle d’utiliser la hachure pour donner de la vie à ses personnages, un travail puissant sur le noir et blanc, et surtout une approche humaniste de toutes ses histoires, même les plus horribles et les plus improbables, une approche à taille humaine, une approche poétique, même, souvent.

Maître du noir et blanc, du contraste gothique de la narration graphique, Bernie Wrightson aimait aussi la couleur, bien entendu, et, là aussi, il faisait preuve d’un talent expressionniste largement reconnu.

Il est également l’auteur de ce qui restera sans aucun doute la meilleure adaptation en bd de  » Frankenstein « .

Artiste extrêmement prolifique, illustrateur et bédéiste, toujours attiré par le fantastique, sous toutes ses formes, Bernie Wrightson fut aussi en effet un excellent adaptateur, pour Edgar Allan Poe, pour Stephen King, par exemple.

Travailleur infatigable jusqu’à ce que le cancer du cerveau lui impose de vivre une horreur véridique et quotidienne, il a évidemment à son actif des réalisations moins réussies que d’autres, comme son immersion dans l’univers des super-héros. Mais même là, sa  » patte  » est reconnaissable au premier coup d’œil !

Dès l’annonce de sa mort, des hommages lui ont été rendus sur les réseaux sociaux par des auteurs de bd venus de tous les horizons possibles et imaginables, des Américains et des Français, des gens comme Jean-Pierre Dionnet (Des dieux et des hommes), Jean-Luc Cornette (un million d’éléphants), Gihef (Starfuckers), Michel Lefeuvre (Fox Boy), Pierre Alary (Silas Corey), Eric Puech (Le horla)…

 

Un jour ou l’autre, des psychanalystes se pencheront avec pédanterie sur son œuvre, comme sur celle de Corben et consorts. Mais Bernie Wrightson, c’est du dessin, du scénario, en osmose, d’abord et avant tout, et un plaisir à le lire, à le relire, à le redécouvrir sans cesse !

Le lire, oui, c’est lui rendre le seul hommage que son talent démesuré mérite !

 

Jacques Schraûwen