Médicis

Une ville se raconte en racontant ceux qui l’ont faite éternelle… Grande Histoire et quotidiens sordides se mêlent dans cette série passionnante…

1. Cosme L’Ancien (scénario : Olivier Peru – dessin : Giovanni Lorusso – couleurs : Elodie Jacquemoire –

éditeur : Soleil)

Il est de ces lieux indissociables de certains noms. Tout le monde, ainsi, a entendu parler de la famille des Médicis, cette famille qui a marqué l’Histoire de l’Italie, de la royauté et, surtout, d’une ville absolument extraordinaire, Florence.

Olivier Peru, dans cette série, a décidé de nous faire découvrir, de l’intérieur, cette famille et la façon dont elle s’est mariée, pour l’éternité, à une cité d’art, de religion, de violence, de beauté.

Cosme l’Ancien n’est qu’un fils de banquier qui, l’esprit ouvert à tout ce que l’art peut apporter à l’homme, à l’humain, décide d’user de son argent pour embellir sa ville, pour la faire entrer dans une autre ère que celle d’un Moyen-Âge poussiéreux.

Ce premier tome nous emmène ainsi, dans une ambiance à la fois haute en couleurs et peuplée de complots, de haines et de jalousies, dans un quinzième siècle où les roturiers, enfin, pouvaient, par la seule puissance de leur intelligence (et de leur argent…), appartenir au monde du pouvoir. Ce volume initial nous fait le portrait d’un homme qui, déjà, n’appartient plus à l’obscurantisme d’un monde, d’une société, d’une civilisation en train de se modifier.

L’intelligence narrative de Olivier Peru est de choisir une voix  » off  » pour raconter l’Histoire et ses histoires… La voix de la ville, la voix de Florence, république se choisissant peu à peu, en la famille des Médicis, des princes pour la diriger.

Le dessin de Giovanni Lorusso, éclairé par les très belles couleurs et lumières d’Elodie Jacquemoire, est d’un réalisme tout en fidélité pour tout ce qui concerne les décors, réinventés ou encore existant de nos jours. D’un réalisme qui n’hésite pas, donc, à quelques prouesses graphiques du plus bel effet ! Il joue avec les perspectives, tandis que sa coloriste, elle, joue avec les clairs-obscurs, et le résultat en est un album  aussi intéressant à regarder qu’à lire !

2. Laurent Le Magnifique (scénario : Olivier Peru – dessin : Eduard Torrents – couleurs : Digikore Studios –

éditeur : Soleil)

Avec Laurent le Magnifique, la philosophie des Médicis se modifie du tout au tout. L’art l’intéresse toujours, certes, il veut toujours faire de sa ville un écrin de tout ce que la peinture, la sculpture et l’architecture peuvent apporter comme bonheur des yeux et des sens. Mais ce qui l’anime surtout, c’est un besoin pratiquement viscéral de s’imposer non plus comme le rejeton d’une famille de banquiers, mais comme un Prince, éclairé mais puissant et impitoyable. Un Prince, oui, dans une république… Un Prince qui ne peut que provoquer des jalousies aussi puissantes que son besoin d’être le maître !

Dans cet album, c’est toujours Florence qui parle, comme une femme amoureuse qui se souvient… Cependant, l’époque a changé, la ville s’est embellie, mais les nobles de souche, les grandes familles florentines, les petites royautés italiennes, l’omniprésente Eglise catholique, tout cela crée un univers bien loin encore des vraies merveilles de la Renaissance.

Ce deuxième volume est un volume beaucoup plus guerrier que le premier, avec quelques somptueuses scènes de bataille qui font penser aux immenses toiles exposées à Venise, ville ici présente, d’ailleurs, puisqu’elle accueillit pendant quelques années l’exil imposé à Laurent de Médicis avant qu’il ne devienne  » le Magnifique « .

Le dessin est moins fouillé, dans son ensemble, que dans le premier opus, mais il est tout aussi efficace, et ce n’est pas la moindre des qualités de cette série que d’être parvenu, ainsi, à garder une unité graphique, malgré le fait que deux dessinateurs différents se soient attelés à la tâche de donner vie à Florence et aux Médicis.

L’Histoire est un terreau fécond pour toute œuvre littéraire soucieuse de se plonger dans des passés qui, qu’on le veuille ou non, ont construit nos présents, les ont civilisés, grâce à l’art, mais aussi à la guerre, grâce aux noms que les manuels scolaires aiment à rappeler, mais grâce aussi à la foule des inconnus qui, de siècle en siècle, de dictature éclairée en tyrannie totale, ont accepté de se soumettre ou se sont révoltés, ont aimé ou haï.

En Bande Dessinée, raconter l’Histoire ne peut se faire, pour que le plaisir de la lecture soit au rendez-vous, qu’avec un sens très efficace de la construction narrative. Il faut que le lecteur découvre des réalités historiques qu’il ne connaissait pas, tout en se sentant en même temps en terrain plus ou moins reconnu.

Et sans augurer de ce que seront les albums suivants, croyez-moi, pour ces deux premiers volumes, la réussite est totalement au rendez-vous !

Amoureux de la grande histoire, amoureux des grandes aventures, amoureux de la bande dessinée, amoureux des arts, de Brunelleschi à Michel-Ange, vous ne pourrez qu’être séduits par ce qui est le début d’une fresque historique soucieuse de respect à son objet premier : la sublime ville de Florence !

 

Jacques Schraûwen