Les Nouvelles Aventures de Sibylline : Le Secret de Mélanie Chardon

La petite souris créée en 1965 par le génial Raymond Macherot reprend du service. Et, ma foi, en une trentaine de pages, elle réussit un beau retour, quelque peu nostalgique, certes. Mais pas seulement !…

 

Quand on parle de Raymond Macherot, c’est de la grande histoire du neuvième art qu’on parle. C’est en 1959 que cet artiste complet a donné vie au colonel Clifton, un personnage à l’humour très flegmatique, vite suivi par d’autres héros tout aussi symboliques de l’essor de la BD dans les années 60 et 70 : Chlorophylle, Chaminou, Pantoufle et bien sûr Sybilline.

Bien entendu, Macherot n’a pas été l’inventeur de la bd  » humano-animalière « . Calvo, par exemple, en fut un représentant génial. Mais Macherot fut peut-être le premier à créer des personnages qui, immédiatement, plurent à tous les publics. Je me souviendrai toujours, par exemple, de ses rats noirs et de la blessure de Torpille qui, enfant, me faisait pratiquement sangloter, et ce de lecture répétée en lecture répétée !

Sibylline est elle aussi un personnage mythique de la bande dessinée, et on peut dire que reprendre aujourd’hui cette héroïne qui a fait les bonheurs des lecteurs de Spirou dans les années 60 tenait du pari, de la gageure, du défi même !

Un défi que Corteggiani, scénariste chevronné, a accepté de relever. Et si la réussite est au rendez-vous, c’est grâce à son talent de dialoguiste, sans aucun doute, un dialoguiste capable de mettre dans son scénario des mots lisibles à plusieurs niveaux de lecture, et, donc, de coller au monde d’aujourd’hui. Etre moderne, oui, mais sans trahir Macherot !

Corteggiani: un défi…

 

L’histoire de ce nouvel album, un récit concentré en trente planches, possède la linéarité qui était chère à Macherot. Taboum, l’ami de Sybilline, tombe sous le charme d’une affiche qui montre le portrait d’une horrible sorcière recherchée par un certain docteur Typhus, accompagné d’Ekzéma, un chat efflanqué. Cette horrible sorcière, affirme ce médecin, a un pouvoir de séduction extrêmement dangereux, et c’est la raison pour laquelle il la poursuit depuis de longues années.

La narration, donc, est assez simple. Mais pas du tout simpliste, comme je le disais, dans la mesure où les thèmes abordés, en arrière-plan ou de manière plus frontale, sont des thèmes qui parlent vraiment de notre époque : cet album est d’abord et avant tout une fable… Une fable sur la beauté, la séduction, l’amour, la passion, une fable sur l’amitié, une fable sur les rapports humains. Une fable, surtout, sur les apparences et la façon dont elles peuvent prendre le pouvoir sur la vérité !

Corteggiani: une fable…

 

Netch, dessinateur belge, a plongé avec délice dans l’univers de Macherot revisité par Corteggiani. Mais ce n’est pas vraiment du copier-coller qu’il nous livre. On a plutôt l’impression, en face de son dessin, de se retrouver dans un hommage pointu à Macherot, avec, de ci de là, des talents très personnels qui se montrent et s’affirment. La couleur par exemple, même si elle rappelle celle de Leonardo à l’époque de Macherot, est plus lumineuse, créant plus de contrastes… Et la façon dont il dessine le mouvement, dont il donne vie à ses petits personnages, la manière dont il donne à Sibylline des expressions immédiatement perceptibles, tout cela réussit à créer, au-delà de la nostalgie, une belle complicité avec les lecteurs d’aujourd’hui, j’en suis certain. Tout comme je suis certain que ses « méchants » auraient plu énormément à Macherot lui-même!

Necht et Corteggiani: le dessin

Ce n’est bien entendu pas un album innovant, c’est même un album qui s’inscrit ouvertement dans une démarche de continuité et d’hommage tout en même temps.

Mais c’est surtout une histoire attendrissante, un livre amusant à lire et à regarder, une de ces lectures qui ne se prend pas la tête et qui se veut, sans forfanterie, véritablement ouverte à tous les publics !

 

Jacques Schraûwen

Les Nouvelles Aventures de Sibylline : Le Secret de Mélanie Chardon (dessin : Netch – scénario : Corteggiani – éditeur : Casterman)