Yo-Yo Post Mortem : 2. Mourir n’a jamais tué personne

Yo-Yo Post Mortem : 2. Mourir n’a jamais tué personne

Après  » Mourir nuit gravement à la santé « , paru en 2014, revoici le passeur d’âmes Bône, James Bône. Un passeur obligé de reprendre du service pour éviter, en enfer, le chaos le plus total !…

 

J’aime ces bandes dessinée déjantées qui osent s’aventurer dans des territoires délicats à aborder, et qui le font avec talent, et, surtout, avec infiniment d’humour !

Quand on parle des  » esprits « , il est naturel, après tout, que l’auteur fasse preuve, lui aussi, d’esprit, à la française, avec des jeux de mots, sans arrêt, avec des références nombreuses au plus profond des dessins. Gilles Le Coz, dessinateur et scénariste, s’en donne véritablement à cœur joie dans ce deuxième opus qui plonge, cette fois, métaphoriquement peut-être mais de manière évidente, dans notre monde à nous, pauvre  vivants !

C’est que là-bas, de l’autre côté de l’ici, de l’autre côté de la tombe, les passeurs d’âme ont d’autres occupations que de mener les défunts vers leurs réincarnations, vers leurs nouvelles destinations… Il faut dire qu’un certain  » Steve « , défunt parmi les défunts, a inventé et partagé un objet de communication qui occupe toutes les pensées, en chaque minute, des habitants de l’univers de l’ailleurs : le iCrâne et son clavier démoniaque !

 

Cerby, le chien gardien des enfers, se doit de trouver une solution à cette apathie généralisée et à cet engorgement de plus en plus préoccupant du monde dont il est le garde et le garant. Surtout qu’une entité particulièrement mauvaise apparaît et veut tout détruire de l’ordre de l’humanité !

Un seul personnage peut sauver la  situation, et c’est le fameux James, James Bône… Mais voilà, après le premier album de cette série, James Bône a vendu sa propre âme au Rock, redevenant humain, adulé par les foules.

Malgré tout, puisqu’il se doit d’être le sauveur du monde d’en bas, il va finir par redevenir lui-même, ébloui par Adèle, une jeune morte qui a toutes les peines du monde à comprendre que, pour elle, toute existence est désormais domaine d’un passé lointain !

 

Je parlais de références… Il y en a à chaque page…. On reconnaît par exemple l’inspecteur Colombo… Il y a également des références littéraires ou mythologiques, comme la présence active de ce cerbère se nommant Cerby.

Mais il y a surtout, au-delà même d’un humour omniprésent, un scénario extrêmement bien construit, qui laisse peu de place aux temps morts (humour involontaire, désolé !…), et qui réussit même à laisser une place importante, voire essentielle, à un « fantastique » proche de certains récits de Claude Seignolle ou de Thomas Owen !…

Le dessin, lui, tout en nuances de noir, de blanc et de gris, est d’une belle maîtrise, tant pour les personnages qui, malgré leurs visages d’os et uniquement d’os, parviennent à exprimer une superbe palette d’émotions, que pour les décors, les perspectives, les mouvements, et il y a même quelques instants dessinés qui ne dépareilleraient pas dans une bd d’horreur à l’américaine !

De l’excellent travail, donc, que ce livre, un excellent moment de lecture, de rire, de sourire, et même de réflexion !… Mourir de sourire n’a jamais tué personne, tout compte fait !

 

Jacques Schraûwen

Yo-Yo Post Mortem : 2. Mourir n’a jamais tué personne (auteur : Gilles Le Coz – éditeur : sandawe.com)

Presque Jamais

Presque Jamais

A savourer sur la plage (ou ailleurs…)

 

Avec ce livre-ci, on se trouve dans une bande dessinée typiquement européenne. Une bd qui laisse la place à l’émotion, à la réflexion, à la poésie. A l’onirisme, aussi et surtout, puisque tout, ou presque, dans cet album, se déroule tout au long des flots d’un rêve presque surréaliste.

Un jeune homme, en voix off, raconte son rêve… Sa dérive, sur une barque, le long d’un fleuve aux eaux tantôt calmes et apaisantes, tantôt aux flots tumultueux. Dans ce petit rafiot qui tremble au rythme des frémissements de l’onde, il soigne et se lie d’amitié avec un oiseau, un oiseau à qui il parle, à qui il se livre.

Et il continue à se raconter, à se dire, à un personnage qu’on devine être sa grand-mère.

Rêve-t-il vraiment, ou ce songe qui l’emmène dans des lieux où rien ne lui est connu n’est-il pas le simple récit qu’il se fait de sa propre existence ?

Bien des thèmes sont abordés dans ce livre étonnant… La conscience, la perte d’un être cher, la déchirure d’une rupture, l’amitié et ses possibles, le don de soi, le langage, le miroir (celui de l’eau) où se retrouver.

Le rêve que vit, profondément, le personnage principal de ce livre est un voyage qu’il fait, et nous invite à faire, vers l’enfance, toutes les enfances, qui, finalement, se ressemblent par l’évidence des espérances qu’elles créent, des possibles qu’elle met en scène.

Ce  » Presque jamais  » est un poème graphique étonnant. Le texte ne cherche pas à éblouir, à aucun moment, et le dessin est joyeux, de bout en bout. Quant aux couleurs, ce sont elles, incontestablement, qui font toute la beauté et toute la richesse de cette histoire. Elles ont une force d’évocation exceptionnelle, par le rythme qu’elles imposent au récit, par le flou dont elle l’entoure, ici et là, par la lumière qu’elle réussit à recréer même dans les ombres de la tempête.

Un très bon livre au rythme lent, à savourer, doucement, lentement, sereinement…

Presque Jamais (dessin : Francesco Castelli – scénario : Tommaso Valsecchi – couleurs : Valentina Grassini – éditeur : Kramiek)

Jacques Schraûwen

Bandette

Bandette

A savourer sur la plage (ou ailleurs…)

Les codes du Comics américain sont bien connus : des histoires courtes qui forment des chapitres, un dessin qui aime à éclater les perspectives comme les apparences, avec des lignes de force qui pointent toutes vers le lieu de la planche où l’action, souvent violente, est la plus puissante, un dialogue qui se veut d’une part très  » parlé  » et, d’autre part, pour accentuer la narration, extrêmement littéraire parfois.

Ici, nous nous trouvons en face d’un comics qui, justement, ne sacrifie aucunement à tous ces codes, sauf un, le premier, la construction en chapitres. Le dessin est souple, vif, rapide, sans effets spéciaux, et plus proche de la bd européenne que de la bd américaine. Le scénario rend hommage, de manière appuyée même, au neuvième art belgo-français. Un des personnages, un policier, par exemple, s’appelle  » Belgique « , et les initiales de ses prénoms sont B.D.!

L’histoire elle-même, celle d’une jeune voleuse masquée, en concurrence avec un voleur tout aussi masqué et rappelant les traits du  » Spirit « , est totalement démarquée par rapport à  la bd du nouveau continent. La violence est traitée en ellipses, et, d’ailleurs, très peu présente, le sourire prime sur l’action.

L’héroïne, Bandette, fait d’ailleurs penser à cette  héroïne que bien des enfants, et des adultes se souvenant de leurs lectures enfantines, connaissent : Fantômette !

J’avoue que, à la lecture de cet album, je me suis bien amusé… Tout en me demandant si, finalement, il ne s’agissait pas d’un pastiche, tout simplement… Qui sait ?… Cela dit, le résultat est agréable à lire, le dessin, sans tape-à-l’œil, sans virtuosité ostentatoire, est totalement lisible, et l’ensemble forme un excellent bouquin délassant à souhait et accessible à tous les publics !

 

Bandette (dessin : Colleen Coover – scénario : Paul Tobin – éditeur : EPcomics)

Jacques Schraûwen