Le Cimetière des Innocents : 1. Oriane et l’Ordre des Morts

Dans cette chronique, consacrée à un livre qui mêle Histoire et Fantastique, allez à la rencontre et écoutez deux auteurs aux talents pluriels et complémentaires : Fourquemin et Charlot !

Le Cimetière des Innocents©Bamboo Grandangle
Charlot: les personnages

 

Le cimetière des innocents était une réalité, un lieu entouré de maisons, un endroit où s’entassaient des morts par centaines… L’odeur était fétide, sans aucun doute… Surtout que, outre les tombes mêlées les unes aux autres, s’y trouvait aussi un reclusoir, c’est-à-dire une petite construction totalement close, à l’exception d’une ouverture permettant à la nourriture d’y être jetée, une petite maison-prison dans laquelle survivait, pendant un temps plus ou moins long, une recluse, une femme qui se consacrait exclusivement à Dieu pour protéger les humains…

Et ce cimetière des innocents, en un seizième siècle qui connaît les horreurs des guerres de religion, est le lieu choisi par Philippe Charlot et Xavier Fourquemin pour nous raconter l’histoire d’un jeune huguenot à la recherche des restes de son père, et d’une jeune fille dont le père pense avoir trouvé la pierre philosophale. Leur amitié, tourmentée dès le départ, sera tout, au long de ce premier album, sauf un voyage de sérénité !…

Mais il sera un voyage, oui… De l’un vers l’autre, des deux, ensemble, vers un monde de cruautés inhumaines, vers des ailleurs que ce premier tome ne fait encore qu’esquisser.

C’est le voyage de quelques personnages, aussi, autour d’un cimetière, autour de la pierre philosophale, autour du pouvoir, autour des reliques, des personnages nombreux qui, tous, par le talent de Philippe Charlot, existent pleinement… Il y a un prêtre, un mercenaire, des assassins, un « méchant » dont on ne voit pas le visage. Il y a tout, dans ce livre, pour que le plaisir des yeux et de la lecture soit constant !

 

Le Cimetière des Innocents©Bamboo Grandangle

Charlot: le fantastique

 

Philippe Charlot fait partie de ces scénaristes qui aiment à mélanger les genres, qui aiment faire le choix de la poésie plutôt que de l’aventure pure. Et c’est ce qu’il fait ici, utilisant le personnage du père de la jeune femme comme moteur « fantastique » de son récit. Tout se construit, d’abord, autour de la grande Histoire, tout continue à s’ériger dans la petite histoire de deux héros, un jeune protestant, une jeune athée, tout se termine par des pouvoirs possédés par Oriane, cette jeune femme, et qui pourront contrer la mort et ses inéluctables néants. Des pouvoirs qui lui sont donnés par ce qui ressemble à une pierre philosophale…

 

Le Cimetière des Innocents©Bamboo Grandangle

Fourquemin – scénario et dessin : plaisir d’univers sombres travail sur le décalage, l’ombre, la lumière

 

Vous l’aurez compris, cette série naissante se balade, et nous balade, entre vérité historique et imagination pure, entre horreur et poésie, entre morts et vivants. Il fallait, pour que les mots de Philippe Charlot atteignent leur but, un dessin capable non de les illustrer, mais de les compléter, de les précéder même. Et le graphisme de Xavier Fourquemin, aidé par le travail sur la couleur de Hamo, atteint totalement ce but ! Ce dessinateur aime les ambiances, le passage de l’ombre à la lumière, les univers sombres, les décors porteurs de mystères. Mais il aime aussi les expressions, les sourires révélateurs, les personnages qui ont du corps et du mouvement. Et c’est ce qui fait aussi de cette bd une réussite passionnante dont on attend, avec déjà de l’impatience, la suite !

 

Le Cimetière des Innocents©Bamboo Grandangle

Fourquemin – évolution du dessin – lisibilité et narration – décors, ambiances, attention… évolution :

 

Une histoire comme celle que nous racontent Hamo, Charlot et Fourquemin, peut certes être déstabilisante. Mais elle se doit d’être lisible, compréhensible, plausible de part en part, comme toute œuvre fantastique sans apprêt, comme le sont les romans de Béalu, par exemple, ou de Gérard Prévot. Et le Fourquemin d’il y a quelques années, efficace dans les albums de cette époque, a laissé ici la place à un dessinateur qui prend plus de temps pour faire de son graphisme un véritable outil de narration. Son dessin est au service du scénario, et sa manière ici de peaufiner les décors, là de les estomper voire de les nier, tout cela permet à l’album d’être d’une totale lisibilité, et de laisser aux ambiances graphiques le temps et le pouvoir de conduire progressivement à des moments narratifs essentiels.

 

 

Le Cimetière des Innocents©Bamboo Grandangle

 

J’ai toujours été séduit par le dessin de Xavier Fourquemin. Je le suis tout autant par le plaisir historique et imaginatif de Charlot, qui, d’ailleurs, récemment, nous a gratifiés d’un excellent album consacré au tango.

Et je suis totalement « fan » de cette série débutante, sans aucun doute ! C’est de la bande dessinée intelligente, qui unit l’aventure et la réflexion, la fable et l’Histoire, l’écriture et le dessin, le tout dans une belle osmose qui ne pourra, j’en suis convaincu, que vous plaire…

 

Jacques Schraûwen

Le Cimetière des Innocents : 1. Oriane et l’Ordre des Morts (dessin : Xavier Fourquemin – scénario : Philippe Charlot – couleurs : Hamo – éditeur : Bamboo Grandangle)