Jane

Une adaptation très moderne et très surprenante de « Jane Eyre », l’œuvre majeure de Charlotte Brontë.

Jane © Glénat

Je pense qu’il ne s’agit, pas dans ce livre, de retrouver totalement les personnages du roman originel. Mais je pense, par contre, que cette bd réussit, dans notre univers contemporain, à retrouver le romantisme romanesque de Charlotte Brontë.

Jane © Glénat

La trame de fond, cependant, reste un peu la même. Jane, une jeune femme ayant connu une enfance difficile, dans un environnement qui ne cherchait qu’à la mettre dans l’ombre, abandonne totalement son passé et se rend à New York. Son but ? Y faire des études d’art. Un ami couturier et gay l’héberge. Mais il faut bien gagner sa vie, et Jane est engagée comme nounou dans une étrange demeure. Son patron, Rochester, est un homme d’affaires puissant et peu visible, et la demeure, à la fois moderne et gothique, dans laquelle Jane travaille est dirigée par une femme revêche, Magda. De quoi fuir, très vite, s’il n’y avait la petite fille dont doit s’occuper Jane, Adèle.

Jane © Glénat

Cette enfant a un point commun avec Jane, c’est la solitude. Et à partir de là, on se retrouve vraiment dans l’ambiance, revisitée et relocalisée de nos jours, qui a fait de l’œuvre de Brontë une des œuvres magistrales de la littérature du dix-neuvième siècle.

Une ambiance, je le disais, romantique, d’abord. Parce que Jane, jeune, vive, artiste aussi, cherche à faire sourire à la vie cette gamine à laquelle elle s’attache malgré l’ambiance pesante de la maison de Rochester.

Un père qui, pourtant, peu à peu, accepte les remarques de la nounou et, bien plus, se laisse légèrement découvrir.

Un homme, surtout, diablement séduisant et duquel, avec une évidence tranquille, Jane tombe amoureuse tout en voulant à tout prix ne pas l’être !

Jane © Glénat

A tout cela se greffe le mystère de la mort de la mère d’Adèle, l’épouse de Rochester. La présence, aussi, du frère de cette mère défunte. Les fuites de Rochester, également. Et une mystérieuse pièce fermée à clé, et dans laquelle Jane a l’interdiction totale d’entrer. Rochester serait-il proche de Barbe Bleue ?….

Vous le saurez, bien évidemment, en lisant cet album… En suivant les péripéties de Jane dans l’existence, dans sa recherche d’identité, de reconnaissance, d’amour. Il y a du polar, il y a du sentiment, il y a un tout petit peu d’érotisme, il y a de la violence, de la mort, mais de l’espérance surtout !

Le scénario parvient, ainsi, à ne jamais trahir vraiment l’œuvre originelle, tout en s’ancrant résolument dans notre vingt-et-unième siècle. Ce scénario se construit essentiellement à travers le dialogue, et ne tombe pas de cette manière dans une écriture littéraire qui pourrait être désuète…

Quant au dessin, il est vif, dynamique, insistant avec talent sur les regards et tout ce qu’ils expriment, s’attardant ainsi à dessiner ce que les dialogues ne font qu’entamer. On se trouve, graphiquement, dans une bd américaine bien plus proche des mondes d’Eisner que de ceux des super héros !

Et puis, il y a la couleur… Une couleur qui, à certains moments (et je pense à un sublime feu ouvert…) est extrêmement présente, à d’autres se fait presque transparente. Une couleur, en fait, qui se met au service d’une histoire dessinée, et qui, ce faisant, la complète avec une justesse de ton remarquable.

Jane © Glénat

Je ne suis pas fanatique (loin s’en faut) de la littérature romantique, mélo et fleur bleue, du dix-neuvième siècle. Et j’avoue qu’il m’a fallu un certain temps pour ouvrir cet album bd, ce roman graphique inspiré d’un roman littéraire par trop connu. Mais le plaisir a été au rendez-vous, grâce à l’intelligence des auteurs qui, on peut le dire, se contentent de références et réussissent à nous raconter une histoire passionnante, menée de main de maître, et laissant la place à l’émotion.

Une belle réussite, oui, à laquelle je ne m’attendais pas.

Un livre, donc, que je vous conseille, et qui mérite assurément le détour !

Jacques Schraûwen

Jane (dessin : Ramón K. Pérez – scénario : Aline Brosh McKenna – couleurs : Irma Kniivila – éditeur : Glénat)