Alex Varenne : la disparition d’un chantre de l’érotisme en noir et blanc…

L’entrée d’Alex Varenne (à l’instigation de son frère Daniel) dans l’univers de la bande dessinée date de la fin des années 70, avec une saga qui, dès le départ, a dénoté dans un monde bd qui commençait (enfin) à se libérer du carcan de la tradition. Rappelons qu’à l’époque la revue « Charlie mensuel » dans laquelle est parue cette série était une vraie référence dans ce qu’on aurait pu appeler la « nouvelle bd »…

Cette saga, « Ardeur », est à inscrire, certes, dans la « mode » de cette époque qui a vu fleurir bien des albums post-apocalyptiques. Mais ce qui a fait l’originalité de cette bande dessinée, c’est son traitement graphique et son découpage, avec une utilisation très présente et très prenante du noir et blanc.

« Ardeur », déserteur défiguré, se promène dans un monde détruit, et les rencontres qu’il y fait, ombres de l’existence, sont des jalons qui doivent le conduire jusqu’au dernier lieu civilisé de la planète…

« Ardeur » aurait pu définir la carrière future d’Alex Varenne.

Il n’en a rien été…

Et dès les années 80, dans l’Echo des Savanes, Alex Varenne s’est laissé aller à ce qui le passionnait vraiment, l’érotisme. Mais un érotisme sans tabou, un érotisme aimant faire de la perversité un moteur narratif, un érotisme plus proche de celui de Sade et d’Apollinaire que de celui d’Aragon… Sa manière de dessiner, de donner vie, très charnellement, très abstraitement aussi parfois, à des ombres et des lumières, a trouvé dans ce style un véritable accomplissement.

C’est dans ce genre très précis, avec parfois des scénarios extrêmement construits, comme pour « Erma Jaquar » ou « Erotic Opera », avec le plus souvent un plaisir immédiat de la construction, pour lui, un plaisir du regard complice pour ses lecteurs, qu’Alex Varenne a peaufiné de plus en plus son talent personnel et original.

Il a ainsi collaboré, comme illustrateur, à des revues comme « Playboy » ou « Penthouse », et il aura eu à cœur également de ne pas se contenter d’un érotisme soft en sage, mais d’illustrer des textes résolument X.

Alex Varenne est à inscrire dans la mouvance créatrice de gens comme Pichard ou Claeys, c’est évident, une fratrie dans laquelle la liberté d’expression ne souffrait aucune règle autre que le talent et l’envie d’explorer, graphiquement, des univers de désir, de plaisir, de folie charnelle… Avec des vrais chefs d’œuvre du genre, comme « Ode à l’x » ou « Les larmes du sexe » sous les pinceaux d’Alex Varenne

C’est à André Breton qu’on attribue la phrase « La pornographie, c’est l’érotisme des autres ».

Avec Alex Varenne, la frontière morale entre ces deux formes d’art aussi vieilles que l’est l’art lui-même, cette frontière n’existait plus…

Jacques Schraûwen