La Ferme Petit Pois – 1. La Nouvelle Vie de Jen

La Ferme Petit Pois – 1. La Nouvelle Vie de Jen

Une belle réussite en littérature bd jeunesse !

Souvenirs d’une enfance obligée de changer ses habitudes pour suivre le nouvel amour de sa mère… Un livre tendre, lucide, intelligent…

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Le sujet de ce livre, premier tome d’une série de trois albums, est très à la mode, que ce soit aux Etats-Unis, pays de Lucy Knisley, auteure des aventures quotidiennes de Jen, ou dans notre vieille Europe : le retour à la terre…

Le résumé est simple. Les parents de Jen se séparent, et sa mère décide de suivre son nouvel amour à la campagne, pour y cultiver légumes et fleurs et gagner sa vie en vendant les produits de son travail sur le marché.

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Et Jen, bien évidemment, gamine à l’orée de l’adolescence, est obligée de la suivre, de quitter le monde qui était le sien, celui de la cité, pour se voir imposer un univers dans lequel elle perd tous ses points de repère : plus d’amis, plus de librairies où feuilleter et acheter des livres, des bandes dessinées. Rien qu’un poulailler dont elle doit s’occuper, rien que l’obligation de se faire vendeuse au marché du village, rien que le travail de la terre…

Et puis, les week-end, Jen voit débarquer les enfants du compagnon de sa mère… Une petite fille quelque peu pleurnicharde et une autre fille de son âge, Andy, prétentieuse, sûre d’elle. Et c’est à partir de cette rencontre à laquelle elle ne peut échapper que Jen va découvrir les affres d’une famille recomposée…

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Il y a des larmes, des colères, il y a l’attitude du beau-père qui manque, pour le moins, de finesse et de compréhension.

Il y a la vie, tout simplement… Et le besoin, pour faire plus que survivre, pour ne pas s’enfouir dans la peine et ses gouffres, de se laisser apprivoiser, et d’apprivoiser l’autre en même temps.

Tous les adultes, au travers de cette fable plus ou moins écologique, reconnaîtront leurs propres angoisses enfantines, et ces mélanges de chaque jour, en enfance, mélanges étranges et essentiels de sentiments et de sensations qui forgent, peu à peu, une existence empreinte de personnalité.

Ce livre est tendre. Il nous parle de l’attitude des adultes qui oublient leur propre enfance. Il nous parle du contact nécessaire et enrichissant avec la nature, certes, mais surtout avec d’autres personnes, d’autres vérités, d’autres habitudes. Il nous parle d’une famille qui n’est jamais toute rose ni toute sombre. Il nous parle de l’apprentissage de la tolérance. Il nous montre aussi, surtout même, le regard de l’enfance sur les adultes dont ils dépendent. Et il nous montre la réalité de la complicité entre enfants ballotés par les aléas de la vie de leurs parents…

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Ce livre, inspiré de ce qu’a vécu l’auteure, est d’une justesse de ton parfaite. Le dessin est simple, sans être simpliste, et laisse toute la place, graphiquement, à la représentation des émotions et des sentiments d’une gamine à la recherche d’elle-même, comme le sont tous les enfants dans toutes les communautés humaines !

Un très joli livre à offrir à vos enfants, petits-enfants, un livre qui n’a rien de militant, ni de caricatural…

Jacques Schraûwen

La Ferme Petit Pois – 1. La Nouvelle Vie de Jen (auteure : Lucy Knisley – éditeur : Gallimard – 216 pages – janvier 2021)

La Ferme Petit Pois © Gallimard
René Follet – un illustrateur humaniste au service du guidisme

René Follet – un illustrateur humaniste au service du guidisme

Nombreux sont celles et ceux qui, d’enfance en adolescence, se sont construits au travers d’un mouvement de jeunesse tel que le scoutisme, y découvrant leurs propres chemins grâce, très souvent, aux revues de ces mouvements dans lesquels les dessins étaient nombreux.

René Follet © CHBS

De nos jours, en une époque où les « étiquettes » sont de plus en plus nombreuses, il est souvent de mauvais ton de se revendiquer du scoutisme, de ses valeurs, de son encadrement souvent empreint de foi.

Disons les choses nettement, dès l’abord.

J’ai grandi dans le scoutisme, de louveteau à scout, de scout à assistant de troupe, d’assistant de troupe à Akéla, d’Akéla à chef d’unité. Et ce scoutisme était « catholique », oui. Ce qui ne m’a pas empêché d’avoir mes propres convictions, agnostiques et laïques !

Cette religion ne m’a jamais gêné aux entournures, loin s’en faut, elle me fut même, tout au contraire, chance de réflexion pour en éviter tous les carcans. Et je ne remercierai jamais assez l’abbé Morel qui me fit comprendre que cette religion était partie intégrante d’une forme de patrimoine, et qui est resté un ami lorsque mes pas m’ont éloigné (enfin) des dogmes de l’Eglise Catholique.

Pourquoi cette introduction très personnelle, me direz-vous ?

René Follet © CHBS

Tout simplement parce que ces dessinateurs qui ont vu leurs dessins publiés dans des revues scoutes étaient empreints, eux aussi, de cette culture catholique… Judéo-chrétienne dit-on parfois…

De Joubert à Mitacq, de Forget à Follet, ces artistes n’ont jamais caché leurs convictions religieuses, chrétiennes. Et c’est aussi, cette honnêteté vis-à-vis d’eux-mêmes qui en a fait des auteurs résolument humanistes.

Parmi eux, donc, René Follet.

Un être simple, charmant, accueillant, souriant, presque timide.

Un personnage tranquille, dont le talent a rythmé l’existence, dont l’existence à rythmé le talent…

Il fut auteur de BD, bien évidemment, avec, c’est vrai, un succès mitigé au niveau des ventes. Mais avec, par contre, une admiration sans borne des plus grands de ses « collègues », parmi lesquels les immenses William Vance, Hermann, et bien d’autres, dont son ami, l’extraordinaire Emmanuel Lepage.

René Follet © CHBS

Ce manque de succès de vente est sans doute dû au fait que René Follet se sentait quelque peu à l’étroit dans le carcan précis d’un découpage de bande dessinée. Je pense que pour lui, un seul dessin pouvait suffire à raconter toute une histoire…

Il était un illustrateur de premier plan, et pour s’en convaincre, si besoin en était, il suffit de se plonger dans les livres de chez Dupuis qu’il a illustrés : la chevalerie, les Grecs, Cordées souterraines…

Pour se rendre compte aussi de la puissance de son trait, de sa façon, dans une sorte de parallélisme artistique avec Forget, de jouer avec les perspectives pour accentuer la gestuelle de ses personnages, leurs mouvements, leurs mouvances, il faut s’intéresser à ses dessins rapides, à ses croquis.

Et pour ce faire, il n’y a rien de mieux, sans doute, que de le découvrir dans ce petit album broché qui se consacre à toutes les illustrations qu’il fit dans le monde du guidisme en Belgique.

Que ce soit pour accompagner des feuilletons ou pour raconter la vie d’un camp, que ce soit pour parler des jeux scouts traditionnels ou pour montrer le rythme des saisons, René Follet s’est fait, dans la revue « Trèfle », observateur des guides pendant des années essentielles du vingtième siècle, de 1966 à 1976. Essentielles, oui, parce qu’elles permirent au féminisme de transformer foncièrement un mouvement comme le guidisme, en l’ancrant dans un sens égalitaire des hommes et des femmes, sans pour autant perdre le sens essentiel de la tolérance.

Et à ce titre, oui, sans aucun doute possible, le crayon de Follet est humaniste… L’image qu’il donne de la jeune fille au fil des années, change, évolue… Refuse tout conformisme pour rendre compte, simplement, d’une évolution des mentalités, donc des réalités, dans le guidisme et le scoutisme comme dans la vie de la société en général.

René Follet © CHBS

Ce livre ne se contente pas de mettre côte à côte des tas de dessins. Jean-Louis Hengchen, l’auteur, a effectué un travail de fond. D’abord en nous présentant, en plusieurs pages illustrées, ce que fut la carrière et les engagements de René Follet. Ensuite, en classifiant les dessins, nous permettant ainsi de profiter des thèmes choisis par Hengchen pour découvrir toute l’évolution dans le regard aigu de l’immense René Follet…

Aigu et, toujours, « gentil »…

La gentillesse de Follet : une vraie qualité humaine et humaniste, elle aussi ! Qui transparaît totalement dans ce livre que les amoureux de la BD et de Follet sauront apprécier…

Jacques Schraûwen

René Follet – un illustrateur humaniste au service du guidisme (auteur : Jean-Louis Hengchen – éditeur : Cahiers d’Histoire Belge du Scoutisme)

Pour commander ce livre :

CHBS (Thierry Scaillet) 25, rue Georges Willame – 1400 Nivelles

www.chbs.be

info@chbs.be

René Follet © CHBS
Le Neuvième Art s’expose à Bruxelles ! Deux lieux, deux rencontres…

Le Neuvième Art s’expose à Bruxelles ! Deux lieux, deux rencontres…

La bande dessinée est un univers éclectique, et c’est ce qui en fait sa richesse, sa nécessaire présence aux quotidiens de nos découvertes artistiques… Poussez la porte de ces deux galeries bruxelloises pour voir vivre cette bd !

Yslaire à la galerie Champaka jusqu’au 19 juin– Baudelaire, d’abord et avant tout…

J’ai déjà dit ici tout le bien que je pensais de « Mademoiselle Baudelaire », exceptionnelle plongée graphique et littéraire dans l’existence d’un des plus essentiels des poètes français. https://bd-chroniques.be/index.php/2021/05/04/mademoiselle-baudelaire/

Yslaire, au-delà de la rime qui le relie quelque peu à son anti-héros, a trouvé chez lui comme une sorte de miroir de ses propres folies, de ses propres failles, de ses propres dérives. Et son dessin, dès lors, s’est fait démesures… Démesures visuelles, d’abord, démesures de sensations, de sentiments, aussi, surtout sans doute.

Même dans l’excellent « Sambre », Yslaire faisait œuvre réfléchie, construite… Ici, il en va tout autrement. Il y a, comme dans le monde de l’abstraction lyrique, une importance superbe accordée à la gestuelle dans ses dessins, à l’improvisation dans son approche d’un personnage à toujours redécouvrir.

Et c’est cette puissance du trait et de la couleur que je vous invite à découvrir dans la galerie Champaka, au Sablon, pour une exposition envoûtante…

http://www.galeriechampaka.com/

Judith Vanistendael et Simon Spruyt à la galerie Huberty & Breyne jusqu’au 26 juin – La nouvelle vague du Lombard

Deux auteurs belges qui s’exposent aux cimaises de la galerie bruxelloise de la place du Châtelain… Deux auteurs résolument modernes dans leur approche de la bande dessinée… Deux artistes qui font de leur art un dialogue avec la poésie, la mémoire, la culture…

D’un côté, Judith Vanistendael dévoile dans cette exposition sa manière très personnelle d’entrer dans une histoire, dans un récit, de le construire. Pour elle, le dessin doit aller à l’essentiel, sans s’encombrer d’éléments qui ne participeraient pas au récit. Et dans son nouveau livre, « La Baleine Bibliothèque, on la sent heureuse de se laisser aller au gré d’un scénario poétique de Zidrou.

De l’autre côté, Simon Spruyt nous prouve, une fois de plus, combien son dessin aime à ne jamais s’enfoncer dans la routine. A chaque album, cet auteur passionné et passionnant, qui aime utiliser l’Histoire comme canevas pour des réflexions très actuelles, nous offre une approche graphique différente. Et son dernier livre, « Le Tambour de la Moskova », qui nous donne à voir une rencontre imaginaire entre Tolstoï et un ancien tambour de l’armée napoléonienne, est d’une beauté presque expressionniste qui mérite d’être regardée de tout près…

Deux artistes belges qui appartiennent totalement au neuvième art dans toute sa diversité, que je vous invite, ardemment, à découvrir dans cette galerie bruxelloise !

https://hubertybreyne.com/fr/expositions/presentation/417/la-nouvelle-vague-du-lombard

Jacques Schraûwen