Oliver & Peter : 3. Frères De Sang

La fin d’une fable cruelle et formidablement humaine !

Oliver Twist, Peter Pan, frères d’enfance, frères de sang… Et l’ombre de H.G. Wells et de sa machine à remonter le temps… Une trilogie passionnante, intelligente, poétique, brutale, qui ressemble à la dissection littéraire des mythes de notre enfance, de notre adolescence…


Oliver & Peter © Sandawe.com

 

Tout le monde connaît Peter Pan. A cause ou grâce à Disney et au cinéma, essentiellement. Je ne pense pas que nombreux sont celles et ceux qui ont lu le livre, la pièce de théâtre, ou même simplement qui connaissent le nom de l’écrivain dont le talent, le génie même, est à l’origine de la création.
James Mattew Barrie, pourtant, fut un auteur prolifique de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième. Ce personnage qu’il a imaginé, Peter Pan, est probablement un des anti-héros les plus essentiels de la littérature : un enfant qui refuse de grandir (comme Le Tambour, plus tard, de Grass…), un enfant qui, pourtant, a à se battre contre les diktats horribles et violents que veulent lui imposer les adultes. Un enfant qui a donné son nom, dans l’univers de la psychiatrie, à un « complexe » dont fut un exemple Jackson.
Et, d’une certaine manière, c’est James Matthew Barrie qui est au centre de cette trilogie dessinée qui se termine aujourd’hui !

 

Oliver & Peter © Sandawe.com

Une trilogie qui met en scène quatre personnages. Peter Pan, d’abord. Oliver Twist, ensuite, venu tout droit de chez Dickens. Wendy, évidemment, dont Peter Pan est amoureux, dont la fée clochette est jalouse. Et puis, le capitaine Crochet, bien sûr ! Mais un capitaine Crochet qui n’est plus celui du livre originel… Un capitaine Crochet qui s’inspire totalement de l’existence même de James Matthew Barrie. Un capitaine Crochet qui se révèle se prénommer James, et être le frère de Peter Pan… Deux frères que la mort a séparés et que la magie d’une machine inventée par un autre écrivain, Wells, réunit à nouveau pour le pire, rien que pour le pire !
Pur créer ce personnage, Philippe Pelaez s’est inspiré de l’existence même du créateur de Peter Pan. Barrie a vu mourir, très jeune, son frère aîné, qui était le préféré de sa mère… Cette enfance disparue, cette enfance qu’enfant il a voulu remplacer, voilà ce qui est le centre de gravité de toute son œuvre. Et, finalement, de cette trilogie également !

 

Oliver & Peter © Sandawe.com

Je ne vais pas essayer de vous résumer, ne fut-ce qu’un peu, ce que nous racontent ces trois albums. C’est qu’il ne s’agit nullement d’un récit linéaire, loin s’en faut ! On n’est pas du tout dans le monde des tragédies grecques et de leurs fameuses « unités ». Pelaez, le scénariste, a construit plusieurs histoires, en parallèle, il a ouvert toute une série de portes qui, parfois, se referment brutalement, parfois restent ouvertes sur des horizons inattendus. Il a mélangé les lieux, les époques, il a enfoncé son imagination dans les méandres du temps, il a nourri sa plume de l’imaginaire de trois écrivains en parvenant à innover, à faire œuvre originale, sans pour autant les trahir.
Cette trilogie est un long poème… Un poème dédié à l’enfance qui s’enfuit, inexorablement… Un poème dédié à la haine plus forte que les liens du sang… Un poème épique qui devient intime lorsqu’il se fait ode à l’amour… Un poème qui s’avère humain, terriblement et merveilleusement humain, puisqu’il parle de ce que nous sommes, toutes et tous, de nos désirs ardents de ne pas vieillir et de la nécessité, pour découvrir toutes les ressources du bonheur, de laisser l’âge nous transformer…
Un poème d’opposition entre deux mondes, aussi, celui de vie réelle, de la misère, de l’espoir aussi, celui d’Oliver Twist, et celui du rêve, celui de Peter Pan. Deux mondes qui ne peuvent exister qu’en se complétant l’un l’autre.

 

Oliver & Peter © Sandawe.com

Il faut lire ces trois livres comme on lit un poème, oui… En se laissant emporter par un rythme, celui des mots de Pelaez. En se laissant guider par un dessin au découpage subtil, un dessin qui varie les angles de vue, un dessin qui s’attarde, comme une caresse, sur les visages et leurs sentiments, et leurs sensations. En se laissant éblouir par des couleurs qui parviennent à mettre en évidence ici des détails du décor, là des sourires ou des rictus, ailleurs encore des perspectives qui remettent à leur juste proportion l’humain, malgré ses rêves, grâce à ses rêves…
Trois livres à lire, à savourer, à prendre le temps de découvrir, sans se presser…

Jacques Schraûwen
Oliver & Peter : 3. Frères De Sang (dessin : Cinzia Di Felice – scénario : Philippe Pelaez – couleurs : Florent Daniel – éditeur : Sandawe.com)


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