Le roman s’écrit aussi en bd…

Le roman s’écrit aussi en bd…

Partez à la découverte d’une petite collection estivale de chez Casterman… La réédition en petit format et en noir et blanc de quelques romans graphiques qui méritent le détour, à un prix accessible de 10 euros…

Et parmi les livres publiés, je me permets, vite fait bien fait, d’en épingler trois… Trois albums qu’il ne tient qu’à vous de lire ou de relire !

copyright casterman

Le crépuscule des idiots, d’abord, de Krassinsky… Une bd qui pose une question que tout le monde s’est un jour posée : Dieu existe-t-il… Et elle y répond tout au long d’une fable cruelle et surréaliste qui met en scène des singes, ma foi, encore plus bêtes que les humains dans leur besoin d’une divinité à adorer…

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Le deuxième album que je vous propose, Magic Pen, de Dylan Horrocks, plonge, lui, dans les affres d’un auteur de comics qui en a marre de dessiner sans cesse le même super-héros fade et sans intérêt, et il va devoir sortir de sa dépression en retrouvant les désirs qui étaient ceux de sa jeunesse qu’il sait avoir trahie.

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Quant au troisième album, il est signé Mattotti, un auteur rare dont les libertés graphiques sont toujours étonnantes, dans un livre aux rythmes de douceur et de contemplation. Dans Guirlanda, impossible à résumer, sur un scénario de Kramsky, il nous emporte dans un univers peuplé de créatures tout en rondeurs, sans méchanceté, vivant en accord avec tout ce qui les entoure… Mais cette perfection tranquille va être perturbée, et un de ces êtres, Hippolyte, va devoir intervenir, avec une espèce de nonchalance redoutable…

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Et voilà… Une chronique express pour trois romans graphiques très différents les uns des autres, pour des heures de lecture passionnante…

Jacques et Josiane Schraûwen

Idéfix et les Irréductibles – Pas de quartier pour le latin !

Idéfix et les Irréductibles – Pas de quartier pour le latin !

Et j’ai envie de dire : un beau dessin pour pas grand-chose !

Trois petites histoires font tout le contenu de ce petit livre pas cher, souple, tranquille.

Trois petites histoires qui mettent en scène, à Lutèce, Idéfix et quelques animaux opposés au pouvoir absolu de Rome. Il y a un molosse, une chienne toujours distraite, une chatte réfléchie, un hibou qui se prend pour un druide, et un pigeon continuellement affamé. Il y a aussi, bien sûr, des méchants : les chiens policiers aux ordres des Romains et d’une chatte qui ne rêve que de retourner à Rome avec son maître.

© éditions Albert René

Les dessins, je le disais, sont d’une exemplaire fidélité à ceux d’Uderzo. J. Bastide et P. Fenech connaissent leur boulot et, usant d’un découpage tout ce qu’il y a de classique, donnent vie et mouvement à leurs personnages, à tous leurs personnages.

Les scénarios, dus à M. Choquet, Y. Coulon et J. Erbin, sont classiques, eux aussi. Ils se veulent humoristiques, le sont parfois, mais, le plus souvent, tombent quelque peu à plat. Il y a chez ces scénaristes la volonté, sans doute, de ne pas trahir l’œuvre originelle… Mais cette volonté, très vite, rend mièvre le contenu de ces historiettes, mièvre, oui, et, pire, convenu !

© éditions Albert René

Cet album est donc une curiosité que les collectionneurs et fans d’Astérix apprécieront, à mon avis, moyennement. En se demandant, entre autres, pourquoi Idéfix se retrouve à Lutèce, et y croise même Abraracourcix et sa tendre épouse !

Pour les autres, ce livre me semble assez superflu, et répond surtout à des besoins éditoriaux mercantiles !

Jacques Schraûwen

Idéfix et les Irréductibles – Pas de quartier pour le latin ! (dessin : J. Bastide et P. Fenech – scénario : M. Choquet, Y. Coulon et J. Erbin – éditeur : Editions Albert René – 68 pages – juin 2021)

© éditions Albert René

La Ferme Petit Pois – 1. La Nouvelle Vie de Jen

La Ferme Petit Pois – 1. La Nouvelle Vie de Jen

Une belle réussite en littérature bd jeunesse !

Souvenirs d’une enfance obligée de changer ses habitudes pour suivre le nouvel amour de sa mère… Un livre tendre, lucide, intelligent…

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Le sujet de ce livre, premier tome d’une série de trois albums, est très à la mode, que ce soit aux Etats-Unis, pays de Lucy Knisley, auteure des aventures quotidiennes de Jen, ou dans notre vieille Europe : le retour à la terre…

Le résumé est simple. Les parents de Jen se séparent, et sa mère décide de suivre son nouvel amour à la campagne, pour y cultiver légumes et fleurs et gagner sa vie en vendant les produits de son travail sur le marché.

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Et Jen, bien évidemment, gamine à l’orée de l’adolescence, est obligée de la suivre, de quitter le monde qui était le sien, celui de la cité, pour se voir imposer un univers dans lequel elle perd tous ses points de repère : plus d’amis, plus de librairies où feuilleter et acheter des livres, des bandes dessinées. Rien qu’un poulailler dont elle doit s’occuper, rien que l’obligation de se faire vendeuse au marché du village, rien que le travail de la terre…

Et puis, les week-end, Jen voit débarquer les enfants du compagnon de sa mère… Une petite fille quelque peu pleurnicharde et une autre fille de son âge, Andy, prétentieuse, sûre d’elle. Et c’est à partir de cette rencontre à laquelle elle ne peut échapper que Jen va découvrir les affres d’une famille recomposée…

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Il y a des larmes, des colères, il y a l’attitude du beau-père qui manque, pour le moins, de finesse et de compréhension.

Il y a la vie, tout simplement… Et le besoin, pour faire plus que survivre, pour ne pas s’enfouir dans la peine et ses gouffres, de se laisser apprivoiser, et d’apprivoiser l’autre en même temps.

Tous les adultes, au travers de cette fable plus ou moins écologique, reconnaîtront leurs propres angoisses enfantines, et ces mélanges de chaque jour, en enfance, mélanges étranges et essentiels de sentiments et de sensations qui forgent, peu à peu, une existence empreinte de personnalité.

Ce livre est tendre. Il nous parle de l’attitude des adultes qui oublient leur propre enfance. Il nous parle du contact nécessaire et enrichissant avec la nature, certes, mais surtout avec d’autres personnes, d’autres vérités, d’autres habitudes. Il nous parle d’une famille qui n’est jamais toute rose ni toute sombre. Il nous parle de l’apprentissage de la tolérance. Il nous montre aussi, surtout même, le regard de l’enfance sur les adultes dont ils dépendent. Et il nous montre la réalité de la complicité entre enfants ballotés par les aléas de la vie de leurs parents…

La Ferme Petit Pois © Gallimard

Ce livre, inspiré de ce qu’a vécu l’auteure, est d’une justesse de ton parfaite. Le dessin est simple, sans être simpliste, et laisse toute la place, graphiquement, à la représentation des émotions et des sentiments d’une gamine à la recherche d’elle-même, comme le sont tous les enfants dans toutes les communautés humaines !

Un très joli livre à offrir à vos enfants, petits-enfants, un livre qui n’a rien de militant, ni de caricatural…

Jacques Schraûwen

La Ferme Petit Pois – 1. La Nouvelle Vie de Jen (auteure : Lucy Knisley – éditeur : Gallimard – 216 pages – janvier 2021)

La Ferme Petit Pois © Gallimard