Georges Chelon : Dans la cour de l’école, un cd illustré par Malik

Georges Chelon : Dans la cour de l’école, un cd illustré par Malik

Une chronique passée, il y a un certain temps, sur l’antenne de la rtbf… Et que j’avais envie, simplement, de me remettre en mémoire… De vous la laisser découvrir…

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Au temps des 33 tours, il n’était pas rare de voir des pochettes illustrées par des artistes comme Moebius ou Fred, venus du monde de la bd.

Aujourd’hui, je vous propose de vous laisser séduire par la rencontre entre un chanteur qui sait ce que les mots peuvent porter comme richesse, et un dessinateur qui s’est fait son illustrateur !

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La Bande Dessinée n’est pas un art à part, un  » média  » qui vit à côté des autres médias. Il s’inspire des autres arts, depuis toujours, et les inspire à son tour de plus en plus souvent. Pour s’en convaincre, il suffit de voir ce que Romain Renard réalise avec sa série Melville : grâce aux technologies modernes, voilà des albums qui réussissent à mélanger BD, cinéma, roman et musique, sans que cela ne se révèle pesant. Avec une réussite totale pour son dernier album paru, le remarquable et exceptionnel « Revoir Comanche ».

Avec Georges Chelon, on se trouve dans quelque chose de plus basique, d’infiniment moins technologique.

Chelon a connu la gloire, dans les années 60, gagnant, si ma mémoire est bonne, le prix de l’académie Charles Cros, remplissant l’Olympia, présenté comme le nouveau Brassens par les médias. Il a connu aussi, après la lumière, l’ombre. Mais jamais il n’a abandonné sa passion, celle des mots, celle de l’écriture se faisant chanson, comme les poètes de ces époques où les livres n’existaient pas, troubadours du temps qui passait…

Georges Chelon est un électron libre dans le monde de la chanson française, comme Tachan l’était, comme Bertin, comme Semal. Et s’il n’a plus l’honneur des médias aseptisés et comme vendus aux seuls tubes estampillés comme tels, il n’a jamais arrêté d’écrire, de chanter, d’enregistrer, de faire de la scène.

Il a ainsi mis en musique, tout au long de plusieurs disques époustouflants, toutes les Fleurs du Mal de Baudelaire. Là où Ferré, en adaptant Baudelaire, faisait du Ferré, Chelon, lui, fait du Baudelaire et s’efface derrière lui avec un talent incontestable.

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Ici, avec  » Dans la cour de l’école « , il se plonge et nous plonge dans une espèce de nostalgie tranquille, celle de nos années d’enfance, celle de ces jouets avec lesquels l’imagination restait toujours le centre de gravité du jeu et du partage :  » Autrefois on jouait avec des petits riens – un vieux morceau de bois, un rayon de lumière – l’enfant s’émerveillait où coule la rivière – la rivière lui parlait, elle lui disait : –  » Tu viens ? « .

Ecoutez Georges Chelon, prenez le temps de le (re)découvrir, offrez-vous la chance d’écouter des chansons qui ont véritablement quelque chose à dire, à raconter, avec humour ou tendresse, avec rage ou folie, avec passion toujours ! Il est de la race de tous ceux qui, sur les planches d’un peu partout, ont porté à bout de voix la richesse d’une langue merveilleusement chantante !

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Et ce cd est également une rencontre : la bande dessinée y côtoie la chanson française grâce aux talents conjugués de Chelon et de Malik, aujourd’hui disparu…

Malik, c’est l’auteur de la série Cupidon, c’est aussi lui qui présidait aux destinées d’Archie Cash, de Johnny Paraguay ou de Blue Bird… Tout aussi à l’aise dans le réalisme que dans l’humour, ses chemins ont croisé ceux de Chelon il y a déjà plusieurs années.

Leurs thèmes d’inspiration, de l’absence du père (Le Père prodigue) à l’humour gentiment grivois (La clé), se sont ainsi révélés parallèles, et il était normal que, dessinateur passionné par le chanteur, Malik illustre un jour un programme de Chelon, avec ses dessins en accompagnement de plusieurs de ses chansons.

Et ici, c’est tout un cd qu’il illustre, avec un graphisme tout en sourires et en attitudes, tout en couleurs vives et chantantes et en traits bien définis. Son dessin nous parle, comme Chelon le fait, de l’école, de l’enfance, des premières amours, des rêves d’ailleurs, des contes qui sont essentiels à la part d’enfance résistant aux dérives du temps…

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Je me souviens d’un album de Jonathan dans lequel l’auteur, Cosey, avait inséré son choix de musiques à écouter en lisant son livre. Hermann a fait de même, il y a quelques années, accompagnant un de ses albums d’un cd…

Ici, c’est autre chose, bien évidemment… Mais la démarche reste la même : associer deux talents différents, mais évidents, celui d’un chanteur infiniment plus important que toutes les « stars » actuelles qui ont besoin d’un dictionnaire de rimes pour écrire trois vers et demi, et celui d’un dessinateur prenant plaisir, toujours, à s’enfouir profondément dans un univers qui n’est pas le sien, celui d’un scénariste ou, ici, d’un chanteur, et à le restituer en images infiniment parlantes…

Un cd, donc, à acheter, pour Chelon, pour Malik, pour le bonheur d’écouter et de regarder deux artistes pour qui la poésie se construit à base de mots et de d’images !…

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Jacques et Josiane Schraûwen

Georges Chelon : Dans la cour de l’école (cd EPM Musique)

Moon – 1. Une Balle Pour Un Croisé

Moon – 1. Une Balle Pour Un Croisé

Un livre qui, malgré les thématiques déjà bien souvent vues, réussit à séduire… A découvrir !

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Ce n’est pas de lune qu’on parle dans cet album… Mais, avec Moon, on entre de plain-pied dans l’univers de la science-fiction. Le récit est, ma foi, assez facile à résumer : après une guerre nucléaire, le monde a repris vie. L’ancienne Europe est désormais le territoire d’entités humaines réunies dans d’immenses cités. Nous sommes, oui, dans un univers postapocalyptique, tout simplement.

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Et dans cet univers, grâce à la technologie, les voyages dans le temps sont désormais possibles. Avec, en corollaire, le danger de voir la criminalité envahir non seulement les lieux, mais aussi les époques. Rick De Ridder et Lynn Moon sont ainsi les employés d’une agence gouvernementale dont la mission est de traquer les criminels qui voyagent dans le passé.

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Dans ce premier volume, ils se retrouvent pendant une croisade, juste entre Croisés et Saladin… Avec comme mission d’empêcher que soient livrée aux Croisés, par un de ces criminels justement, une mitrailleuse… Et de le faire en évitant les soubresauts du temps, en empêchant que leur intervention dans un passé lointain provoque des changements dans leur présent… Thème récurrent de la littérature sf, le paradoxe temporel se trouve ici au centre du récit, inspiré de manière évidente par le livre « la patrouille du temps » de Poul Anderson, que je ne veux que vous conseiller de lire… Mais ce n’est pas le seul thème, et c’est ce qui rend cette bd intéressante. Parce que ces deux agents, héros de ce livre, ont trois enfants, des triplés, un peu arsouilles, surdoués chacun dans son domaine, trois mômes qui décident un jour de suivre leurs parents dans une de leurs missions… Et donc, finalement, c’est l’enfance et ses possibles, et ses révoltes, ses richesses et ses regards qui se trouve au centre du récit. C’est l’opposition entre le monde de l’enfance et celui des adultes… Entre le lien familial et les obligations sociétales…

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Le scénariste Johan Vandevelde construit un scénario qui tient la route, linéaire, sympathique, bon enfant ai-je envie de dire. De son côté, le dessinateur Stephan Louwes, avec un dessin à la fois inspiré de l’univers manga, démesures graphiques répétitives en moins, et une bd européenne traditionnelle des années 70, choisit de ne pas faire de fioritures graphiques pour accompagner ce récit. Son dessin est vif, clair de bout en bout, en nuances de blanc, de noir et de gris. C’est un bon livre, oui, tous publics, que le deuxième tome devrait faire encore mieux décoller…  

Jacques et Josiane Schraûwen

Moon – 1. Une Balle Pour Un Croisé (dessin : Stephan Louwes – scénario : Johan Vandevelde – éditeur : Anspach – 2024 – 72 pages)

Maison Blanche – une immersion journalistique dans un lieu mythique

Maison Blanche – une immersion journalistique dans un lieu mythique

Dans tous les pays du monde se trouve un point névralgique, un endroit d’où partent tous les chemins du pouvoir. La Maison Blanche, à ce titre, est sans doute le plus suivi de ces lieux d’où se dirige le monde.

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Et en chacun de ces endroits, un espace est réservé à la presse, à des journalistes accrédités pour y suivre du plus près les remous du pouvoir, ses décisions, ses engagements. Des sortes de bunker, peut-on dire, dans lesquels le monde des médias est au contact des décisions qui se prennent, comme on dit, « en haut lieu »…

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Et, avec « Maison Blanche », c’est dans ce monde réel-là qu’on se plonge… Celui d’une salle de presse installée dans la Maison Blanche, et dans laquelle un petit groupe de journalistes suit la vie du président des Etats-Unis, jusque dans le moindre de ses déplacements. Et ce sont ces journalistes qu’on découvre sous les « règnes » de Obama, Trump et Biden. Jérôme Cartillier fut correspondant de l’AFP à la Maison Blanche, et c’est lui qui est le maître d’œuvre, avec le scénariste Karim Lebhour, de ce documentaire graphique.

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Cartillier a donc « côtoyé » professionnellement trois présidents différents. Et ce livre se fait recueil d’anecdotes au sujet de ces trois « maîtres » des USA au quotidien de leur fonction. Dans cette salle de presse, tout se voit, tout se dit « transparent », mais tout ne se dit pas ! Et le côté anecdotique pris comme base de travail de ce livre permet, justement, de s’intéresser de près aux personnalités de ces présidents différents. En débordant un peu aussi, toujours comme un documentaire, avec l’Histoire… Celle de ce bureau ovale dont le monde entier parle, celle de Air Force One, etc.

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La dessinatrice Aude Massot illustre avec vivacité, sans apprêts, le scénario réaliste des deux scénaristes-journalistes. Le tout pour un propos qui, vous l’aurez compris, n’a rien de fictionnel ! Mais, traité avec humour dans le propos comme dans le dessin, le quotidien des grands de la terre n’est pas toujours très reluisant, et se révèle parfois très surprenant.

Un album instructif, donc, sans être didactique, graphiquement sans ambition mais avec efficacité, et qui, finalement, ne donne pas une image très rassurante de ce que d’aucuns osent encore appeler la plus grande démocratie du monde !

Jacques et Josiane Schraûwen

Maison Blanche (dessin : Aude Massot – scénario : Jérôme Cartillier et Karim Lebhour – éditeur : Delcourt – septembre 2024 – 128 pages)

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