Astérix En Lusitanie – chronique express

Astérix En Lusitanie – chronique express

Et voici donc une quarante-et-unième « aventure » de deux Gaulois « mythiques » ! Qu’en penser ?…

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Tout d’abord, il me faut dire que cet épisode-ci est bien meilleur que le précédent ! Cela dit, il faut reconnaître que « L’iris blanc » se caractérisait surtout pas sa totale inutilité, son scénario bâclé, voire même sa trahison vis-à-vis des personnages de cette série !

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Donc, dire « meilleur » signifie-t-il que cet album est « bon » ? Il y a des trouvailles dans les noms des différents protagonistes… Il y a quelques jeux de mots, ici et là… Il y a un dessin dont on ne peut que souligner la-plus-que-filiation avec celui d’Uderzo… Ce n’est pas le pire des Astérix depuis la mort d’Uderzo, c’est vrai !

Mais…

Des décors plus ou moins réussis, mais parfois réduits paresseusement à des à-plats de couleur uniforme… Le pirate à la peau noire n’est plus du tout ce qu’il était avec Goscinny: Fabcaro et Conrad n’ont sans doute, courageusement, pas envie d’être confondus avec le Spirou de Yann et Dany ! Le résumé du scénario est un travail réduit au strict minimum : on vient chercher de l’aide au village des irréductibles. En cinq planches, voici Astérix et Obélix en Lusitanie. Là, ils vont sauver et innocenter un Lusitanien, assommer quelques légionnaires romains, revoir le grand Jules, et retourner chez eux pour l’habituel banquet de dernière case.

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Et voilà… C’est tout !

Les Lusitaniens ne sont caricaturés, donc mis en évidence souriante, que par leur « saudade », là où, dans chaque aventure, Goscinny s’amusait (et NOUS amusait) à faire rire, avec une sorte de gentillesse au second degré, des peuples découverts… Il n’y a, en fait, que très peu de personnages de premier plan, à part les deux héros, alors que, avec le duo Uderzo et Goscinny, les « accompagnants » étaient nombreux et avaient une vraie présence… Tout cela m’amène à penser que les reprises de personnages de séries bd sont, le plus souvent, des ratages évidents ! A la mort de Goscinny, Uderzo aurait mieux fait d’arrêter « Astérix », de se trouver un nouveau scénariste à qui unir son talent graphique exceptionnel. Il ne l’a pas fait, soucieux sans doute de ne pas tuer la poule aux œufs d’or ! C’est à partir de ce moment-là que l’esprit-même de Goscinny a déserté les albums « nouveaux » et tristement répétitifs… Le « gain » a pris le pas sur la qualité, tout simplement… Tout bêtement… Et C’est, je pense, uniquement par attrait « collectionneur » que tant de gens, aujourd’hui, se jettent tête baissée sur ce qui n’est plus qu’un objet formaté et uniquement économique.

En résumé, et de manière express : une bd dont on peut se passer !!!

Jacques et Josiane Schraûwen

Astérix En Lusitanie (dessin : Didier Conrad – scénario : Fabcaro – éditeur : Hachette livre – octobre 2025 – 48 pages)

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Au Chant Des Grenouilles : 1. Urania, La Sorcière

Une série dans laquelle chaque album est dessiné par un artiste différent… Un monde imaginaire dont je vous invite à découvrir l’initiale, dans un premier tome lumineux… Un premier tome paru dans deux colorisations différentes.

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Une lapine sorcière… Un conte qu’elle raconte à un public jeune et anthropomorphique et dans lequel la peur est omniprésente… Une porte à ne jamais ouvrir, parce qu’elle donne sur un monde aux secrets indicibles… Et un concours de cuisine !

Aux commandes graphiques de ce premier volume, Florent Sacré, venant du monde des jeux vidéo :

La première évidence de ce livre, c’est que le monde dans lequel cette aventure nous entraîne semble fait pour un public jeune, et les personnages comme les décors, fouillés, se baladent du côté de Disney, de Hausman…

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Mais la deuxième évidence, à la lecture de ce tome, c’est que cet univers s’adresse aussi à un public adulte, un public qui sait que, dans les contes de l’enfance, la peur est un élément moteur de l’aventure et de l’apprentissage. Et cet univers, Florent Sacré le crée avec un plaisir évident:

Le scénario de Barbara Canepa et Anaïs Halard mélange, ainsi, le merveilleux et le fantastique, pour un récit qui, au-delà des codes des histoires que l’on raconte depuis toujours aux enfants, nous parle d’amitié, dans une aventure qui devient une quête, moins identitaire que s’ouvrant sur le monde.

Mais ces codes propres aux grands conteurs des siècles derniers sont bien présents. Et l’histoire qui nous est contée est comme un petit combat quotidien et tranquille d’enfants contre la peur que le monde leur impose, contre la méchanceté toujours prête à détruire toutes les amitiés…

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Et cette alchimie existe, incontestablement, grâce également au dessin, dans ce premier volume, de Florent Sacré qui parvient à créer une ambiance, un monde, une géographie :

Je le disais, en début de cette chronique, ce premier volume est sorti de presse de deux manières différentes… De deux prix différents aussi… Personnellement, je préfère l’édition en sépia… Et le superbe cahier graphique qui, en fin d’album, nous fait entrer dans les coulisses de ce livre, de cette aventure éditoriale et artistique aussi…

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Je pense, en effet, que le talent du dessinateur, ancré à la fois sur des décors imaginaires étonnants, improbables, et des éclairages extrêmement variés, je pense que ce talent de travail sur la lumière prend tout son sens avec ces teintes qui ne cherchent aucun effet et accompagnent les mots comme le dessin à la perfection. Florent Sacré:

Au niveau du scénario, et plus loin que la simple anecdote d’un concours de cuisine, les autrices s’amusent à multiplier les angles de vue, ai-je envie de dire, à dépasser le canevas classique d’une aventure animalière, en parlant par exemple de cette fameuse porte à ne pas ouvrir, et qui est sans doute celle des souvenirs… Des bons, oui, mais des mauvais aussi, peut-être, capables d’empêcher de vivre. Et, dans ce scénario, il y a cette volonté, écrite, d’arrêter de parler comme des grands !

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Ce qui, dès l’abord, est évident également dans ce livre, donc dans cette série, c’est l’importance capitale de la Nature. Avec, par exemple, des planches pratiquement didactiques, dues à un complice de plus, Giovanni Rigano. Des planches pratiquement encyclopédiques consacrées à des recettes de grand-mère, à découvrir, en fait, les mille possibles de la nature qui nous entoure sans jamais nous enfermer. Et là aussi, le dessin est essentiel. Florent Sacré:

Et c’est aussi avec ce mélange de gentille didactique et de récit passionnant, presque adolescent, que ce chant des grenouilles s’adresse à des adultes qui n’ont pas effacé les émerveillements de leurs enfances enfuies…

copyright oxymore

Oui, ce livre nous raconte le début d’une histoire dont on devine qu’elle va s’animer dans mille et une directions… Et, finalement, le personnage central, oui, c’est cette nature, mais sans idéologie politiquement écologique ! Les auteurs nous ouvrent les yeux, simplement, en nous faisant sourire de tout le visage… Parce que cette nature est celle d’un fantastique, je le disais, influencé, lui, par des ambiances chères à Poe ou à Ray, par exemple. Parce que cette nature est aussi, culturellement parlant, sans cesse symbolique, dans le récit comme, finalement, dans la vie de tout un chacun !

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J’aurais pu vous parler des quelques albums déjà parus… Mais j’ai eu le plaisir, dans la librairie « Profil BD » de Ath, de rencontrer Florent Sacré, de l’interviewer… Et, en définitive, ce sont ses mots à lui qui ont rythmé cette chronique…

Jacques et Josiane Schraûwen

Au Chant Des Grenouilles : 1. Urania, La Sorcière (dessin : Florent Sacré et Giovanni Rigano – scénario : Barbara Canepa et Anaïs Halard – éditeur : Oxymore – 56 pages)

Attila (Les maîtres de guerre)

Attila (Les maîtres de guerre)

Les bandes dessinées « historiques » soufflent souvent, dans le monde du neuvième art, le chaud et le froid… Certains scénaristes, même à la mode, font parfois du n’importe quoi ! Avec cet album-ci, il n’en est rien…

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Non, je ne citerai pas ces scénaristes qui, avec l’alibi de la liberté de l’imagination, oublient la vérité historique élémentaire ! Mais il y en a, croyez-moi!… Et ce n’est pas le cas avec « Attila ». Mais n’allez cependant pas croire qu’on se trouve en présence d’un livre lourd, intello, fouillé, barbant en un mot ! (oui, il y a aussi des albums de ce genre en bd, tristement…) Jean-Pierre Pécau, le scénariste, fut prof d’histoire… Il fut aussi actif dans les jeux de rôle, dans les bd d’héroïc fantasy. Et avec ce livre-ci, il nous offre un récit à la fois fidèle à la grande histoire et puissamment « aventurier » dans son élaboration.

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Vous l’aurez compris, ce livre n’est pas une longue fresque biographique. Certes, on y raconte une partie de la vie d’Attila entre sa prise de pouvoir sur les Huns et leurs alliés, et sa mort sans doute assassiné et trahi… Et ce récit, concis, avec des raccourcis qui permettent de resserrer l’histoire sur son aspect visuel, guerrier, violent, spectaculaire, ce récit ne trahit rien de l’Histoire avec un H majuscule. Il nous montre ainsi une époque historique précise, celle de la décadence des deux empires romains, le byzantin et l’italien, celle, également, d’une forme de combat pratiquement idéologique, même inconsciemment, entre les peuples nomades et la civilisation sédentaire s’étendant au détriment des cultures plus dénaturées qu’assimilées…

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Dans la lignée des grandes bd historiques de ces dernières années (Murena, par exemple), ce « Attila », un one-shot lui, allie scénaristiquement parlant le sérieux de l’approche globale du récit et une passion presque cinématographique de la visualisation de ce récit. Dragan Paunovic a, graphiquement, un sens de la démesure absolument époustouflant… L’Histoire est d’une violence et d’une barbarie extrêmes, et le dessin de Paunovic ne cherche pas à estomper ces réalités quotidiennes d’une époque qu’il est grand temps, sans doute, d’arrêter de « magnifier » ! Je me dois de souligner l’apport tout aussi brutal et violent de la couleur, apport dû à Bertrand Denoulet, qui ne cherche nullement à cacher les horreurs de la guerre, des tueries, des luttes pour d’imbéciles pouvoirs… Là où les dessins passent des grandes scènes épiques à des cadrages plus intimes, la couleur de Denoulet reste, de par ses rouges puissants, rouge-sang, rouges ardents, le lien presque narratif de l’album…

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Je dois souligner aussi le petit dossier historique qui clôture l’album et permet encore mieux de comprendre cette époque lointaine qui ne fut, pour la plupart d’entre nous, que petite matière scolaire.

Ce livre est une fresque rapide, vive, puissante… L’image de ce que la guerre a toujours eu de répugnant. Attila fut maître de guerre, sans aucun doute… D’autres que lui ont, dans ce domaine, une sorte de sanctification qui fait oublier qu’ils ont été les auteurs de tueries absolument répugnantes (oui, je pense à Napoléon, entre autres).

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Et j’aime cet album-ci, parce qu’il montre, simplement, sans fioritures, mais avec un vrai talent à la fois de conteur et de dessinateur, la réalité, au-delà de toutes les politiques toujours innommables, de ce qu’est la guerre : une tuerie, rien de plus ! Et, de nos jours, je pense qu’il devient de plus en plus important de le dire et de le répéter !

Jacques et Josiane Schraûwen

Attila (Les maîtres de guerre) (dessin : Paunovic – scénario : Pecau – couleur : Denoulet – éditeur : Delcourt – août 2025 – 62 pages)