Brigantus – 1. Banni

Brigantus – 1. Banni

Hermann, depuis longtemps maintenant, aime se plonger dans les méandres les plus sombres de l’humain, de l’humanité. Et le voici nous plongeant dans un premier siècle de notre ère… Sans âme…

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Je ne redirai pas tout ce que Hermann a apporté à la bande dessinée.

Je ne parlerai pas de son trajet absolument époustouflant qui l’a conduit de récits historiques de quelques planches à Bernard Prince, de Comanche à Jeremiah, des Tours de Bois-Maury à des « one-shot » somptueux…

Je ne parlerai pas des scénaristes desquels, au fil des années, il s’est éloigné pour devenir un auteur complet.

Je ne parlerai pas de cette manière qu’il a créée et qui n’appartient qu’à lui, de raconter des histoires en choisissant la couleur comme vecteur essentiel d’une narration qui, pour lente qu’elle ait l’air d’être, s’enfouit au plus profond des personnages qu’il fait vivre et mourir pour nous.

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Dans cette histoire-ci, Hermann refait équipe avec Yves H., son fils, auteur du scénario… Un auteur qui, au fil du temps, s’est affiné et réussit, ici, à nous raconter une histoire totalement fusionnelle avec les centres d’intérêt de son père… Une belle réussite, une belle complicité…

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Cette histoire, c’est celle d’un légionnaire romain aux origines incertaines, en une fresque prévue en deux tomes, cette histoire, c’est le portrait d’un homme, en une époque aux bases historiques réelles, mais n’étant présentes que comme toile de fond d’un tableau que Hermann nous dresse des sentiments humains les plus effroyables.

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Des sentiments humains déshumanisés, et totalement universels, de ces sentiments de haine, de mort, de peur, d’horreur, de violence, qui, de nos jours, emplissent, avec une subjectivité indigne souvent, les unes de nos journaux et les informations télévisées…

Hermann s’écarte, comme il le fait toujours, de la bonne pensée, de la philosophie tellement d’actualité et tellement facile du blanc et du noir, du juste et de l’injuste. On pourrait croire de cet auteur qu’il est manichéen… Mais il n’en est rien, loin s’en faut ! Il n’y a pas chez lui de super-héros, de bons et de méchants ! Que ce soit Jeremiah ou Brigantus, ceux qui deviennent les pivots de ses récits sont toujours ambigus, toujours malades des failles que la vie leur a imposées.

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Cet album nous mène en Ecosse, dans les années 80 après Jésus-Christ. En territoire Picte, une colonne de légionnaires en route vers un camp retranché se retrouve attaquée par les tribus locales qui, cruelles autant que violentes, autant que les envahisseurs romains d’ailleurs, les attaquent sans cesse… Dans cette colonne, un homme, Brigantus, que ses collègues militaires romains harcèlent… Un homme puissant, un homme que la vie a taillé pour combattre, pour tuer, sans réfléchir, pour être fidèle aussi. Un homme qui pourtant, rêve de lumière… Celle de l’Amour, peut-être, celle de l’enfance, aussi, certainement…

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Le scénario est linéaire… Et, pour lui donner vie, Hermann joue, comme toujours, mieux encore même, avec les couleurs, somptueuses, les flous brumeux des paysages comme des sentiments… Il jour avec les perspectives… Avec les trognes, ce qu’expriment comme vilénies les sourires de ses « seconds rôles ».

Hermann est dessinateur… Il est, ce faisant, peintre de réalités qui semblent inhérentes à l’âme humaine…

A moins, qui sait, qu’arrive cette lumière qu’attend Brigantus, que jaillisse des ombres d’une île, symbolique de toute existence, la lueur d’un espoir…

Qui sait ?…

Jacques et Josiane Schraûwen

Brigantus – 1. Banni (dessin : Hermann – scénario : Yves H. – éditeur : Le Lombard – 56 pages – janvier 2024)

Bidouille et Violette – Une romance adolescente qui n’a attrapé aucune ride !

Bidouille et Violette – Une romance adolescente qui n’a attrapé aucune ride !

Nous avons toutes et tous des lectures qui nous ont marqués, qui restent ancrées à nos mémoires… J’en ai plusieurs… Parmi elles, cette bande dessinée que j’ai lue jeune et que j’ai fait découvrir à un ami, et à sa fille…

copyright van eeckhaut

Lire, c’est vivre un peu plus… Ce n’est pas s’échapper du quotidien, c’est réussir à le regarder autrement, en acceptant que d’autres regards puissent avoir autant de valeur que les nôtres.

Lire, c’est aussi se retrouver soi-même en des lignes qui, étrangement, nous décrivent et nous racontent mille fois mieux que ce que nous pourrions faire nous-mêmes.

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Ainsi, ce sont des livres de toutes sortes qui ponctuent nos âges et nous restent présents au fil des années.

Je ne vais pas m’amuser à tous les citer, de Léautaud à Baudelaire, de Vian à Alain-Fournier, de Gérard Prévot à Léo Malet.

Du côté de la bande dessinée, je l’ai déjà dit ici, j’ai été marqué, dès la prime enfance, par les Aventures de Thierry de Royaumont.

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A la fin des années 70, je me suis reconnu, terriblement, dans une série dessinée par Bernard Hislaire: Bidouille et Violette, une série poétique, souriante, intelligente qui était -et reste- l’image de la fin de l’adolescence et l’image de l’Amour.

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Hislaire, depuis, a changé légèrement de nom… Je me souviens qu’il m’a dit un jour que Bidouille et Violette était une œuvre de jeunesse… L’air de dire que c’était une histoire dépassée…

Il n’en est rien, loin s’en faut, et je le lui ai dit… En lui disant combien ce livre avait marqué ma jeunesse, et celle de bien d’autres garçons et filles, dont mon épouse.

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En voulant faire découvrir Bidouille et Violette à un ami, j’ai eu la preuve de ce que j’avançais il y a des années. Cette histoire d’amour improbable et poétique touche encore de nos jours, et pas seulement par nostalgie ! Cette preuve, je vous l’offre aujourd’hui, simplement, en mot nés de la plume d’une jeune fille, Aleksandra… Du haut de ses neuf ans, voici ce qu’elle en dit, tout simplement…

« Bidouille est un garçon grassouillet qui est amoureux d’une fille, Violette. Bidouille se demande ce que cette fille lui trouve, parce qu’il n’est quand même pas très beau, et qu’il est timide. Mais il fait des poésies incroyables que Violette adore ! Et Bidouille ne se concentre plus sur ses maths, mais plutôt sur ses écrits pour Violette.

Comment tout cela est-il arrivé ?

A l’école, dix garçons de 15-16 ans sont amoureux de Violette, et la retrouvent à la fin des cours, ce que Violette trouve vraiment fatigant. Bidouille, lui, la rencontre par hasard à la friterie de son père. Et c’est le coup de foudre !

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J’ai beaucoup aimé Bidouille et Violette, car j’aime bien les personnes timides, et j’aime tous les efforts que Bidouille fait pour se rapprocher de Violette. Rien ni personne ne les séparera, pas même leurs parents !

C’est une belle histoire d’amour, même si elle finit mal. J’aurais aimé qu’il y ait un cinquième tome. »

Il n’y a rien à ajouter à ces mots d’Aleksandra !

Il y a simplement à vous conseiller de lire et de faire lire cette série d’il y a quelque quarante ans et qui ne vieillit absolument pas !

Aleksandra Van Eeckhaut (avec Jacques et Josiane Schraûwen, amoureux, eux aussi, de Bidouille et Violette)

Bidouille et Violette (auteur : Bernard Hislaire – éditeur : Dupuis – Les premiers mots, les jours sombres, la reine des glaces, la ville de tous les jours, parutions de 1981 à 1986 – intégrale chez Glénat en 1996)

Bâtard – Réédition en couleurs d’un livre à redécouvrir!

Bâtard – Réédition en couleurs d’un livre à redécouvrir!

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Une cavale, une mère et son fils, des truands violents… Des apparences, surtout, qui ne correspondent que rarement à la vérité ! Un livre qui se lit d’une traite !

Sur les routes américaines, une femme et son jeune fils vivent de la fuite les peurs, les dangers, les actes insensés. Leur voiture, le coffre plein du butin d’un casse fabuleux, les emmène, inexorablement peut-être, vers une confrontation humaine qui ne pourra qu’être celle de la mort , de la violence, de la plongée en des néants inconnus.

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Mais voilà, comme dans tous les livres de Max de Radiguès, le récit ne conduit jamais là où tout semble le guider. Et au-delà de la linéarité de l’histoire, du sentiment de déjà lu qu’on peut avoir en en découvrant les premières pages, au-delà des références évidentes avec la littérature noire américaine et un certain cinéma dans lequel brillait Lee Marvin, dans lequel brille Tarentino aujourd’hui, ce livre s’amuse à mêler les codes du polar pour nous offrir, en définitive, une histoire humaine sans morale, certes, mais véritablement émouvante et intelligente, dans sa construction comme dans sa narration.

Comme toujours aussi chez Max de Radiguès, le dessin simple n’empêche nullement un propos qui dépasse, et de loin, la simple anecdote ! Son graphisme, sans aucun effet, a, c’est une évidence, un aspect parfois quelque peu  » enfantin « , avec des erreurs de proportions, de perspectives, avec une présence extrêmement limitée des décors. Mais tout cela participe du même but que l’écriture elle-même : l’efficacité dans la continuité du récit, l’efficacité dans l’approche, au plus près, des personnages, l’efficacité dans le rendu des émotions, essentiellement au travers des regards et de leurs échanges.

On pourrait croire se retrouver ici, avec Eugène, ce bâtard, accompagnant sa mère dans une sanglante cavale, dans un simple polar de série b. Mais tout le talent de Max de Radiguès, celui de son scénario comme de son dessin, c’est justement d’offrir à ses lecteurs une histoire qui, tout compte fait, s’intéresse réellement à des problèmes de société, cette société dans laquelle nous vivons et qui engendre de plus en plus de monstres à taille humaine !…

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J’aime beaucoup Max de Radiguès, parce que, d’album en album, il adore visiter et nous faire visiter des univers à chaque fois différents. J’aime son dessin immédiatement accessible, qui ne se perd jamais dans les méandres du  » beau « . J’aime ses histoires qui n’hésitent cependant jamais à donner vie à des réalités et des sentiments peu recommandables. J’aime aussi, énormément, son espèce de détachement, celui d’un spectateur plutôt que d’un acteur, un détachement qui ne fait, en définitive, qu’accentuer l’intérêt et la puissance de ses scénarios.

Un livre, donc, à lire, à savourer !

Jacques et Josiane Schraûwen

Bâtard (auteur : Max de Radiguès – éditeur : Casterman)