L’Emprise – Histoire d’une manipulation

L’Emprise – Histoire d’une manipulation

Les grands mots et les grands discours sont souvent réducteurs, lorsqu’on aborde des sujets dits de société. La bande dessinée peut, elle, se faire proche de chacune, de chacun, au travers du quotidien d’un témoignage…

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Et c’est bien le cas avec cet album-ci. Deux femmes en sont les autrices. Fiamma Luzzati au dessin, et Camille Eyquem au scénario. Deux femmes en sont la trame, également. La trame d’un récit qui n’a rien de fictionnel, on le sent, très vite, on le ressent, profondément. Un récit qui, en commençant par nous parler d’amour, nous raconte l’envers du miroir, la mensongère vérité des apparences du quotidien. Une histoire « vécue » qui, sans pudeur, nous montre une lente plongée dans un enfer volontairement accepté…

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Lucrezia vient de se marier, à Portofino. Sa fête de mariage, somptueuse, avec de très nombreux invités bien « branchés », se termine doucement. Au bar d’un hôtel tranquille, la jeune mariée vient se reposer et entame la discussion avec un cliente. Agnès, au cours de cette conversation, dit à Lucrezia que sa belle histoire d’amour lui remet en mémoire une autre histoire… La sienne : « A l’époque, j’étais la jeune fille sage, col roulé, préoccupée de bien faire. C’était mon premier poste : attachée de presse dans une start-up. Le directeur venait de changer. »…

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Cet album, dès lors, va devenir l’illustration de ce souvenir raconté. Un souvenir souriant, tranquille, amoureux encore… Un souvenir qui, petit à petit, va révéler une réalité dans laquelle la fête et le sourire s’estompent sans heurts pour faire place à des attitudes qui n’ont plus rien d’amoureux. En racontant son passé, Agnès nous fait son portrait de jeune fille attendant le Prince Charmant, certes, mais aussi et surtout le portrait de cet homme qu’elle a aimé, qu’elle a épousé, dont elle a eu un enfant : Skipper…

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Et c’est là que la bande dessinée en dit bien plus que mille et une interventions psys. Sans chercher d’effet, Fiamma Luzzati nous prend comme témoins de cette histoire… Des témoins qui ne se posent aucune question, qui regardent vivre un couple parfait, qui appellent cela, sans doute, une fusion d’âme et de corps. Et elle le fait sans écorcher en quoi que ce soit, ce qu’ont été, au fil du temps les sentiments d’Agnès… Sentiments, sensations, émotions, déceptions, appartenances, quotidiennes dépendances…

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On comprend assez vite, bien évidemment, qu’il ne s’agit pas d’une femme malheureuse qui vient s’épancher auprès d’une inconnue heureuse… On comprend très vite, oui, que l’homme dans l’emprise duquel Agnès est tombée est le même que celui que vient d’épouser Lucrezia. On comprend aussi, dès lors, que cette bande dessinée est, bien sûr, un témoignage, mais qu’elle se révèle surtout une sorte d’autopsie froide d’une relation amoureuse dans laquelle le pouvoir occupe la place centrale…

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Et le talent des deux autrices est, justement, de faire que cette autopsie n’a rien de froid, de frigide… Bien sûr, elle nous décortique les attitudes d’un dominant narcissique, menteur, mythomane, possessif, mais elle nous dévoile surtout les raisons, intimes ai-je envie de dire, qui font qu’une femme se laisse ainsi prendre dans des filets déshumanisants. Ce livre n’est pas un appel au secours, il n’est pas non plus la négation du sentiment amoureux. Il est une sorte d’appel à l‘intelligence, celle de ne pas idéaliser une situation, mais de pouvoir garder son œil critique… Un appel qui reste sans écho, narrativement parlant, puisque Lucrezia garde ses illusions de grande amoureuse idéale, et que Skipper, le prédateur « sentimental », aura encore bien d’autres proies…

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Le sujet, vous l’aurez compris, n’est pas une bluette tranquille… Son traitement, cependant, n’a rien d’un mélo. Le dessin de Fiamma Luzzati est pour beaucoup dans la limpidité de la lecture de ce livre : un dessin simple, presque simpliste même, des personnages aux gestes et aux apparences souvent presque esquissées, mais mis en évidence dans des décors dont le flou pratiquement photographique les met toujours à l’avant-plan du récit, donc du témoignage partagé.

Un livre qui n’a rien à voir avec les pensums moralisants qui se multiplient… Un livre capable de faire réfléchir… Capable aussi, sans doute, et je l’espère, de montrer à toute une chacune la différence entre un prédateur ignoble et l’Amour… Toutes les histoires d’amour ne finissent pas mal, loin s’en faut, et j’en sais d’essentielles ! Mais il y en a bien trop qui ne sont que des manifestations d’une forme de pouvoir absolu… C’est cela que ce livre nous montre, en nous remettant en mémoire que les seuls contes de fée qu’on doive aimer, quand on rêve d’amour, sont ceux que l’on écrit, silencieusement, à deux, librement…

Jacques et Josiane Schraûwen

L’Emprise – Histoire d’une manipulation (dessin : Fiamma Luzzati – scénario : Camille Eyquem – éditeur : Dunodgraphic – avril 2024 – 124 pages)

Artips – Histoire(s) de l’Art en BD – quinze peintres, quinze anecdotes « quotidiennes » les concernant

Artips – Histoire(s) de l’Art en BD – quinze peintres, quinze anecdotes « quotidiennes » les concernant

Les éditions « petit à petit » aiment faire de la bande dessinée un outil d’approche simple de la grande Histoire, sous toutes ses formes.

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Artips, de son côté, occupe une place de choix sur internet, y racontant l’art par le petit bout de la lorgnette, mais toujours avec un souci de vérité historique. Il était donc naturel que ces deux médias voient leurs routes se croiser, dans un partenariat qui a donné vie à cet album, consacré à l’Art… Un album dont on peut qualifier le but, incontestablement, de « vulgarisation artistique » !

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De quoi s’agit-il, en fait ?…

Tout calmement, et avec simplicité et humour, d’aborder des moments importants de l’Histoire de la création artistique au travers de petits récits sans prétention racontant des petites histoires souriantes mettant en scène quelques-uns des noms les plus importants de l’Histoire de l’art.

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Quinze créateurs se retrouvent donc dans les pages de ce livre. De Vinci à Géricault, d’Ingres à Monet, du Facteur Cheval à Klein, de Vermeer à Warhol, du quinzième au vingtième siècle, cet album nous invite à découvrir quelques anecdotes étonnantes parfois, routinières d’autres fois, qui ont conduit ces artistes à créer une de leurs œuvres.

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Je le disais, tout cela se fait sans prétention aucune… Il ne s’agit pas d’un pensum, mais d’une quinzaine d’historiettes de trois pages qui nous prouvent que le hasard préside très souvent à des moments essentiels de l’évolution de l’humanité, donc de l’art. Le hasard, parfois créé de toutes pièces par un peintre comme Klein, par exemple, ou Dali…

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Un hasard mêlé aussi de technologie, comme chez Warhol ou Vermeer… Un hasard qui a permis des rencontres d’amitié et de talent, porteuses de réflexion, donc d’évolution des techniques artistiques. Avec Cézanne et Zola, ou Eiffel et Maupassant…

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Quinze artistes, quinze anecdotes, quinze petits dossiers également, qui replacent chaque œuvre abordée dans son époque, sans grand discours didactique, mais avec une véritable clarté. Un seul scénariste, aussi, mais plusieurs dessinateurs. Que je ne connais pas tous, ce qui rend encore plus agréable la lecture de ce livre, puisqu’elle permet aussi la découverte de talents graphiques actuels. Je tiens quand même à souligner les « épisodes » de Vincent Duteuil, d’Alain Paillou, de Nathalie Bodin, Joël Alessandra ou Thierry Chavant et Coralie Nagel, qui me paraissent sortir du lot, comme on dit…

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Un livre agréable, donc, sans prétention (je me répète…), mais bien fait, instructif sans être pédant, nous baladant ici sur le radeau de la Méduse, là dans un Palais Idéal, ailleurs sur la tour Eiffel et devant la cathédrale de Rouen.

Une « vulgarisation » agréable, aussi et surtout peut-être, à lire et à regarder !

Jacques et Josiane Schraûwen

Artips – Histoire(s) de l’Art en BD (scénario : Céka – dessin : divers dessinateurs – éditeur : petit à petit – 96 pages – mai 2024)

Dans Le Ciel De Normandie 1944 – Une chronique express en complément de toutes les commémorations officielles

Dans Le Ciel De Normandie 1944 – Une chronique express en complément de toutes les commémorations officielles

Un livre richement illustré qui nous montre une autre réalité de la guerre 40-45

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Le 6 juin 1944, le débarquement en Normandie se faisait l’initiale d’une nouvelle phase de la guerre : son aboutissement… Une guerre qui fut aussi vécue, perdue et gagnée dans les airs. Et c’est bien ce que cet album nous montre, tout au long de quelque soixante illustrations.

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Cette guerre que l’on dit stupidement (et menteusement) dernière a sans doute été la première à mettre en lumière les possibilités immenses de la technologie, de la science, même et surtout pour le pire de l’humanité. La force de l’aviation, en même temps que ses progrès techniques, avait déjà été utilisée pendant la guerre 14-18, c’est vrai. Mais c’est bien dans les années 40 qu’elle est devenue une arme redoutable… Dresde, Hiroshima, tant de villes, de routes, de villages mitraillés, aussi, en sont la preuve irréfutable.

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Oui, pendant la guerre 40-45, et en Normandie aussi, pendant ce fameux jour le plus long, l’aviation a eu une importante capitale. Dans la victoire, dans la défaite, dans le sang injustement versé… Et Olivier Dauger, peintre officiel de l’air et de l’espace, a voulu, dans ce livre parler de tous ces engins de mort qui se baladaient dans les cieux du débarquement, comme dans tous les cieux de cette tuerie qu’il faut ne jamais oublier. Il nous les montre au travers d’illustrations nombreuses, techniquement fidèles à la réalité, au gré de fiches techniques, également. Ce n’est donc pas une bande dessinée, mais un livre qui nous raconte et nous dessine ce qu’ont été les avions pendant cette guerre d’horrible mémoire.

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Un bel album, technique certes, mais extrêmement intéressant pour qui s’intéresse à ce conflit… Un bel objet, aussi, un objet de mémoire, à sa façon, même s’il n’insiste pas vraiment sur ce que furent les combats de ce six juin 1944, il y a 80 ans…

Jacques été Josiane Schraûwen

Dans Le Ciel De Normandie 1944 (auteur : Olivier Dauger – éditeur : Paquet – mai 2024 – 64 pages)