Akira Toriyama – Le monde des mangas et de leurs fans est en deuil de son enfance!

Akira Toriyama – Le monde des mangas et de leurs fans est en deuil de son enfance!

Ce que disait, hier, une de mes filles : « C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris ce matin, via la radio, le décès du grand Akira Toriyama. En sortant de ma voiture, j’ai interpellé mes collègues, mais aucun d’entre eux ne connaissait ce nom… »

copyright toriyama

Et pourtant, Akira Toriyama a marqué l’enfance et l’adolescence de beaucoup d’entre nous !

Je me souviens encore des soirées où j’empruntais discrètement des mangas à ma sœur aînée pour les dévorer dans ma chambre. A 16 heures, en rentrant de l’école, je m’installais devant la télévision. Je me retrouvais plongée dans des combats épiques entre Freezer et Sangohan, des résurrections grâce aux 7 boules de cristal, ou encore des péripéties de Trunk et Sangoten.

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Oui, Akira Toriyama, c’est tout cela ! C’est Dragon Ball !! Ou, pour être plus précise, c’est le génial créateur de Dragon Ball. Et là, je suis sûre que vous situez ! Personne n’a pu traverser les années sans entendre parler de Dragon Ball, sans en fredonner les génériques français, sans croiser les personnages.

À mes yeux, et ce n’est que mon avis, ce grand homme reste le père des Shônen, vous savez, ces mangas que l’on considère, à tort, destinés aux garçons et qui suivent un « Nekketsu », un canevas récurrent qui raconte généralement l’histoire d’un héros, souvent orphelin,  abandonné, parfois rejeté et qui pourtant renferme en lui un grand pouvoir et dont la naïveté et la bonté vont le faire s’entourer d’une bande d’amis fidèles.

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Bien sûr, Akira Toriyama est également le créateur du Docteur Slump et de bien d’autres œuvres. Il a contribué à pas mal de projets, comme les jeux vidéo Dragon Quest ou Blue Dragon, mais c’est la franchise Dragon Ball qui l’a propulsé au sommet de la renommée.

En ce mois de mars 2024, « l’univers geek » perd une grande figure, mais, heureusement, la relève est assurée, notamment avec des pépites comme Demon Slayer (Kimetsu No Yaiba), My Hero Academia (Boku No Hîro Akademia), Jujutsu Kaisen …

Merci à Akira Toriyama d’avoir marqué mon enfance, mon adolescence et d’avoir inspiré toute une génération de nouveaux mangakas.

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Cécile Schraûwen

Spirou et la Gorgone bleue s’exposent à Bruxelles du 11 janvier au 3 février

Spirou et la Gorgone bleue s’exposent à Bruxelles du 11 janvier au 3 février

Une occasion à ne pas rater d’admirer le travail de Dany, tant au niveau du trait, de la perspective, du travail de construction de ses pages que de la couleur ! Cela se passe à la GALERIE CHAMPAKA, rue Ernest Allard, 27, à 1000 Bruxelles. Et pourquoi ne pas vous plonger dans cette chronique pour y (re)découvrir cet album et y écouter le scénariste vous en parler…

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Au départ de cette nouvelle aventure, il y a une enquête journalistique de Seccotine, qui la plonge dans le monde très moderne des « éco-terroristes ». Dont un groupe, dirigé par la ténébreuse Gorgone bleue, semble soutenu, voire financé, par le Comte de Champignac.

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Abandonnant leur doux farniente, et prenant le relais de la journaliste, pour des raisons à découvrir dans cet album, Spirou et Fantasio vont se plonger dans un combat contre un industriel pour qui l’écologie ne peut être utile que si elle rapporte fric et pouvoir, un homme d’affaires qui est le maître universel de la malbouffe, et pour qui, à l’instar d’un certain Trump qui a servi de Modèle graphique à Dany pour le dessiner, la société ne peut être que vassale de ses ambitions !

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Avec Yann au scénario, on sait qu’on ne va pas s’ennuyer, qu’il va y avoir, au long des pages, des dizaines de clins d’œil, de références, que l’humour bon enfant et l’humour vache vont se mélanger, que l’aventure sera reine, certes, mais délirante, surtout, et toujours, d’une manière ou d’une autre, axée sur ce qu’est notre monde actuel, sur ce qu’il est en train de devenir, sur ce qu’il nous impose de plus en plus.

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Avec Dany au dessin, on sait aussi que nos regards de lecteurs ne peuvent que sourire, et être éblouis par une maîtrise que nul ne peut contester. Et c’est un vrai plaisir que de voir Spirou et Fantasio se coltiner avec, dans leur environnement proche, des femmes de tous styles, de tous âges, de toutes convictions, et toutes, surtout, dessinées avec un sens de la beauté évident…

Et l’association entre ces deux véritables « auteurs » nous offre donc ce livre étonnant… Etonnant, oui, parce que fidèle au Spirou de Jijé et, surtout, de Franquin, dans le mouvement, dans les gags, dans l’omniprésence de l’aventure. Etonnant, passionnant, jouissif ! Spirou et Fantasio se trouvent confrontés à deux courants d’idée tout compte fait aussi dangereux l’un que l’autre pour la planète peut-être, pour l’âme surtout !

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Et tout notre petit monde va se retrouver épinglé dans cet album haut en couleurs… L’argent et le pouvoir, seuls buts, finalement, des deux côtés de la barrière entre les éco-terroristes et l’industrie à outrance… Les médias et l’éthique, qui font de moins en moins bon ménage… L’insolence de la politique, des réseaux sociaux qui leur sont inféodés, du formatage qui en est une des résultantes déshumanisantes… La pollution, le combat idéologique… On tire tous azimuts, dans ce Spirou, et, bon Dieu, qu’est-ce que ça fait du bien !

Spirou est toujours observateur, toujours lucide aussi, aux côtés d’un Fantasio toujours à la fois déjanté et très sérieux. J’ai pensé, en lisant ce livre, à leur aventure, il y a bien longtemps, avec un char rescapé de la deuxième guerre mondiale…

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Et puis, aussi, qu’est-ce qu’on s’amuse dans cette aventure qui réussit à mêler classicisme et modernité… Il y a par exemple les remarques de Spip, insolentes, avec des jeux de mots à double sens souvent… Il se rattache ainsi à la la famille de la coccinelle de Gotlib ou aux petits personnages de bas de case de la Jungle en Folie de Godard et Delinx. Il y a les caricatures faites par Dany, de Hugues Dayez ou de Thierry Bellefroid par exemple. Il y a les références nombreuses, parfois réservées à la petite Belgique comme « mon cœur saigne »… Le texte est un petit bijou de précision, comme dans une bonne pièce dite de boulevard… Le dessin, lui, que d’aucuns tristounets vont qualifier de sexiste, est d’une splendide lumière, d’un art consommé du paysage, d’une qualité dans le mouvement, d’un travail sur les ombres et les pénombres qui mérite le respect…

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La quatrième de couverture, en outre, nous met l’eau à la bouche, en nous promettant une suite possible…. Pour en savoir plus, écoutez cette interview que Maître Yann a bien voulu m’accorder…

Jacques et Josiane Schraûwen

Spirou Et La Gorgone Bleue (dessin et couleur : Dany – scénario : Yann – éditeur : Dupuis – septembre 2023 – 88 planches)

Une interview in extenso de Yann
20 ans en mai 1871 – Tardi, Paris, la Commune, en 25 dessins

20 ans en mai 1871 – Tardi, Paris, la Commune, en 25 dessins

Jacques Tardi, passionné et passionnant au fil de toutes ses thématiques, nous raconte ici, sans aucun mot, ce qui n’est qu’une anecdote… Donc, ce qui est vraiment important !

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Il est de bon ton, aujourd’hui, de dire que l’artiste belge Frans Masereel est l’inventeur du roman graphique (Terme pour lequel, je l’avoue, je n’ai strictement aucune affinité… Sauf lorsqu’il s’agit des romans graphiques de Eisner.)… J’avoue en avoir marre de ces gens qui réinventent l’Histoire, même celle de l’art, pour qu’elle corresponde à leurs besoins de mettre tout un chacun dans des casiers bien précis…

Ce qui est vrai, c’est que Masereel, époustouflant graveur, a publié en 1918 un livre intitulé « 25 images de la passion d’un homme », le premier roman sans paroles moderne, comme le dit avec justesse Martin de Halleux, l’éditeur de ce livre de Tardi.

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Un éditeur qui a donc créé, en hommage à Masereel, une collection qui s’appelle « 25 Images », et dont les contraintes imposées aux dessinateurs sont d’une totale simplicité : un récit en 25 images, une seule image par page, sans aucun mot, et uniquement en noir et blanc.

Et, en connaissant un tout petit peu l’œuvre de Tardi, on ne peut pas s’étonner de sa présence dans cette collection étonnante… Artistiquement originale… Graphiquement ouverte à des talents extrêmement différents les uns des autres.

Et, toujours en connaissant l’œuvre de Tardi, on ne peut pas s’étonner non plus de lui voir, pour ce faire, choisir un de ses thèmes de prédilection : la Commune de Paris et ses horreurs officielles…

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Le héros de ce petit livre a eu vingt ans en mai 1871, c’est-à-dire pendant cette semaine de terreur orchestrée par le pouvoir politique, celui de l’innommable Adolphe Thiers… Lui qui fit abattre, contre les murs du cimetière du Père-Lachaise, 147 communards. Lui qui repose avec une ostentation répugnante sous un mausolée prétentieux dans ce même cimetière !

Le héros de Tardi, l’anti-héros plutôt, se lève un matin, traverse Paris, en boitillant. Il va jusqu’en ce cimetière, jusque devant cette tombe symbole d’une révolution de plus que l’Histoire a ratée… Il a un geste à accomplir, rien de plus, rien de moins.

Ce personnage est un homme de tous les jours, vieilli, un homme qui n’aura jamais son nom dans les manuels officiels de l’Histoire toujours revisitée… Un homme qui, un jour, a pris, face à lui-même et aux disparus de ses vingt ans, un engagement… Un engagement qu’en 25 dessins il va tenir…

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Bien sûr, il va s’en trouver pour dire que Jacques Tardi nous invite, une fois de plus, à le suivre dans les méandres de sa vision du passé… Mais chez ce dessinateur d’exception, rien n’est jamais gratuit, rien n’est jamais le seul fruit d’une seule obsession de thèmes à aborder.

Au-delà du côté « instantané » d’une existence, d’un acte isolé de révolte, Tardi nous parle de la fidélité à des idées, de celle, surtout, à des humains. Il nous parle, plus encore, de la mémoire, essentielle à toute intelligence… En marchant à travers les rues de Paris, en prenant le métro, en claudiquant vers un but qu’il est seul à connaître, cet individu simple, vivant dans une maison de banlieue, nous raconte sa vie… Ses souvenirs, inscrits à même chacun de ses pas, à même son visage fatigué aux traits tirés.

Tardi, ainsi, nous parle de nous-mêmes, avec simplicité. Sa bd est un portrait, celui d’une ville, celui d’un homme, celui de l’humanité… Ne sommes-nous pas toutes et tous des errants en des pays où la souvenance nous offre des fantômes vivants ?…

Oui, ce livre est le récit quotidien d’une ultime vengeance, et, de dessin en dessin, voir le personnage de la mort accompagner les pas de cet ancien de la Commune, et lui montrer un sablier dans lequel le temps ensablé disparaît inéluctablement, c’est rendre ce récit dessiné proche de tout un chacun…

Nos défaites et nos victoires, nos colères et nos renoncements, nos Amours enfuis, enfouis en des terreaux qui n’appartiennent qu’à nous, c’est tout cela, en définitive, que Jacques Tardi dessine… Pour nous, pour lui…

Et c’est en cela que ce petit livre va occuper une place importante dans l’œuvre de ce dessinateur qui, lui, sera toujours présent dans la belle et grande histoire de la bande dessinée !

Jacques et Josiane Schraûwen

20 ans en mai 1871 (auteur : Jacques Tardi – éditeur ; Martin de Halleux – septembre 2023)