Les Ogres-Dieux: 3. Le Grand Homme

Un monde baroque dans lequel les ogres-dieux sont tout-puissants… Un monde dans lequel les révoltes sont la seule manière de se senti vivants… Et un sang-mêlé qui, par amour, va peut-être restaurer l’espoir d’un univers meilleur!


Les Ogres-Dieux © Soleil

La première qualité de cette série réside dans la manière dont Hubert, le scénariste, a imaginé et rendu plausible un univers mêlant à la fois les images qui nous viennent des contes de nos enfances, à la fois les clichés nés de quelques séries télé à grand succès, et à la fois, surtout, des références évidentes avec les problématiques de nos propres réalités. Et la mise en scène graphique de ce monde, due à l’époustouflant Bertrand Gatignol, ajoute encore à la puissance de ces livres.

Chaque livre peut se lire individuellement, même si plusieurs personnages traversent les différents tomes de leurs présences charismatiques.

Ainsi, dans ce troisième volume, on retrouve  » Petit « , l’enfant d’un ogre et d’une  » humaine « . On retrouve aussi un chambellan ambitieux et cruel. Mais nul n’est besoin, fondamentalement (à la différence d’œuvres comme « game of thrones « ) d’avoir tout lu pour  » entrer  » dans cet épisode !

La raison en est à trouver dans la construction narrative de Hubert, qui, certes, nous raconte une histoire dessinée, mais le fait en accompagnant ce récit de textes dont l’aspect et l’ambition littéraires sont évidents. Le personnage central de ce troisième tome,  » Lours « , se devait d’être défini, par son présent comme par son passé, et ces textes, intitulés  » Les dits de Lours  » sont là pour le faire, avec un vrai talent d’écriture.

La deuxième qualité de ce livre est celle du dessin… Les deux premiers titres de cette série se révélaient résolument baroques, gothiques même, et se déroulaient essentiellement dans un univers urbain, celui des lustres et des bas-fonds de la cité et du château des Ogres-dieux.

Ici, Gatignol a quelque peu changé sa manière de dessiner. Ou, plutôt, il s’inspire moins de quelques grands auteurs de comics américains et laisse son trait se référer, graphiquement, à l’art du manga. Mais sans caricature, jamais, sans découpage stéréotypé, et avec une véritable personnalité. Une personnalité qui explose dans sa façon de traiter les physionomies de ses personnages, et singulièrement leurs regards. Gatignol nous fait profondément ressentir la bonté, la révolte, la haine, au seul travers des yeux qu’il dessine. Et, sous ses traits, la forêt imaginée par Hubert devient vivante, devient un personnage absolument essentiel.


Les Ogres-Dieux © Soleil
LE TEXTE
Hubert
DESSIN, REGARDS, NATURE

Hubert

Dans ce livre, on suit de tout près la quête de  » Petit « , refusant de devenir roi comme l’était son père, un souverain de cruauté et d’injustice. On suit aussi la quête d’un chambellan qui, pour continuer à profiter d’un pouvoir absolu, doit avoir au-dessus de lui cet Ogre de sang-mêlé qui le fuit. On suit la fuite de  » Petit « , son combat avec les forces armées du pouvoir, l’enlèvement de sa bien-aimée. On suit, surtout, la lutte des  » Niveleurs « , un groupe dirigé par Lours, personnage plein de mystères quant à ses origines, quant à ses relations avec le monde des  » nantis « , des  » bien-nés « …

Et c’est dans l’alchimie réussie de tous ces ingrédients que réside la troisième qualité de ce livre. Narration éclatée, passage de la bande dessinée au seul dessin d’illustration pour des textes qui, sans aucune linéarité, parviennent à retracer au papier les routes du passé, de plusieurs passés, tout cela participe à une aventure graphique et littéraire parfaitement assumée et impeccablement réussie !


Les Ogres-Dieux © Soleil
NARRATION, MYSTERE

Hubert

Et puis, toutes les autres qualités de ce livre, au scénario particulièrement endiablé, aux péripéties nombreuses, aux scènes de lutte éclatées, aux rebondissements incessants, toutes ces autres qualités sont celles du « propos « … C’est, et ce depuis le premier album, d’identité et de différence que  » Les Ogres-Dieux  » nous parlent…

Comme le dit Lours, d’ailleurs…  » Ils nomment étrangers ceux qui viennent du village d’à côté « . Et à ce titre, au-delà des jeux de pouvoir, au-delà des diktats de la religion, quelle qu’elle soit, au-delà de la justice, de la mort cependant omniprésente, du destin qui seul peut décider de rendre roi ou pas celui qui le refuse, au-delà d’une construction presque d’héroic-fantasy, cette série se dévoile humaniste. C’est par l’acceptation de l’autre, tel qu’il est, que le monde des ogres-dieux peut voir la chance de ne plus être exclusivement injuste et assassin… La violence des situations décrites et merveilleusement dessinées n’est là, finalement, que comme le miroir des sentiments qui, dans ce monde où les ogres sont dieux et rois comme dans nos quotidiens les plus banals, forment la vraie trame de l’Humain, avec un H majuscule !


Les Ogres-Dieux © Soleil
DIFFERENCE, IDENTITE

Hubert

La grande idée-force de cet album, à la différence des deux premiers, c’est la nécessité, pour être Humain, justement, de se révolter…

Quelques phrases, ainsi, émaillent le livre, comme des points de repère dans une action qui ne peut être que celle de la révolte, voire de la révolution :  » La politique ne se limite pas à la stratégie.  » –  » On est une poignée ! Et on se bat pour tout un pays… Les gens s’en foutent. Ils restent là, l’œil vide.  » –  » Admirez le grand homme : tout s’écroule sur son passage ».

Là aussi, les ponts entre l’imaginaire des auteurs et notre réalité sont évidents…

Les Ogres-Dieux © Soleil
REVOLTE

Hubert

Ne résistez pas…. Foncez chez votre libraire, allez découvrir si vous ne la connaissez pas, cette série, cette saga… Et offrez-lui une place de choix dans votre bibliothèque et dans celle de vos vrais amis !…

Jacques Schraûwen

Les Ogres-Dieux: 3. Le Grand Homme (dessin : Bertrand Gatignol – scénario : Hubert – éditeur : Soleil, collection Métamorphose)