Jusqu’en septembre 2020, une superbe exposition à Bastogne
Dans la bande dessinée belgo-française, Jean-Claude Servais occupe une place de choix. Ce Gaumais, amoureux de sa région depuis toujours, reçoit aujourd’hui un hommage somptueux à Bastogne, ce qui prouve qu’on peut être prophète dans son pays ! Dans sa région, tout au moins !
Dès ses premières bandes dessinées, parues il y a quarante ans, Jean-Claude Servais mettait en place un style reconnaissable dès le premier regard. A l’instar des grands acteurs (je pense à Louis Jouvet, entre autres), Jean-Claude Servais est toujours le même, avec un trait qui, certes, s’est affiné au fil des ans, mais sans jamais perdre son adn originel. Mais, en même temps, chaque album est différent, les récits qu’il invente, ou réinvente, sont neufs, à chaque !e fois. 40 ans de carrière, une cinquantaine d’albums, et une passion sans cesse renouvelée ! Son nouveau livre, « Le fils de l’ours », paru chez Dupuis, est d’une facture à la fois poétique et « naturelle », avec un trait qui, comme son habitude, aime raconter les beautés et les troubles de ses personnages.
Et, en parallèle de ce nouvel album, c’est au Musée de la Grande Ardenne qu’on retrouve quelque 120 de ses originaux, tout au long d’une exposition comme, je l’avoue, je n’en ai jamais vu ! C’est à Bastogne, à Piconrue, que cela se passe. Cette exposition, fabuleuse, il n’y a pas d’autre mot, avec une scénographie qui, volontairement, refuse la chronologie pour s’intéresser aux thèmes de prédilection de l’artiste (la nature, la féminité, la révolte…), nous balade, au fil de petites salles à l’éclairage parfait, dans l’œuvre et l’univers de Jean-Claude Servais. Et ce, de manière, croyez-moi, éblouissante !
Enumérer les livres de Jean-Claude Servais serait fastidieux, et inutile. Mais on peut épingler « La Tchalette », « Tendre Violette », « Les saisons de la vie », « Lova », et le sublime « Chalet bleu » ! Tout comme son dernier né, le fils de l’ours, qui nous parle de gémellité, d’identité, de naissance, de sensualité…
Son univers, qui se trouve exposé à Bastogne, est double.
D’abord, il y a les gens… Les gens normaux, les « petites bens », les « honnêtes gens », dans l’esprit du dix-huitième siècle. Il y a les gens ballotés par l’histoire, influencés par des légendes. Il y a les gens les femmes surtout, qui se battent contre le pouvoir, contre les conventions. Avec un sens de la liberté, de la sensualité, voire même du libertinage absolument réjouissant.
Et puis, il y a la nature, omniprésente… La faune et la flore de notre Ardenne, de la Gaume, de Bretagne, d’Alsace… Une nature dans laquelle toute magie et toute poésie sont possibles, et le seront toujours, pourvu que les pouvoirs politiques et industriels n’en détruisent pas l’équilibre et la beauté… Cette nature dans laquelle Jean-Claude Servais vit, lui qui ne dessinera jamais que ce qu’il connaît vraiment !
Un hommage comme celui de cette exposition est extrêmement bien construit, bien « scénographié ». Et, croyez-moi, il s’agit de l’exposition bd la plus belle qu’il m’ait été donné de voir… La plus belle, la plus intelligente, une exposition que vous ne pouvez pas rater, vous qui aimez le neuvième art !
Jacques Schraûwen
Jean-Claude Servais au-delà du trait (exposition à Piconrue, à Bastogne, jusqu’en septembre 2020)
Le fils de l’ours (auteur : Jean-Claude Servais – couleur : Raives – éditeur : Dupuis)