Bordeaux Shanghai – le vin, l’amour, le plaisir

Bordeaux Shanghai – le vin, l’amour, le plaisir

Depuis quelques années, les bandes dessinées consacrées au vin sont nombreuses… Un peu répétitives, aussi, il faut bien le reconnaître… Ici, l’angle de vue est original, intéressant aussi… Il s’agit tout autant de vin que de trajet de vie !

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En Chine, à Shanghai, un millionnaire a fort à faire avec son fils… Un adolescent retardé qui noie sa vie dans le cocon d’un fric facile qui se donne à foison, un jeune homme qui n’a qu’une certitude, celle que la vie est courte, cette vie qui a fait mourir jeune sa mère… Après une incartade de plus, Monsieur Zeng laisse une dernière chance à son fils : prendre la gestion d’une propriété viticole qu’il a achetée en France… Dans le Médoc…

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Sa mission : rendre compte à son père de la réalité de la gestion de ce cru bourgeois. Le but de son père est également, sans aucun doute, tout autre : mûrir (comme le vin ?…) ce gamin qui ne pense qu’à s’amuser, en lui imposant de se plonger dans le « travail », dans un autre pays, dans une autre culture… Et ce père, symbole d’une réussite économique chinoise, ne croit pas énormément aux chances de réussite de son fils dans cette nouvelle vie !

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Et c’est vrai que, dès son arrivée en France, dans « sa » propriété, Wei se retrouve totalement perdu… Il ne parle qu’Anglais, dans un terroir rural où le langage est celui du vin, et les mots ceux de la langue française. On ne peut pas dire qu’il fait de grands efforts, non plus, préférant rouler en voiture de luxe, faire du surf sans savoir nager… Heureusement que, parmi les gens qui travaillent pour lui (en quelque sorte), une gamine parle assez d’anglais pour qu’il ne se sente pas totalement seul… Mais ce garçon, maladroit, imbu de lui-même, ne connaissant rien au vin ni même au monde du travail, va accumuler les bêtises, encore une fois, les malentendus aussi…

On est, je le disais, dans un « trajet de vie »… Et donc, comme dans tout ce qui touche à une existence se construisant, l’amour va jouer son rôle, sous les traits de l’œnologue de la propriété, la jeune et jolie Lola, qui n’a pas la langue en poche, loin s’en faut !

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Ce livre est une réussite, déjà, par le talent du scénariste à mêler la romance à une forme tranquille de description (et explication) du monde du vin… Le scénario de Mark Eacersall, fait de petites touches, parvient à ce que tout soit plausible dans les péripéties de l’histoire racontée. Le temps passe, les « magouilles » économiques sont bien présentes, l’argent et « l’art » du vin éprouvent bien des difficultés à se marier… Dans ce scénario, il faut souligner aussi l’usage de couleurs différentes pour les dialogues, selon qu’ils sont en français, en chinois, ou en anglais… Le lecteur, ainsi, comprend sans aucune difficulté ce qu’est la solitude de Wei… Ce qu’est, dans toute relation humaine, l’importance du langage, donc de l’échange… Ce scénario brille aussi par son sens du récit, de la narration : il mêle une aventure amoureuse, un contexte dans lequel l’économie passe avant le sentiment, une existence dans laquelle les trahisons sont des réalités… De ce fait, on voit véritablement évoluer le jeune Wei, apprenant, grâce à l’amour qu’il porte à la belle Lola, à aimer le vin et, surtout, ceux qui le créent différent d’année en année! Tout coule de source dans ce scénario, ai-je envie de dire…

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En outre, différentes réalités du vin d’aujourd’hui sont abordées, les cultures plus humaines, plus naturelles, moins scientifiques, par exemple. Et puis, il y a le dessin d’Amélie Causse, semi réaliste, s’approchant au plus près des visages et de leurs expressions, s’emplissant de soleil et de pluie pour nous faire pénétrer dans la vérité d’un métier qui mêle à l’art bien des réalités plus triviales… Ses couleurs deviennent lisibles, dans la mesure où elles nous font ressentir les chemins des saisons…

Je le disais, en préambule : cette bd-ci est très différente des albums consacrés au vin… Pas de polar, ici, pas de grands affrontements… La vie, tout simplement, et donc l’Amour… C’est une romance, oui, mais parfaitement réaliste… C’est un livre lumineux qui ne cherche pas à éblouir, mais qui éblouit pourtant ! Une lecture extrêmement agréable, un livre qui mérite, assurément, qu’on l’aime pour ce qu’il est : une histoire humaine, à taille humaine, dans un environnement où l’humain obéit aussi à la nature…

Jacques et Josiane Schraûwen

Bordeaux Shanghai (dessin : Amélie Causse – scénario : Mark Eacersall – éditeur : Grandangle – septembre 2025 – 208 pages)

Belfort Et Lupin : SOS Carpe Diem

Belfort Et Lupin : SOS Carpe Diem

Une bande dessinée « tous publics », réalisée en collaboration avec le Château de Versailles : un album qui fait véritablement plaisir ! A découvrir, donc…

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Je vous emmène donc, si vous le voulez bien, à Versailles… Et je le fais en compagnie de Belfort et de Lupin, un chien et un loup… Le chien, Belfort, vit dans l’environnement immédiat de Louis XIV, le loup, Lupin, vit dans le parc. Belfort devrait être bien policé, il est en fait rétif à la « bonne tenue », et Lupin, qui devrait être un carnassier féroce est, tout au contraire, un animal libre aimant tous les autres animaux.

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Et dans ce joyau historique et architectural, le Roi Soleil doit recevoir l’ambassadeur de Perse, en vue de signer des accords importants. Il s’agit donc de l’éblouir… Et, pour ce faire, il faut que les grandes eaux de Versailles, ces fontaines sublimes, fonctionnent toutes ensemble lorsque cet ambassadeur se promènera dans les jardins de ce château exceptionnel.

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Et, bien sûr, les choses ne vont pas se passer aussi simplement ! Sinon, évidemment, il n’y aurait pas d’histoire ! Lupin et Belfort, en se baladant, remarquent que leurs amies les carpes, et leurs œufs prêts à éclore, manquent cruellement d’eau dans leur bassin ! Et ce sont eux, le loup et le chien, qui vont donc parvenir à ce que les fontaines de Versailles se remettent à jaillir avec leurs jeux étincelants et accrochant en arcs-en-ciel les lumières de Versailles. Il s’ensuit des rencontres avec les animaux du château, un éléphant, entre autres, il s’ensuit la difficulté pour des animaux de comprendre le fonctionnement de ces fontaines et bassins innombrables. Mais, comme dans les contes de nos enfances, tout va, évidemment, se terminer bien !

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C’est vraiment une petite histoire bien gentille ! Le dessin de « Lesdeuxpareilles », non réaliste, dans la veine de Disney, est souple, d’une belle lumière, les personnages sont attachants, les décors sont vibrants, et la couleur attire le regard. Le scénario de Stehly est bien construit, plein de bons sentiments, totalement adapté à un public jeune. Mais je tiens à souligner que ce livre a été fait, comme je le disais plus haut, en partenariat avec le Château de Versailles ! Et, de ce fait, cet album a également un côté didactique. Comment toutes ces fontaines, célèbres dans le monde entier, fonctionnent-elles ? C’est raconté dans la bd… C’est également expliqué dans un dossier qui termine ce livre… Les enfants et leurs parents, ainsi, y découvriront quelques trésors technologiques qui datent d’il y a bien longtemps !

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Et j’avoue que j’ai autant aimé, vieil adulte, cette bd que le petit dossier qui l’accompagne ! Une bd qui renoue, à sa manière, et avec une belle réussite, avec ce qu’était le neuvième art à sa création : des récits dessinés et destinés à un jeune lectorat !

Jacques et Josiane Schraûwen

Belfort Et Lupin : SOS Carpe Diem (dessin : Lesdeuxpareilles – scénario : T. J. Stehly – éditeur : Dupuis – 2025)

Boule à Zéro – 11. Le Grand Bain

Boule à Zéro – 11. Le Grand Bain

« Bamboo », ce n’est pas Dupuis… Et les grondements imbéciles d’une influenceuse restent lettres mortes pour un éditeur qui sait que Ernst et Zidrou sont les auteurs d’une série bd exceptionnelle et essentielle !

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« Boule à Zéro », c’est une série qui nous raconte les aventures, appelons cela de cette manière, d’une gamine atteinte du cancer et passant de nombreuses années en hôpital… C’est une série qui, avec une intelligence et une « empathie » évidentes, évite les écueils du mélo facile pour éveiller nos yeux et nos âmes, nos cœurs et nos sourires…

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Dans le numéro précédent, Zita, cette gamine adolescente qui a l’apparence d’une fille de sept ans mais qui est une vraie adolescente, apprend qu’elle est guérie… Ou, en tout cas, en rémission et pouvant sortir de ce lieu qui a été son univers pendant tellement longtemps… Dix ans dans un hôpital, dans un étage consacré aux enfants malades, gravement malades…

Dans cet épisode-ci, intitulé le grand bain, Zita découvre la vie, la vraie vie, celle qui se vit dans un monde sans malades, sans infirmières, sans médecins. Sans les amis qui étaient les siens, cette bande de malades, comme elle, dont elle était devenue la guide, la cheffe, pour des 400 coups pleins de folie, pleins de tendresse, plein de vie !

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Parce que c’est cela, la force et la puissance de cette série, de ses auteurs, Zidrou au scénario et Ernst au dessin, que de nous montrer la maladie et la mort des enfants, de le faire sans inutile pudeur, de nous parler, ainsi, de la désespérance, mais de le faire en nous racontant un quotidien dans lequel les gosses restent des gosses, avec le besoin de bouger, de faire des bêtises, mais d’avoir peur, aussi, et d’oser l’humour face à la camarde omniprésente.

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Après dix années de ce qu’on appelle un combat contre la maladie, c’est à un apprentissage total du verbe vivre que Zita va se trouver confrontée… C’est ce que nous raconte ce livre, en montrant aussi cette attitude normale de la part de Zita, de couper les ponts avec l’hôpital… Elle qui était le sourire de ses camarades d’étage leur manque, terriblement… Elle était un peu leur âme… Et dans ce livre-ci, cette rupture est difficile à supporter, pour ses camarades, et également pour les lecteurs que nous sommes. Oui, dans ce onzième volume, l’ambiance est très différente… Zita va devoir, non pas se réinventer, mais accepter de nouvelles amitiés… Non pas se reconstruire, mais partir simplement à la recherche d’une part d’elle qu’elle ne connaissait pas et qui, ma foi, n’est pas évidente à supporter !

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Et tout cela, la vie à l’école, les méchancetés gratuites de gosses dans la cour de récréation, Ernst, de son dessin tout en simplicité et en lumière, le retranscrit avec une tendresse qui estompe le propos parfois proche d’une forme de désespérance. Zidrou, lui, fait cette fois moins preuve de son humour percutant pour laisser la place à une forme de mélancolie, mais de mélancolie souriante ! Avec, toujours, ces clins d’œil qui sont la caractéristique de son écriture… Le collège dans Lequel Zita se retrouve ne s’appelle-t-il pas le Collège Deliège ?… Zita n’a-t-elle pas, d’ailleurs, à l’instar de Bobo, l’envie de s’en échapper ?

Et tout le récit reste toujours étonnamment proche de la réalité… Tout en finesse… Tout en envies de partages, de mains tendues… Tout aussi avec cette constatation sans cesse sous-jacente que les racines individuelles, même avec le refus de certaines mémoires, ne peuvent être que multiples !

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Ce tome 11, différent dans son empreinte comme dans sa thématique, est, sans aucun doute, un superbe livre, qui fait mal, qui fait sourire, qui donne l’envie de découvrir la suite de cette plongée dans la vie… Et je maintiens ce que je dis depuis des années : cette série est et reste la série la plus réussie, la plus intelligente, la plus humaine, la plus tolérante, la plus humaniste militante, depuis très, très, très longtemps !!!

Jacques et Josiane Schraûwen

Boule à zéro : 11. Le Grand Bain (dessin : Ernst – scénario : Zidrou – éditeur : Bamboo – mars 2025 – 46 pages)