Un livre de 1982 entièrement » reconstruit « , aujourd’hui, exposé aux cimaises d’une galerie bruxelloise (Champaka), et qui mérite assurément qu’on s’y attarde !
» Le Réseau Madou « , c’est d’abord et avant tout un hommage, littéraire et graphique, à la fameuse » Ligne Claire « , celle de Jacobs surtout.
Littéraire, d’abord, parce que François Rivière agit ici en écrivain, en écrivain de roman policier à l’ancienne, ai-je envie de dire, » à l’anglaise « .
Certes, sa narration subit d’évidentes influences, que François Rivière, par ailleurs, assume pleinement. Il y a une construction qui, parfois, rappelle certaines œuvres de ce qu’on a appelé le nouveau roman. Il y a aussi une succession de plans qui appartient, elle, au monde cinématographique.
Graphiquement, il en va de même, et on peut se demander, d’ailleurs, à certains moments, dans quelle mesure Alain Goffin a illustré le scénario de François Rivière, ou, à d’autres moments, dans quelle mesure le scénariste a illustré de ses mots le découpage de son dessinateur.
» Le Réseau Madou « , c’est ensuite une histoire. Un récit parfaitement charpenté d’espionnage dans l’immédiate avant-guerre (1938). Résumer cette histoire est impossible tant elle comprend de fausses pistes, d’indices parsemés tout au long des dessins, de rebondissements aussi. Le héros de cet album, dans la plus pure tradition de la bande dessinée pour la jeunesse, est un jeune scout, Thierry Laudacieux. Le propos, lui, est plus adulte, incontestablement, tout en respectant toutes les règles » tous publics » chères aux tenants de La Ligne Claire…
Par contre, ce qu’il faut souligner, c’est que cet album est une véritable » re-création » de l’original. On peut parler de » remastérisation « , à tous les niveaux, et le résultat en valait la peine ! Dois toilé, rendu des traits et des images d’une netteté exemplaire, tout est fait, réellement, pour que tenir ce livre entre les mains et le lire participent d’un vrai plaisir.
François Rivière: le scénario et les influences…
Alain Goffin: le scénario et le re-création…
A la fin de cet album quelques pages dressent un paysage succinct mais intéressant de ce que » La Ligne Claire » a apporté au monde de la bande dessinée.
Et c’est vrai qu’on peut se poser la question de savoir si cette manière de créer en bd est toujours d’actualité, a toujours sa place dans l’univers actuel du neuvième art, tellement varié.
Mais c’est par et pour cette variété que l’art cher à Hergé reste actuel, reste un médium capable encore et encore de raconter des histoires, qu’elles soient accessibles à tous ou réservées aux adultes.
C’était d’ailleurs, déjà, le » message » de ce réseau Madou, puisque un des éléments moteurs du récit se situe dans une bande dessinée éditée en strip par un journal bruxellois. La bande dessinée, dans la bd, en quelque sorte, mais montrant que la bd, qu’elle qu’en soit la forme finalement, est un vecteur de communication, pour utiliser un terme à la mode aujourd’hui, mais qui ne l’était pas en 1982, et certainement pas non plus du temps des albums de Hergé ou de Jacobs !
Alain Goffin: La Ligne Claire
François Rivière: la BD dans la BD…
Cela dit, ce qui prime aussi chez tous les utilisateurs actuels de la ligne claire, c’est une certaine forme de nostalgie. Nostalgie d’une architecture, nostalgie de meubles et de décors intérieurs, nostalgie d’une ambiance infiniment plus lente que celle qu’on connaît de nos jours, nostalgie de vêtements, nostalgie de » valeurs « , au sens large du terme. Une nostalgie qu’Alain Goffin revendique, totalement…
Alain Goffin: la nostalgie
Je pense que la réédition de cet album vient en son temps. Pour prouver que l’essentiel, dans le neuvième art, reste et restera toujours le fait de raconter une histoire, et de le faire d’une manière qui permette aux auteurs, le dessinateur comme le scénariste, de s’exprimer totalement et librement.
Ce qui vient à son heure aussi, c’est l’exposition-vente organisée à l’occasion de cette réédition par la Galerie Champaka à Bruxelles, et qui permet à la fois de découvrir tout le talent d’Alain Goffin, mais aussi tout le travail qui a été fourni, aujourd’hui, pour actualiser un album qui, sinon, aurait sans doute paru très daté…
Alain Goffin: l’exposition
Un livre une expo…. Que demander de mieux pour rendre hommage à La Ligne Claire ?….
Aux nostalgiques de la bd à l’ancienne, aux nostalgiques d’un Bruxelles disparu où la Place Flagey n’était pas encore un lieu » branché « , aux amateurs de bonnes histoires bien racontée, à tous ceux qui aiment le neuvième art sous toutes ses formes, ce livre et cette exposition ne pourront que plaire !
Jacques Schraûwen
Le Réseau Madou (dessin : Alain Goffin – scénario : François Rivière – éditeur : Dargaud)
Exposition à la Galerie Champaka – 27, rue Ernest Allard – 1000 Bruxelles – du 3 au 18 mars