Du moment qu’on s’aime

Du moment qu’on s’aime

Un peu d’amour ?… Un peu d’humour ?… De l’humour grinçant ?…. Chereau, inspiré par Guitry, joue avec tout cela, dans ce livre haut en couleurs ! Et le sourire est  toujours au rendez-vous !

 

 

Du moment qu’on s’aime ©Pixel Fever  Editions

 

L’amour et ses absurdités, ses concessions, ses habitudes, voilà, incontestablement, un thème souvent retrouvé dans les dessins d’humour. Mais force est de reconnaître que, souvent, au-delà d’un simple exercice de réécriture de situations mille fois évoquées, cet humour-là ne brille rarement par son originalité.

Chereau, ici, a choisi, pour la suite de ses gags d’une page, une vraie construction narrative, et c’est déjà une première originalité. On commence la lecture par le jour du mariage, on la termine par la toute vieillesse. Il ne manque que la mort pour que l’histoire de l’amour soit complète, en quelque sorte !

Premier dessin : un invité à un mariage porte un toast : « je lève mon verre aux mariés qui pensent encore qu’ils vont s’aimer pour toujours »…

Ultime dessin : un couple de vieillards regarde un album photo. Le mari dit : « Regarde là : c’est quand on était heureux. » ; l’épouse répond : « Bah ! Du moment qu’on s’aime ! »…

Entre ces eux vignettes, c’est toute une vie qui défile, de la jeunesse à la lassitude, de l’étreinte aux enfants, de l’éducation à la maturité, de la maturité au manque de désir.

 

Du moment qu’on s’aime ©Pixel Fever  Editions

 

La deuxième originalité, c’est de montrer l’amour sous toutes ses formes, amour hétérosexuel, amour parental, amour homosexuel, amour déviant, même, dans l’un ou l’autre dessin.

Et l’image que nous donne ce livre est à la fois extrêmement sombre, puisqu’elle nous montre qu’hommes et femmes ne peuvent qu’être différents dans leur manière de vivre, de penser, d’aimer, que l’habitude est  destructrice de sentiment, que l’incompréhension entre partenaires amoureux, quels qu’ils soient, ne peut jamais être évitée.

Mais cette image est aussi empreinte d’une vraie tendresse. L’auteur, certes, aime à caricaturer le monde de l’amour, mais il le fait sans méchanceté, avec un regard, même, parfois poétique, qui tempère la noirceur initiale du propos.

Ce n’est pas un album de BD… Mais c’est  un livre qui parvient, en usant de l’arme de l’humour descriptif, à  nous faire réfléchir à nos propres réalités amoureuses. Et à comprendre, aussi, que vieillir est et restera toujours un long voyage amoureux !

Un petit bémol, malgré tout : il y a quelques fautes d’orthographe qui auraient pu (dû) être corrigées !…

 

Jacques Schraûwen

Du moment qu’on s’aime (auteur : Chereau – éditeur : Pixel Fever  Editions)

 

Le Guide Mondial Des Records

Le Guide Mondial Des Records

Être le meilleur, dans quelque domaine que ce soit, pour ne pas se sentir exclu du regard des autres… Pour continuer à vivre, à défaut d’exister… Alors que, finalement, n’est-ce pas l’échec, et lui d’abord, qui construit l’être humain ?…

 

Paul Baron est une sorte d’huissier. Il travaille pour  » le guide mondial des records « , et son job consiste à vérifier et à certifier (ou pas…) les tentatives de records qui lui sont soumises. Des records aussi farfelus que dans le best-seller annuel qui inspire cette histoire. Cela va d’une centenaire dans une piscine au chou le plus lourd, du lancer de bâton par une majorette à la plus longue lettre du monde inscrite à même le sol.

Ce métier lui attire bien des reconnaissances, mais également des haines farouches. Il vit au quotidien entre sourires et larmes, entre menaces et soutiens moraux.

Mais ce que Paul Baron vit surtout, au jour le jour, c’est le sentiment de son inutilité, de sa fadeur dans un monde où chacun cherche à briller, une société où, comme le disait Warhol, tout le monde se doit d’avoir sa minute de gloire. Une minute… ou une simple seconde, le temps de lire deux lignes écrites dans un livre vite oublié !

 

Et voilà que Paul Baron reçoit un message différent de tous ceux qu’il lit habituellement. Son correspondant lui annonce qu’il veut être dans la prochaine livraison du guide mondial des records, sous la rubrique des  » performances humaines « . Une performance assez particulière, comme le dit ce mystérieux compétiteur :  » J’ai décidé de lutter contre la vilénie généralisée en éliminant les crapules croisées sur ma route, afin de rendre ce monde moins injuste  » !

Paul n’y croit pas, jusqu’au jour où ce correspondant passe à l’acte, et lui indique où trouver un premier cadavre.

A partir de là, ce livre se transforme peu à peu en polar, ou, plutôt, en roman noir. Avec les codes en vigueur dans ce genre qui fut cher, en son temps, à Léo Malet, dans sa trilogie noire : des personnages paumés, des situations dans lesquelles ils semblent s’enfouir sans pouvoir y échapper, des réflexions sombres sur l’existence et ses dérives.

Rien de neuf, donc ?… Sauf que c’est Benacquista qui est au scénario. Et c’est en romancier qu’il construit son intrigue, en ne laissant aucun personnage dans l’ombre, en choisissant avec soin ses personnages secondaires, en donnant du corps et de l’âme à son héros principal, un paumé dont on attend des sursauts existentiels essentiels. En incorporant dans sa narration des petits détails qui, à un moment ou l’autre, prennent une importance dans le récit et ses aboutissements.

Sans déflorer la fin de cet excellent album, je ne peux que souligner l’aspect résolument littéraire du récit, dans son évolution comme dans ses finalités, un aspect qui, cependant, ne nuit nullement à la construction graphique. Benacquista scénarise une histoire que Barral, le dessinateur, s’est totalement accaparée.

 

Nicolas Barral n’est pas un inconnu, loin s’en faut. On peut retenir de lui, par exemple, son incursion dans l’univers de Nestor Burma, à la suite de Tardi.

Son dessin, ici, ne cherche à aucun moment à créer un effet. Il alterne avec brio les plans larges et les zooms avants, pour s’approcher au plus près de son héros, tout en insistant, graphiquement, sur son sentiment d’isolation, de solitude, tout en insistant aussi sur les espérances minuscules, tout compte fait, des différents adeptes du record qu’il croise.

On aurait pu s’attendre, avec le  thème de départ de cet album, à de l’humour. Mais il n’en est rien, ou uniquement par petites touches presque attendries, tant dans le texte que dans le dessin. C’est un livre qui aborde, en effet, et de manière sombre, notre société occidentale contemporaine soucieuse de plus en plus de la réussite et de l’apparence, au détriment de la mémoire et de l’intelligence. Une manière sombre, oui, mais qui débouche, à la fin de cette histoire qui aurait pu n’être que tragique, sur une ouverture vers, qui sait, un monde meilleur !

 

Jacques Schraûwen

Le Guide Mondial Des Records (dessin : Nicolas Barral – scénario : Tonino Benacquista – éditeur : Dargaud)

Olympus Mons : 1. Anomalie Un

Olympus Mons : 1. Anomalie Un

« Olympus Mons », c’est un volcan situé sur la planète Mars, d’une hauteur de plus de 22 kilomètres. C’est aussi, bien évidemment, une référence à la mythologie grecque. Et ici, c’est une aventure dans laquelle les extraterrestres occupent la place centrale !

 

Voici un livre qui ne peut absolument pas être résumé ! Le scénario s’apparente plutôt à un puzzle qu’à un récit linéaire. Un puzzle de lieux, de situations, de personnages.

Jugez-en… Pour une part de l’histoire racontée, on est sur la planète Mars, face à ce fameux Olympus Mons, en compagnie d’une équipe russe. Pour une autre part, c’est en 1492 qu’on se retrouve, avec Christophe Colomb face à une montagne rouge. Pour une autre part encore, c’est dans la Mer de Barents qu’on plonge à la découverte d’un objet qui semble posé sur une colline sous-marine. Un autre groupe de personnages monte une montagne en Turquie, et un dernier héros, médium, a des visions qui le mettent en présence d’extraterrestres enfouis sous la mer…

Et toutes ces histoires, morcelées, se mélangent dans cet album, se suivent, s’arrêtent, recommencent, d’une façon qui a l’air totalement anarchique. Mais qui ne l’est pas, puisqu’on comprend, assez vite, qu’un point commun les unit, au-delà des lieux et des époques, et que ce lien, fait d’anomalies, géologiques surtout, génétiques peut-être, fera toute la trame de cette série !

 

Il y a énormément de texte, dans cet album, trop peut-être !… Mais ce texte permet, en même temps, de donner une assise sérieuse, voire scientifique, à ce qui nous est raconté. Le texte est, finalement, le seul liant de ce livre, un liant qui, peu à peu, abandonne la réflexion pure pour entrer de plain-pied dans l’aventure.

C’est de la science-fiction, bien sûr, une science-fiction qui utilise quelques-uns des poncifs habituels au genre : la présence « d’anomalies », l’existence de civilisations extraterrestres, le besoin humain de dépasser ses limites, quelles qu’elles soient, la prépondérance dans notre société du pouvoir militaire. Ce qu’on dit officiellement, ce qu’on tait…

Mais l’intérêt de ce livre, premier de ce qui doit être une saga, on le devine, est de ne pas faire de ces poncifs des éléments pesants, mais de les utiliser comme des codes chers au genre sf, mais permettant des trouées vers le monde qui est le nôtre, aujourd’hui. On est moins dans la veine d’Asimov que dans celle de Bradbury.

 

Mais on reste dans une approche assez classique de la SF, malgré tout. Par le scénario, bien sûr, par le dessin aussi qui, malgré quelques prouesses techniques (et colorisées…) se révèle d’abord et avant tout d’un réalisme assez statique. Mais parfaitement assumé !

Ce n’est pas un mauvais livre, loin de là ! Mais c’est un premier tome…. Et j’attends, pour avoir un jugement plus complet sur cette aventure humaine et extraterrestre, de voir ce que la suite de cette série va nous réserver…

Cela dit, il plaira, très certainement, à tous les amateurs du genre, et je sais qu’ils sont nombreux !

A découvrir, donc, sans arrière-pensée…

 

 

Jacques Schraûwen

Olympus Mons : 1. Anomalie Un (dessin : Stefano Raffaele – scénario : Christophe Bec – éditeur : Soleil)