Montana 1948, c’est l’Amérique profonde de l’après-guerre, avec ses routines loin des idéologies citadines… Le tout vu au travers des yeux d’un adolescent… Ecoutez, dans cette chronique, l’interview de son auteur!
David Hayden, le fils du shérif d’une petite bourgade du Montana, va vivre, dans ce livre, un été qu’il n’oubliera plus jamais. Une jeune Indienne accuse son oncle de viol. Cet oncle, héros de la guerre, est une des figures emblématiques de la ville, de la région… Mais le shérif, son frère donc, se doit d’enquêter, de chercher à la fois la vérité et la justice… Il en résulte un conflit sans retour entre ces deux adultes, avec en arrière-plan la présence d’un grand-père plus patriarche qu’aimant, le tout regardé par un enfant qui devient adolescent en perdant à la fois ses illusions et ses certitudes…
Nicolas Pitz, jeune auteur bruxellois, aime à se plonger dans des histoires qui naissent des relations imposées par l’appartenance à une famille, et il a trouvé, dans le roman qu’il adapte ici, un miroir à ses propres intérêts, à ses propres questions.
Sans aucun manichéisme, il nous montre, en des dessins qui, de par leur simplicité comme de par la simplicité des couleurs, réussissent à mettre en évidence le sérieux et la puissance du propos, il nous dévoile un monde dans lequel le racisme est ordinaire, un univers qui, cherchant à oublier les horreurs d’une guerre qui vient à peine de se terminer, ne veut pas voir les errances de sa propre histoire…
Nicolas Pitz: Le thème de la famille
Construit à partir de souvenirs, le récit que nous offre Nicolas Pitz ne cherche à aucun moment à éblouir par une quelconque virtuosité narrative. On sent son travail extrêmement respectueux de l’œuvre originelle.
Et le récit qu’il partage ainsi avec nous est véritablement passionnant, dans la mesure où il ne se contente pas de nous plonger dans les dérives d’une famille qui se déchire à cause de l’affrontement entre une certaine tradition et une pensée libre et humaniste. C’est un livre qui est aussi un vrai polar, presque politique à certains moments même. Un polar sérieux, mais en même temps rythmé par un véritable humour, discret certes, mais qui participe pleinement au thème, à savoir l’observation, par un enfant, d’un monde adulte aux mille compromissions.
Il est évident, également, que le roman à l’origine de cet album est né de souvenances vécues. Et la force et le talent de Nicolas Pitz, c’est de parvenir à rendre universelles les réflexions du roman, à permettre, de par sa construction narrative, à ce que chacun puisse se reconnaître dans cette histoire où l’enfance, lentement, laisse la place à un âge dans lequel la pensée et l’opinion doivent jouer un rôle central.
Le roman est une œuvre autobiographique, sans aucun doute. Et le gamin qui y vit pour faire mieux que survivre, n’a pu, adulte, que se révéler différent de ce qu’il a été obligé de regarder de tout près… On ne ressort jamais intact des réalités familiales…
Nicolas Pitz: de l’enfance à l’âge adulte
Le dessin de Nicolas Pitz, je le disais, est simple. Mais cela ne l’empêche pas, loin s’en faut, d’être extrêmement lumineux, et de participer pleinement au rythme du récit. L’auteur s’est amusé à placer, ici et là, dans le décor souvent, des éléments qui font que l’époque, la fin des années 40, est bien présent, tangible. Une couverture de Superman, par exemple, nous montre que le héros de ce livre est aussi et d’abord un enfant.
Il y a, dans le trait de Nicolas Pitz, une simplification des décors qui n’est jamais une épure. Il y a dans son trait une volonté, également, de ne pas être expressif au travers des visages ou des attitudes.
Par contre, il y a un travail remarquable autour du regard, des regards pluriels ! Ce sont eux, celui du gamin, celui de son père, de sa mère, de son oncle, le regard des Indiens, les regards, en fait, de tous les protagonistes, importants ou secondaires, ce sont ces regards-là qui parviennent à restituer les sentiments profonds qui animent tous les personnages.
Nicolas Pitz: les regards
Roman graphique, puisque à la fois « littéraire » par le livre de départ et « dessiné » par le livre d’arrivée, ce » Montana 1948 » est une réussite à tous les niveaux. Nicolas Pitz est de ces auteurs qui font plus que des promesses, et dont les prochains albums, très certainement, réussiront encore à nous étonner !
Un livre à lire, un auteur à suivre !…
Jacques Schraûwen
Montana 1948 (auteur : Nicolas Pitz d’après le roman de Larry Watson paru aux éditions Gallmeister – éditeur : Sarbacane)