François Ayroles (interviewé dans cette chronique) trace un portrait à la fois souriant et sérieux des années 1937-1985 d’un magazine encore et toujours mythique…
C’est le 21 avril 1938 que le Journal de Spirou sort officiellement de presse, devenant très rapidement le magazine de référence pour les enfants de l’avant-guerre!
Tintin étant, ailleurs, un personnage emblématique de la bande dessinée, il fallait à ce nouveau journal une » star » capable de lui faire concurrence. Pour ce faire, la famille Dupuis a été chercher un ancien steward de transatlantique, Robert Velter. Ce dernier crée le personnage du groom Spirou, en puisant dans ses souvenirs. Je ne peux d’ailleurs que vous pousser à découvrir au plus vite cette histoire romancée dans l’excellent album » Il s’appelait Ptirou « , de Sente et Verron !
A partir de cette création, c’est tout un univers qui s’est créé, autour, surtout, de quelques-uns des noms essentiels de la grande histoire du neuvième art !
François Ayroles a choisi, pour raconter ce journal de Spirou, de nous faire part de ce qu’il considère, plus ou moins subjectivement (ou objectivement, c’est selon !…) comme des moments clés de l’évolution de ce magazine. Cela fait quelque 300 instantanés…
Personnellement, j’épinglerais un des grands oubliés de la bande dessinée, Jean Doisy, et le non-engagement de Hergé par monsieur Dupuis… Mais pour François Ayroles, ses choix sont quelque peu différents…
Et j’insiste, de mon côté, sur l’ouverture de » Spirou « , toujours, à des jeunes auteurs comme Frank, ou aussi Wasterlain, qui ont réussi à amener du sang neuf à ce magazine tout compte fait exceptionnel…
François Ayroles: SES moments clés
François Ayroles: Wasterlain
Dessin simple, humoristique, dans la lignée de ce qu’on a appelé l’école de Charleroi, et textes sérieux, voilà ce qui forme la trame de cet album. Et c’est un vrai plaisir, pour l’amateur » éclairé » de la bd, au fil des pages, de voir apparaître Franquin, Tillieux, Delporte, Morris, Gaston, Natacha, tous croqués à sa manière par Ayroles. C’est un vrai plaisir, aussi, que de lire les textes illustrant les dessins (oui, cette fois, ce sont les textes qui servent d’illustrations !…). Et là, même parmi les amoureux les plus fidèles du journal de Spirou, chacun découvrira des faits, tous avérés, qui étaient méconnus ou inconnus….
François Ayroles: La construction du livre
On peut, en lisant ce livre, se demander pourquoi, parmi tous les magazines de bd qui ont existé, seul Spirou résiste encore. Et pourquoi les exégèses de la BD se contentent-ils trop souvent de ne faire que le citer, et de mettre en avant d’autres revues (A Suivre, Métal Hurlant, Circus, Charlie mensuel, excellent et essentiels, eux aussi, au demeurant !) ! La raison en est peut-être à trouver dans la vocation, depuis toujours, de » Spirou « , de s’adresser à la jeunesse… Idéologiquement, pendant la guerre, sous la houlette du résistant Doisy, plus ludiquement depuis lors… Mais avec toujours la volonté d’avoir les pieds et les idées bien ancrés dans la réalité des jeunes auxquels on s’adresse !
On peut se demander aussi pourquoi, au-delà de cette persistance évidente, François Ayroles a décidé d’arrêter son livre en 1985. La raison, là, me paraît simple… 1985, c’est la fin d’une époque, celle de la famille Dupuis, et le début d’une autre période, celle du placement financier et rentable…
François Ayroles: la persistance d’un titre
François Ayroles: l’après-famille Dupuis
Savant et amusant, anecdotique et amusé, ce livre ne peut que plaire à tous ceux qui, un jour ou l’autre, ont vibré de plaisir en lisant le journal de Spirou, mais aussi à tous ceux qui veulent découvrir les dessous de l’Histoire du neuvième art, et ce au travers d’un magazine qui a vu passer dans ses pages quelques créateurs inoubliables !
Jacques Schraûwen
Moments Clés Du Journal De Spirou (auteur : François Ayroles – éditeur : Dupuis)