Brigade Verhoeven : 1. Rosie

Une adaptation en bd d’un roman de Pierre Lemaitre : un album passionnant et intelligent !

Qu’est-ce qui fait la qualité d’un « polar » ?… Souvent, la personnalité de son personnage principal… A ce titre, le commandant Verhoeven, dans les romans de Lemaître comme dans cet album bd, mérite largement le détour !

Brigade Verhoeven © Rue De Sèvres

 

Au départ, il y a donc un roman de Pierre Lemaitre. Ecrivain aimant balader ses mots loin des chemins battus de l’édition, Pierre Lemaitre n’est pas de ceux qui se contentent de reproduire des schémas tout faits. Ses romans policiers, ainsi, utilisent, de manière normale et évidente, les codes du genre (crime, enquête, découverte du coupable…). Mais ils les détournent, il les triture, et ils les mélangent. Ainsi, dans ce « Rosie », on connaît très vite le coupable… Et tout le roman, comme tout l’album, se construisent autour de la recherche, non pas de LA vérité, mais d’une explication qui puisse satisfaire cette vérité…
L’intrigue de cet album a tout ce qu’il faut pour être spectaculaire, et elle l’est grâce au dessin  de Corboz, qui suit avec vivacité et efficacité un scénario plein de zones d’ombre: un jeune homme fait sauter des bombes, se constitue prisonnier en disant qu’il en a placé d’autres. Et, pour éviter les explosions promises, il demande qu’on libère de prison sa mère…. Sa mère, accusée d’avoir tué sa fiancée !


Brigade Verhoeven © Rue De Sèvres

 

A partir de ce canevas, différentes explications peuvent exister, et plusieurs d’entre elles sont abordées au fil des pages… Mais ne vous attendez pas, avec les auteurs de cet album, à du convenu, loin s’en faut ! C’est bien plus l’approche psychologique qui intéressait Lemaitre dans son roman, c’est également ce qui motive le scénariste et le dessinateur de cet album sans temps mort.
Et puis, et surtout sans doute, c’est la figure du commandant Verhoeven qui construit véritablement ce livre, qui en est le pivot, le centre de gravité.
Verhoeven, petit, chauve, binoclard, est un de ces flics à placer à mi-chemin entre Burma, Wallander et Adamsberg. Il a un côté intello déphasé, un côté surréaliste, un côté instinctif, un côté « chef » aussi, vis-à-vis de tous les membres de sa brigade, un côté romantique, également, au feu de sa vie privée.

Brigade Verhoeven © Rue De Sèvres

 

Le scénario, donc, est fidèle à l’esprit du livre originel. Il n’évite pas quelques raccourcis, mais ne s’écarte jamais du « style », au sens large du terme, de l’écrivain, ni même de son rythme.
Le dessin aurait pu être profondément réaliste, et il n’en est rien… On se trouve plutôt en face d’un semi-réalisme, un peu dans la filiation de Tardi. Un graphisme qui rappelle aussi la construction, le découpage de certains comics. Mais un dessin, surtout, qui place au centre de tout les physionomies des protagonistes, leurs expressions, qu’elles soient de colère ou de dégoût, d’amusement ou de doute.
Les couleurs, que je pourrais presque qualifier de « grisaille » même si la palette des coloristes est étendue, participent pleinement au sens même de l’intrigue racontée ici : tout est, en fait, en demi-teintes, comme peut l’être l’âme humaine quand elle se trouve confrontée à ses propres distorsions…


Brigade Verhoeven © Rue De Sèvres

 

Pierre Lemaitre est de ces écrivains capables d’accrocher un lecteur dès les premières lignes, à l’instar de Malet, de Pennac, de Vargas, ou de Aspe.
Bertho et Corboz ont réussi le pari, en prenant comme héros ce flic qui dessine (comme Adamsberg, encore…), d’être passionnants dès les premières vignettes.
Je n’ai donc qu’une seule envie, après avoir refermé cet album : qu’il ne soit que le début d’une série !… Et de vous en conseiller, ardemment, la lecture!…

Jacques Schraûwen
Brigade Verhoeven : 1. Rosie (d’après le roman de Pierre Lemaitre – dessin : Yannick Corboz – scénario : Pascal Bertho – éditeur : Rue De Sèvres)

Brigade Verhoeven © Rue De Sèvres