Du 24 au 27 janvier, Angoulème redevient la capitale du neuvième art. Cette grand-messe attire depuis 1974 à la fois les amoureux de la bande dessinée et les auteurs qui la font vivre. Mais d’année en année, les polémiques se multiplient, il faut le reconnaître ! Et c’est là la raison pour laquelle certains ont décidé de ne pas -ou plus- y aller !
Parmi ces » réfractaires « , il y eut pendant des années des auteurs de bd » populaire « , comme Lambil ou Cauvin, par exemple. La grand-messe qu’est Angoulème, reconnaissons-le, n’a pas toujours, loin s‘en faut, beaucoup apprécié une certaine bande dessinée ne correspondant pas aux codes d’une envie d’intellectualisme affichée par les donneurs de récompenses !
Et aujourd’hui, c’est Jean Dufaux, scénariste belge particulièrement talentueux et prolifique, qui, sur les réseaux sociaux, a annoncé sa décision de ne plus se rendre à Angoulème, un festival dans lequel il ne se reconnaît pas ! Mais qu’il ne renie pas pour autant…
Il est vrai qu’en regardant la liste des grands prix, on ne trouve aucun scénariste… Un peu comme si la bd n’était que graphique, et que le texte n’avait aucune importance !
Il est vrai aussi que l’immense majorité des grands prix a été décernée à des auteurs français. Ce n’est que depuis sept ans que ce festival cherche (enfin) à justifier son rôle » international » annoncé.
Pour être tout à fait objectif, reconnaissons quand même que bien des grands prix ont récompensé des auteurs importants : Schuiten, Hermann, Spiegelman, Cestac, Morris, Pratt… Corben, aussi… et quelques autres encore, comme Boucq, ou Forest, Franquin, Eisner ou Jijé… Et j’en oublie !
Mais force est de reconnaître également que bien d’autres grands prix, qui ont provoqué l’ire de pas mal de festivaliers en leur temps, d’ailleurs, semblent être affaire plus de copinage que de qualité. (Des choix présents aussi, et plus peut-être, dans l’attribution des autres prix!…)
On me rétorquera que c’est là une question de goût… Sans doute, mais pas seulement… Surtout au vu de toutes celles et de tous ceux, justement, qui n’ont pas eu ce grand prix : Goetzinger, par exemple, et Rosinsky… Ou Goscinny, scénariste sans lequel la BD n’aurait jamais été ce qu’elle est aujourd’hui ! Mais c’est vrai, aussi, que Goscinny n’était qu’un homme de mots !
Cela dit, comme le dit Jean Dufaux, un festival comme Angoulème se doit d’exister. Peut-être devrait-il revoir sa copie quant à l’attribution de ses (grands) prix, certes. Mais il est important que ce festival résiste au temps qui passe, comme tous les festivals, comme les libraires passionnés qui ne se content pas d’être des marchands de livres. Oui, il est important qu’Angoulème continue ou recommence à mettre en évidence des auteurs essentiels du neuvième art, dans tous les domaines de la création bd!
La bande dessinée est un art… Elle est aussi un regard, immédiat, sur notre monde… Et elle a tout à gagner à être acceptée dans tout son éclectisme par ceux qui se veulent ses représentants intellectuels et analystes !
La bande dessinée est un plaisir… Il faut qu’elle soit reconnue comme telle, même à Angoulème ! Et que ce festival soit une grand-messe, sans que s’y agglutinent essentiellement des marchands du temple ! Et que puissent s’y retrouver des créateurs comme Jean Dufaux, à qui on doit, entre autres, l’extraordinaire série « Murena »!
Jacques Schraûwen