J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer ce dessinateur (belge) d’un réalisme presque magique… Un auteur à ne pas oublier !
S’il est vrai que, ces dernières années, Claude Renard avait disparu du monde de l’édition BD, il ne faut surtout pas oublier et son talent, et son rôle important dans l’évolution de la bd des années 70.
Il avait un petit peu plus de 70 ans, et avec lui c’est un « neuvième rêve » qui s’enfonce un peu plus dans l’ombre du passé.
A l’instar de son « complice » Schuiten, Claude Renard fut éclectique, puisqu’il toucha, bien sûr, à la bande dessinée, comme auteur et comme «professeur», mais aussi à l’illustration, à la scénographie, à la mise en scène, à l’élaboration de costumes, pour Franco Dragone entre autres… ou pour Just Jaeckin, au cinéma !
Je l’ai rencontré il y a deux ans, à l’occasion d’une très belle exposition dans une galerie d’art bruxelloise, Champaka, que je vous invite à découvrir si vous ne la connaissez pas…
Tout comme je vous invite à redécouvrir son travail en allant voir ci-après, la chronique qu’alors je lui avais consacrée…
Jacques Schraûwen
Aux Vents Salins : une exposition de Claude Renard, du 8 au 30 septembre 2017
Cimetières de bateaux enfouis dans la vase, offerts aux vents venus du large, carcasses de bois et de métal… Telles sont les œuvres que Claude Renard expose à Bruxelles, aux cimaises de la galerie Champaka.
Claude Renard appartient à l’univers de la bande dessinée dans ce qu’il a de plus innovant, de plus talentueux aussi. En une époque lointaine où la bd se débattait entre le délassement pur et l’ouverture à un monde plus adulte, avec toutes les dérives qui en furent les conséquences, en une époque où les penseurs commençaient à comprendre que la bd possédait un langage propre, Claude Renard fut un pédagogue essentiel. Un » prof « , oui, qui nous fit découvrir, à nous jeunes lecteurs des années 70, des auteurs nouveaux qui nous offrirent des rêves neuvièmes envoûtants et passionnants.
Le Neuvième Rêve, cette revue éphémère dont Claude Renard fut le maître d’œuvre, accueillit ainsi les premiers travaux, qui n’avaient déjà plus rien de balbutiant, de Schuiten, ou Sokal, de Berthet et de bien d’autres…
Dans la foulée de ces découvertes, Claude Renard se fit également dessinateur, avec Schuiten entre autres, pour des albums qui restent importants, sans aucun doute, dans la grande histoire de la Bande dessinée. Mais cela fait bien longtemps que Claude Renard s’est éloigné du neuvième art, au profit de l’illustration, un art où il brille par la précision de son trait, par la poésie de ses réalismes.
Et c’est donc cet aspect-là que vous pouvez découvrir en poussant la porte de la galerie Champaka à Bruxelles.
Les vents salins sont ces vents qui, venus de l’ailleurs des océans, minent et creusent inexorablement les restes de bateaux échoués, silencieux et soumis aux forces du temps, sur les plages de la Bretagne et d’ailleurs…
Les vents salins, en regardant les dessins de Claude Renard, on les entend presque, on les voit pratiquement bouger et faire bouger, et faire crisser, et faire frémir les mâts et les chaînes, la rouille et la destruction.
Lorsqu’on parle d’exposition consacrée à la mer, on pense, bien évidemment, au voyage. Avec Claude Renard, c’est à l’envers que tout se passe. Les voyages sont finis, et ne restent que les épaves des rêves sans doute vécus au fil des vagues, en d’autres moments, en d’autres lieux. L’humain n’a plus sa place dans ce magma à la fois informe et presque sensuel que sont ces vieux bateaux oublieux définitivement des songes à qui ils donnèrent un jour existence.
Ce pourrait être une exposition sombre, faite d’amertume, de nostalgie sans sourire, mais il n’en est rien. Parce que, même sans humains, les dessins de Claude Renard sont vivants… Parce que, même sans couleurs, ils entament, chacun, un dialogue avec le spectateur qui, dans le silence de la découverte, peut voyager, à son tour, et imaginer aux noirs et blancs accrochés aux murs les couleurs de ses propres évasions…
Claude Renard est un artiste discret. Un artiste dans les œuvres duquel vous pouvez, dès aujourd’hui, vous plonger… L’exposition qui est sienne est tranquille, sereine, et, nous montrant des paysages décharnés, ses dessins sont aussi des espoirs de nouveaux voyages…
Jacques Schraûwen
Aux Vents Salins : une exposition de Claude Renard, du 8 au 30 septembre 2017 (Galerie Champaka – Rue Ernest Allard 27, 1000 Bruxelles)