Permaculture et OGM pour une bd virevoltante et gentiment militante!
Wauter Mannaert est végétarien. Il est donc, incontestablement, dans l’air du temps, selon l’expression consacrée. Mais son livre n’a rien de carré : c’est, selon ses propres dires, un livre rigolo, à savourer sans arrière-pensée, même si son propos fait réfléchir !
En pleine ville, Yasmina a une passion : préparer des bons plats, dans lesquels le légume est roi. Des plats que savoure son père, qui a bien du mal à nouer les deux bouts. Yasmina s’approvisionne chez deux amis, Cyrille et Marco, deux maraîchers dont les méthodes de culture s’opposent ! Elle-même s’occupe de cueillir des plantes sauvages qui agrémentent ses inventions culinaires. Et quand un ingrédient lui manque, elle ne fait ni une ni deux, et s’introduit dans le potager de sa voisine du haut, un potager entre ciel et terre !
Et puis, un jour, apparaît dans ce paysage urbain mêlé de campagne un industriel, Tom de Perre (jolie contrepèterie !…). Un industriel qui empêche Cyrille et Marco de continuer leurs cultures, un industriel, surtout, qui inonde le marché alimentaire de patates sous toutes les formes possibles. Des patates, aussi, surtout, qui exercent, dès la première bouchée, une véritable addiction sur tous les consommateurs !
Yasmina, pour pouvoir continuer à être inventive dans sa cuisine, va donc devoir se lancer dans une vraie enquête policière pour empêcher la patate d’envahir l’humanité !
Pour construire son scénario, endiablé, enjoué, Wauter Mannaert a puisé ses idées, tout simplement, dans le quotidien, dans l’actualité.
Le sujet, reconnaissons-le, est sensible. Et » nourrit » quelques extrémismes, de nos jours, qui sont d’une totale intolérance, reconnaissons-le aussi ! Mais Wauter Mannaert n’a vraiment pas voulu faire un livre tristement militant. Et c’est pourquoi sa construction narrative joue d’abord avec les codes habituels de la comédie : des personnages bien typés, une héroïne jeune et dynamique, deux compères qui sont un peu les « Laurel et Hardy » du récit, et un grand méchant totalement caricatural !
Cela dit, Wauter Mannaert est Belge… Habitant d’un petit pays aux mille divisions, d’un petit pays dans lequel ont fleuri des courants littéraires et artistiques essentiels, comme le surréalisme et le fantastique, cet auteur ne pouvait pas renier son appartenance à cet univers de dérision décalée qui est le nôtre ! Il y a donc bien du fantastique dans son scénario, un peu outrancier, forcément surréaliste, de manière à rendre l’histoire racontée improbable mais totalement » rigolote « , selon les propres mots de ce jeune auteur talentueux… Et donc, apte à faire sourire tous les publics !
C’est une bande dessinée à la fois urbaine et campagnarde, comme je le disais plus haut. Et il est vrai qu’à Bruxelles existent encore quelques quartiers qui réussissent à mélanger ces deux mondes. Et ainsi, pour son dessin, Wauter Mannaert n’a pas eu besoin d’aller chercher bien loin. Ce sont les endroits proches de chez lui et les gens qu’il croise tous les jours qui, comme il le dit, ont inspiré ses dessins, ses décors comme ses personnages !
Je ne suis pas végétarien… Je suis « carnassier », et je le revendique… J’ai donc eu un peu d’appréhension en ouvrant cet album, je me dois de l’avouer, avec la peur, oui, de me plonger dans un livre au militantisme frontal, un livre vantant les seuls mérites du légume !
Eh bien, il n’en est rien !
Cet album de bd est virevoltant, son graphisme vif et « rapide », immédiat comme le sont les dessins de blogs, est efficace et plein de charme. Son scénario est sans temps mort, didactique à certains moments, sans jamais oublier de faire sourire. L’ensemble forme un livre véritablement « tous publics », qui peut faire réfléchir, qui montre, surtout, que les choix de chacun, en guise de nourriture comme de convictions quotidiennes, n’ont pas à interférer avec la tolérance et l’humanisme !…
Un très agréable livre, donc, que je ne peux que vous conseiller, à toutes et à tous !
Jacques Schraûwen
Yasmina et les Mangeurs de patates (auteur : Wauter Mannaert – éditeur : Dargaud)