Deux albums SF aux portraits résolument humains!
Dans l’univers de la science-fiction, le meilleur côtoie souvent le pire… Voici un choix de deux livres que j’ai aimé découvrir, tous deux écrits et dessinés à hauteur humaine…
Hot Space : 1. Crash Program (auteur : Le Pixx – couleurs : Véra Daviet – éditeur : Kamiti)
Voici un nouvel éditeur… Voici une histoire de vraie science-fiction, presque à l’ancienne, avec un vocabulaire qui, de bout en bout, a d’incontestables connotations scientifiques.
Le thème central n’est pas particulièrement original, sans doute : aux confins de l’univers, une petite planète jusque là sans intérêt devient un enjeu de pouvoir. Une jeune pilote, Nohraïa, va servir d’alibi à une invasion… Seulement, cette jeune femme ne manque pas de ressources, et ne va vraiment pas se laisser faire !
L’originalité réside d’une part dans la construction de ce livre : un peu confuse parfois, mais refusant délibérément l’unité de lieu, et usant, lorsque c’est nécessaire, de flash-back pour (re)donner de la clarté au récit. Et, d’autre part, dans le choix des personnages centraux.
C’est un album de SF, mais un album dont les héros sont exclusivement des héroïnes, un album dans lequel les hommes ne sont que secondaires, et, le plus souvent, des » méchants « … Il y a Nohraïa, il y a la scientifique Spector, il y a l’autochtone, Haesvree. Ce sont elles, et elles seules, qui vont avoir à livrer bataille contre la dictature !
Les références à la planète Terre sont nombreuses, évidemment, et cette démarche narrative appartient pleinement aux codes de la science-fiction. A ce titre, j’insiste, d’ailleurs : on est bien dans la sf, et pas du tout dans de la Fantasy ! C’est donc bien à partir de notre monde connu que se construisent les péripéties de l’histoire qui nous est racontée. Et la femme n’a rien, ici, d’une pin-up affolante !
Mais Le Pixx choisit aussi d’user d’autres codes, et on a affaire, en quelque sorte, à un western galactique, à de la SF politique aussi.
Et, de ci de là, on a droit à quelques moments d’humour, à des instants de pure violence, à une sorte de poésie, aussi, puisque la mort y devient une étoile filante…
On peut regretter, par contre, des raccourcis trop prononcés, des personnages qui ne sont pas toujours faciles, graphiquement, à reconnaître. Mais Véra Daviet, la coloriste, avec des couleurs simples, sans fioritures, réussit par sa palette à accentuer les détails, à les mettre en évidence, de manière à ce qu’on puisse plus facilement différencier chaque protagoniste.
C’est un premier album, l’initiale d’une série. Et, ma foi, malgré mes quelques réticences portées à l’encontre de la narration, qu’elle soit celle des mots ou celle des dessins, j’ai pris plaisir à entrer dans cet espace chaud… Un livre de femmes qui se refuse à tout machisme. Et j’ai l’espoir que la suite de cette histoire à la fois humaine et intersidérale permettra au lecteur que je suis de mieux découvrir encore les émotions et les espérances des héroïnes de » Hot Space » !
Hope One : tome 1 (auteur : ‘Fane – couleurs : Isabelle Rabarot – éditeur : Comix Buro)
2020… Megan, une jeune femme aux cheveux blonds, se réveille dans un vaisseau spatial. Un vaisseau dans lequel ils ne sont que deux. Elle et un homme, qui se prénomme Adam.
Un homme qui dit, tout simplement, à Megan, qu’elle vient de se réveiller d’un sommeil long de 49 ans !
Petit à petit, les explications sont données de cette situation extrême. On parle de guerre nucléaire, de tentative de sauver la race humaine en envoyant différents vaisseaux en orbite autour de la terre, tous destinés à y retourner dès que possible, tous habités de binômes humains.
Mais ces explications se heurtent, pour Mégan, à un mur d’incompréhension, à l’amnésie de tout ce qu’elle fut, à la douleur de ne plus pouvoir se (re)connaître.
C’est donc à un véritable huis-clos qu’on assiste, lecteurs-spectateurs, avec ce livre. Un face-à-face entre un homme charmant, qui soigne (ou pas…) une femme qui ne réussit pas à se retrouver, un homme qui, sans doute, profite charnellement de cette compagne sans mémoire. Un huis-clos qui ne peut, on le sent, on le sait, que s’ouvrir à la violence… A la nécessité de nier le néant qui semble n’être que la seule règle de vie qui reste à nos deux personnages. Un huis-clos qui, de silence en hurlement de terreur, de faux-semblant en ambiguïté presque malsaine, se termine par une fuite vers le second tome, à paraître (j’espère !) bientôt !
‘Fane, l’auteur, a été à bonne école, du point de vue du scénario, avec Perna. Il sait construire une histoire passionnante, y laisser ces parts de mystère qui, toujours, dans un récit, créent le rythme et accentuent l’attention du lecteur. Son dessin, souple et expressif, est véritablement personnel. Et ses pages peuvent tantôt se construire autour des dialogues, tantôt refuser tout mot pour ne laisser parler que le graphisme. Le graphisme, et la couleur… Isabelle Rabarot réussit des prodiges, dans ce livre ! On ne peut qu’admirer, par exemple, sa manière de donner vie, par ses couleurs, à des explosions de lumière…
De l’excellente SF, donc… Même si, peut-être, finalement, cela n’en est pas !… Vivement la suite !
Deux livres différents, deux manières presque opposées de raconter une histoire. Avec un point commun, par contre, qui mérite le détour, pour tous deux : la volonté de nous offrir un récit à hauteur d’homme !
Jacques Schraûwen