Une adolescence gay au soleil de l’Espagne
Un livre ancré dans la réalité d’aujourd’hui… Un livre tout en nostalgie, tout en tolérance, tout en espérance… Il est sorti il y a quelques mois, mais je pense, et je penserai toujours, qu’il faut laisser le temps aux bons livres de se faire connaitre !
Est-il possible de redonner vie à son passé, de dépasser la nostalgie pour retrouver, simplement, les sensations et les émois, souvent tus, de son enfance ?…
Il y a vingt ans, Dani faisait ses premières photos pendant ses vacances le long de la mer. Il y a vingt ans, Dani se préparait à quitter l’enfance, en vivant une amitié dont il ne comprenait pas le sens, en découvrant le sens premier du mot « différence ». Et aujourd’hui, photographe reconnu, il s’apprête à se marier, avec Alex. Mais il veut, d’abord, retrouver ce lieu du passé, et refaire les mêmes photos aux mêmes endroits. Pour exorciser le temps qui passe ? Pour ne pas oublier ? Par fidélité à ce qu’il fut ? A ce qu’il est ? Autant de questions qui sont, toujours, celles de toutes les nostalgies humaines…
Mais plonger dans son enfance, dans ce pays étrange qui vit le présent sans chercher à l’analyser, c’est aussi se plonger dans le regret. L’amitié que Dani a vécue, enfant, adolescent, dans une cité balnéaire ensoleillée de soleil et de vacances insouciantes, cette amitié lui avait comprendre, inconsciemment d’abord, sa propre différence, son homosexualité… Cette amitié, même en ne se nourrissant d’aucun aveu, a ainsi construit sa vie adulte, son futur mariage d’aujourd’hui. Mais cette amitié, aussi, avait été celle d’un serment de se retrouver, de se revoir, un serment que Dani n’a jamais tenu… Jusqu’à ce retour, dicté bien plus par une volonté de fidélité à une promesse qu’à un alibi professionnel. Un retour, dicté aussi, par ses hésitations à prendre, officiellement, un engagement qui lui fait peur.
Ce livre, d’un graphisme efficace, très personnel aussi (avec, comme signe distinctif, la taille des oreilles de tous les personnages…), mélange habilement passé et présent. Il est construit à la fois comme un roman, par chapitres, et comme une illustration, en parallèle, des photos représentées par des transparents qui, ainsi, deviennent narrativement le lien entre hier et aujourd’hui.
La couleur, également, joue le jeu de l’apparence, de la mémoire, de la nostalgie.
Le sujet, de prime abord, pourrait n’être que celui de l’homosexualité qui, pour devenir moteur d’existence, se doit d’être assumée pleinement. Mais, au-delà de ce premier axe de lecture, on se retrouve ici dans un regard bien plus universel : celui de l’enfant, qui ne pense pas au futur, celui de l’adulte, de ses angoisses, de ses démissions, de se trahisons, de ses remords et de ses regrets. Et il y a aussi le regard sur l’engagement, tout simplement, dans l’art comme dans la vie.
Et il y a aussi et surtout une attention presque poétique, portée de bout en bout, au sentiment, celui de l’amour, au sens le plus large du terme, celui du partage, celui du temps qui passe et qui peut ne rien détruire finalement, même si le réel change d’apparence…
Ce « Dernier des étés » est à classer dans la catégorie des romans graphiques… réussis ! Il y a du rythme, celui d’une lenteur assumée qui est celle, justement, d’une nostalgie qui se doit de se transformer en vécu « positif ».
Un album à découvrir pour la simplicité et l’évidence de son message de tolérance…
Jacques Schraûwen
Le Dernier Des Étés (auteur : Alfonso Casas – éditeur : Editions Paquet – 180 pages – Parution 2019)