J’aime, de temps à autre, revenir à des livres qui ne font pas l’actualité. Parce qu’ils m’ont plu, parce qu’il me semble qu’ils devraient reprendre vie sur les étals des libraires. Et c’est pourquoi, aujourd’hui, je vous parlerai de la série Tango, dont, très certainement, un nouvel opus va bientôt paraître !
Avec Tango, on se trouve dans ce qu’on peut appeler de la bd classique : un scénario bien mené, avec ce qu’il faut de suspense, de rebondissements, avec, surtout, des personnages qui « tiennent la route » et ne se perdent pas en chemin en perdant en même temps le lecteur. Avec, en même temps, un dessin qui, réaliste, conduit le lecteur dans un univers d’aventures tout en l’étonnant, voire même tout en l’éblouissant ici et là.
Les personnages axiaux de ce deuxième album des aventures de Tango s’ancrent totalement dans les codes de la bd classique, des codes nés, d’ailleurs, du cinéma. Il y a le héros, beau, solide, il y a son compagnon, bougon, plus âgé même s’il n’est pas toujours plus réfléchi. Et ces deux «héros », dans ce « Sable Rouge », vont devoir quitter le paradis douillet d’une île paradisiaque pour venger la mort d’un ami. Et ils vont se retrouver ainsi en lutte ouverte avec des trafiquants qui veulent occuper «leur » île.
Pour Tango, la violence ne peut qu’engendrer la violence. Mais la grande caractéristique de ce livre-ci, c’est de ne pas faire de cette violence le moteur du récit mais, tout au contraire, de la montrer comme un élément parmi d’autres d’une histoire s’intéressant avant tout à l’être humain, sous toutes ses formes, avec toutes ses qualités, tous ses mystères, tous ses abandons, toutes ses failles.
Et pour ce faire, pour atteindre ce but de créer une narration dynamique et intimiste en même temps, le récit s’agence autour d’un élément essentiel : le décor, l’environnement ! C’est un paradis de carte postale que nous montre Philippe Xavier, que nous raconte Matz. Un paradis de lumière, de lumières plurielles, même, tant il est vrai que es teintes du ciel comme de l’océan changent d’heure en heure. Et Matz et Xavier ont pu compter sur l’incontestable talent de Jean-Jacques Chagnaud, dont les couleurs, lumineuses à souhait, deviennent au fil des pages une sorte de fil conducteur, une forme même de trame en chapitres.
Tango reste fidèle à lui-même, à ce qu’on en a découvert dans le premier album de ses aventures, de ses exploits. Un être ambigu, dont le passé, peu à peu, se révèle sans pour autant tout dire de ce qu’il fut, de ce qu’il fuit. Un être, également, et surtout même, pétri de valeurs classiques elles aussi, la famille, l’amitié, le sens de l’honneur et de la parole donnée.
C’est d’ailleurs ce qui caractérise depuis toujours, ou presque, le travail de Philippe Xavier, que ce soit lorsqu’il parle de Moyen-Age, lorsqu’il s’enfouit dans un univers ésotérique : il a besoin de se mettre à hauteur de ses personnages, de leur donner de la consistance, de la chair autant que de du sentiment.
Une voix off, d’ailleurs, est là pour accompagner, en propos tranquilles, les méandres de la narration, et pour remettre tout le temps les protagonistes face à leurs dérives et à leurs possibles.
Pour pouvoir avoir un avenir, Tango se doit d’avoir un passé…Un passé qu’il va devoir assumer, un jour ou l’autre, on le sent, on le sait. Et si c’est de pessimisme qu’il s’agit, de part en part, et de violence, et de mort, c’est aussi d’espérance que se nourrit ce livre, un livre qui parle de la rencontre, mais aussi de la solitude, et de son absence totale d’ennui !
Une autre caractéristique du dessin de Philippe Xavier, c’est le talent qu’il a, dans la lignée d’un William Vance, c’est l’attention (et la beauté) qu’il porte à dessiner les visages (et les corps) féminins. Il y a chez lui, toujours, l’œil d’un amoureux de la féminité. Mais, ici, cet œil se fait également proche de l’âge… Là où, le plus souvent, les femmes d’un certain âge sont représentées sans charmes, ou, tout au contraire, outrancières dans leurs tenues, Philippe Xavier, ici, dessine avec bien plus que de la tendresse un des personnages de son histoire. Comme pour dire que toutes les saisons de la vie possèdent leurs printemps… Sous sa plume, la maturité féminine devient une part de ce paradis dans lequel Tango vit ses aventures…
Une nouveauté également, dans la manière que Philippe Xavier a de raconte une histoire, c’est la volonté qu’il a eue, toujours pour que son récit soit à taille humaine, de nous montrer des gens souriants, heureux, amusés. J’ai été étonné, et finalement séduit, par les rires qui se baladent, un peu partout, tout au long du récit.
Tango ?…. Une série réaliste et classique, avec une mise en scène sans faiblesse, avec un jeu de champs, contre-champs, plongées, contre-plongées très cinématographiques. Une série d’aventures passionnantes… Une série qui met en scène des personnages « entiers » et intéressants.
Tango ?… Une série de polar touristique, comme le dit lui-même Philippe Xavier, qui devrait plaire au plus grand nombre !
Jacques Schraûwen
Tango : 2. Sable Rouge (dessin : Philippe Xavier – scénario : Matz et Philippe Xavier – couleur : Jean-Jacques Chagnaud – éditeur : Le Lombard – 70 pages – paru en octobre 2018)