Jacques de Loustal est un auteur éclectique, certes, puisqu’il est autant, voire plus, illustrateur qu’auteur de bd, auteur de carnets de voyages comme de photos ou de livres pour jeune public… Et c’est une double actualité qui est la sienne aujourd’hui !
Bijou (dessin : Loustal, texte : Fred Bernard – éditeur : Casterman – 69 pages – parution : juillet 2019)
Deux dessins par page, qui accompagnent et complètent deux petites textes de Fed Bernard : une osmose entre deux auteurs pour nous raconter l’histoire d’un diamant qui se mêle à l’Histoire du vingtième siècle.
Nous ne sommes donc pas dans l’univers pur de la bande dessinée, ou alors dans un retour aux prémices de ce qu’elle fut au temps, par exemple, des images d’Epinal. Pas de « bulles », mais un récit dans lequel le dessin n’est pas la simple continuité du texte, dans lequel le texte n’est pas le simple support du dessin ! La narration en ressort grandie, et d’une belle efficacité !
Même si le dessin de Loustal appartient à ce qu’on peut appeler la « Ligne Claire », par la netteté des contours, par la mise en couleur faite de manière simple et homogène, il s’en différencie cependant par toute l’attention que Loustal porte à la fois aux expressions des visages et à l’importance des décors. Des décors qui, ici, dans ce livre, occupent une place prépondérante, puisque ce sont eux, d’une certaine manière, qui font évoluer l’histoire qui nous est racontée.
Un diamant est découvert par un ami de Jack London, à l’aube du vingtième siècle. Et cet objet de luxe va passer de main en main, de mort en mort, jusqu’à l’annonce du décès d’Alain Bashung, l’auteur de la chanson « Bijou »
Le thème de ce récit n’est pas neuf, c’est vrai. Mais sa construction, ici, en fait une fable lumineuse, merveilleusement colorée, une fable qui nous parle de la mort, de l’ambition, de la coïncidence… Une fable qui nous dit que la grande Histoire n’est peut-être qu’une succession de hasards et de jeux culturels emmêlés. Une fable dans laquelle l’idée prime sans cesse sur le réalisme, créant ainsi, dans un tissu narratif très littéraire, une histoire de néant peuplé d’un expressionnisme puissant.
Loustal illustre Simenon : une exposition jusqu’au 19 octobre 2019 à « HUBERTY & BREYNE GALLERY » 33, Place du Châtelain – 1050 BRUXELLES
Dans ce lieu spacieux, lumineux, je vous invite à aller voir de tout près le travail d’illustrateur de Loustal. Un illustrateur amoureux, depuis des années déjà, de l’œuvre du Belge Simenon. Et sur les murs de la galerie Huberty & Breyne, vous verrez ainsi que Loustal, maître d’une couleur parfois très « flash », peut également prendre un vrai plaisir au noir et blanc, au crayon, s’éloignant ainsi très fort de cette fameuse Ligne Claire à laquelle on le rattache le plus souvent.
Le style de Loustal, je le disais, est reconnaissable au premier coup d’œil. Souvent imité, cet auteur inclassable aime la vie, l’Histoire, l’être humain, dans tout ce qu’il peut posséder de contradictions, de terreurs, de routines, d’horreurs. L’univers qui est le sien, un univers de disproportions évidentes, et celui de Simenon, un univers de faux-semblants, ne pouvaient que se rencontrer, et se mêler. Ce sont ces deux univers-là que vous pouvez découvrir aux cimaises de cette galerie bruxelloise.
Loustal fait partie de ces auteurs qu’on peut aimer au premier regard, ou dans l’univers desquels, tout au contraire, on ne réussit pas à pénétrer.
Mais il fait partie intégrante de l’Art, au sens le plus large du terme, et sa double actualité devrait vous pousser, si ce n’est pas encore le cas, à le découvrir, à trouver chez lui des miroirs parfois déformants de nos mille réalités…
Jacques Schraûwen