Focus sur les Français de la légion Charlemagne !
En cette année où se multiplient, en commémorations de tout genre, les souvenances de la guerre 40/45, voici un livre qui, étonnamment, s’intéresse à des militaires français qui avaient choisi le camp allemand…
La mémoire ne peut être ni partiale, ni partielle, et la guerre, de quelque côté qu’on la regarde, n’est et ne sera jamais qu’une horreur !
Depuis la fin de cette guerre qui, qu’on le veuille ou non, continue à influencer notre présent, la manière d’en parler, de la montrer, a terriblement évolué.
Il y a eu d’abord la nécessité, bien humaine, de parler d’héroïsme, de courage, de caricaturer en fait, avec les meilleures intentions du monde, les « bons » et les « méchants ». Les « bons » étant les vainqueurs, les méchants étant à l’image des pires des vaincus, ceux qui arboraient le « double s » sur leur uniforme.
Il y a eu ensuite, dans la littérature comme dans le cinéma, des œuvres plus construites, moins subjectives. Des œuvres nous montrant, de ci de là, comme dans « Le jour le plus long », des militaires allemands subissant, eux aussi, l’inacceptable d’un conflit qui dépassait les notions essentielles de « liberté » et s’aventurait dans les méandres de convictions autoritaires, pseudo-philosophiques, totalement égocentristes, terriblement économiques.
Et puis, il y a eu, enfin, des films et des livres qui ont osé nous montrer l’envers du miroir du « politiquement correct ». Je pense à « Abattoir 5 », roman exceptionnel, film extraordinaire également. Je pense surtout au livre et au film : « Le Pont », nous montrant, avec une pudeur exceptionnelle mais d’une puissance rarement vue au cinéma. Manfred Gregor pour le roman et Bernhard Wicki pour son adaptation cinématographique, nous y montraient, avec une pudeur exceptionnelle et une puissance rarement vue au cinéma, la mort annoncée de jeunes hommes, très jeunes même, défendant un pont totalement inutile, face à l’assaut des Allliés.
Ici, avec cet album de bande dessinée, c’est un peu dans cette veine-là qu’on se trouve. On suit, tout simplement, l’arrivée à Berlin, en pleine débâcle, de cette fameuse légion Charlemagne, formée de Français « collaborateurs », de Français soucieux de se battre contre le bolchévisme plus que désireux de défendre Hitler, sans doute. Sujet délicat, s’il en est… Peut-on, aujourd’hui, nous montrer de manière positive ceux qu’on continue à appeler, dans les livres d’histoire, les collaborateurs, donc les traîtres ?
Probablement qu’on ne peut pas le faire, et ce pour d’excellentes raisons, de manière très évidente ! Et ce n’est d’ailleurs pas le sujet de ce livre. Un livre qui nous fait accompagner quelques militaires perdus dans une guerre qui, ils le sentent, n’a jamais été la leur, perdus et certains de trouver, dans cette capitale allemande qu’ils défendent contre les Russes, une mort sans gloire et sans utilité !
Michel Koeniguer, ainsi, se fait l‘auteur d’une fresque sans jugement, d’un album bd qui ressemble presque à un documentaire vu du mauvais côté de l’histoire. Son dessin, d’un réalisme très cinématographique, nous montre des hommes qui voient un monde s’écrouler. Leur monde… Leurs illusions… Et qui vivent leurs derniers moments humains en assistant à ce que la guerre peut avoir de plus répugnant, à savoir la négation de toute humanité, en prenant, par exemple, les civils comme cibles de toutes les horreurs !
Ce livre qui appelle une suite est une vraie réussite. Koeniguer réussit à nous parler d’humanisme au long d’une construction qui ressemble presque à une tragédie grecque. Et pour ce faire, il bénéficie de la mise en couleurs de Fabien Alquier, une mise en couleurs qui a parfaitement compris, de bout en bout, ce que devait être cet album, ce qui devait y transparaître comme ambiances.
Un livre à vraiment découvrir !
Jacques Schraûwen
Berlin Sera Notre Tombeau : 1. Neukölln (auteur : Michel Koeniguer – couleurs : Fabien Alquier – éditeur : Paquet – parution : juin 2019 – 48 pages)