Un petit village tranquille… Une mère célibataire et ses huit enfants… Des tartes aux épinards, de mystérieuses herbes… Et des aventures hilarantes et mouvementées !
Elle s’appelle Marie-Madeleine Madac Miremont, elle est ronde, souriante, heureuse malgré les soucis financiers qui l’assaillent. Pour agrémenter les quotidiens très variés de sa nombreuse progéniture, elle vend au marché des tartes aux épinards qu’elle confectionne elle-même. Seulement, ces tartes ne se vendent pas très bien. Jusqu’au jour, en tout cas, où arrive chez elle un paquet comprenant des herbes qu’elle ne connaît pas, et dont elle agrémente ses créations culinaires. Et la voilà lancée dans une activité lucrative, certes, mais qui va l’emmener dans des aventures policières dont elle se sort avec honneur, en aidant à démanteler une bande de trafiquants de drogue.
Voilà toute l’intrigue du premier volume qui ne se contentait pas de mettre en place des personnages hauts en couleurs, mais qui parvenait, en même temps, à créer une intrigue sans failles.
Et voici donc le grand retour de Marie-Madeleine, cette pécheresse fière de l’être ! Dans une aventure tout aussi échevelée, vécue à Londres, à l’ombre de quelques rugbymen particulièrement musclés, de quelques truands Géorgiens, d’un conducteur de taxi belge, d’un secrétaire d’Etat toujours prêt à rendre service, de ses huit enfants, d’une Queen à bousculer, d’une mégère qui tente de la faire chanter, Marie-Madeleine s’en sort avec fracas et bon sens !
Avec ces « Tartes aux épinards », on se retrouve dans une bande dessinée qui nous montre, même si ce n’est qu’en filigrane, le quotidien de gens « normaux »… Dans la lignée, en quelque sorte, des « Vieux Fourneaux » ou des « Beaux étés », le scénariste Philippe Pellaez nous montre à voir une femme qui n’a rien d’une bimbo, qui assume pleinement ses courbes parfaitement prononcées. En la plongeant dans des aventures policières pratiquement traditionnelles, il opère un changement de rythme, une modification des codes du polar, et réussit, de ce fait, à créer un univers totalement plausible. Totalement amoral, aussi, de cette morale dont Léo Ferré disait que l’emmerdant, c’est que c’est toujours la morale des autres.
Iconoclaste dans le regard qu’il porte sur quelques poncifs (la noblesse du rugby, la royauté, les super espions, décalé dans la façon dont il construit ses dialogues, cinématographique dans son découpage tout en vivacité, Philippe Pelaez se révèle un scénariste capable d’exceller dans bien des domaines.
Capable, surtout, de nous amuser en s’amusant lui-même. Un scénariste, en tout cas, qui possède un sens de l’humour omniprésent, avec des jeux de mots et des références en veux-tu en voilà !
Et son complice dessinateur, Javier Sánchez Casado s’en donne à cœur joie, lui aussi ! Il dessine, avec un talent qui n’est pas uniquement celui de la caricature, des vrais « caractères », des trognes, des expressions, des regards. Dans la silhouette tout en abondance de son héroïne, il se laisse aller à redécouvrir, en quelque sorte, ce qu’est la féminité lorsqu’elle se débarrasse des diktats de l’apparence.
Il y a dans son dessin une vraie justesse, à la fois dans le ton et à la fois dans ce qu’il représente. Dans ce deuxième volume, il laisse la couleur à Florent Daniel, dont les lumières, dans les ocres souvent, accompagnent à merveille les tribulations d’une Française en Grande-Bretagne !
Avec un prénom de grande pécheresse devant l’Éternel, Marie-Madeleine Madac Miremont réussit, en deux albums, à s’imposer comme une héroïne de tous les jours, une anti-super-woman, une femme qu’on pourrait croiser au coin de sa rue.
Et se plonger dans ses aventures, c’est passer un excellent moment, c’est sourire, s’amuser, rire même ! Depuis les Vieux Fourneaux, je pense que c’est la première création réussie d’un personnage humoristique complet, attachant, un peu anar, avide de bonheur et de liberté, et, surtout, « normal » !
Ces deux livres, vous l’aurez compris, m’ont énormément plu, et je pense qu’ils se doivent de trouver une bonne place dans vos prochaines lectures !
Jacques Schraûwen
Un Peu de Tarte aux Épinards – 2. Les épinards sont éternels (dessin : Javier Sánchez Casado – scénario : Philippe Pelaez – couleurs : Florent Daniel – éditeur : Casterman – 48 pages – février 2020)