Mortel

Humour noir avec la mort pour compagne…

La collection Pataquès, de chez Delcourt, aime ruer dans les brancards, avec un côté « sale gosse » réjouissant ! Et c’est bien le cas avec ce petit livre qui se lit la faux à la main !

Mortel © Delcourt/Pataquès

« Que serait la vie sans la mort ? »

« Que serait la mort sans le hasard ? »

« Que serait le désespoir sans l’humour ? »

Ne vous en faites pas, ces questions sont là, simplement, pour vous montrer quel est le canevas de ce livre qui rit et fait rire jaune. Pas question d’intellectualisme dans ce « Mortel », même si, malgré tout, l’aspect sociologique n’en est pas totalement absent !

Mortel © Delcourt/Pataquès

Ce sont cent manières de mourir que nous montre cet album, cent façons de perdre son combat contre la grande faucheuse, chaque combat perdu d’avance faisant l’objet d’une petite page de quatre dessins.

La mort revêt ici son apparence habituelle : visage d’os dans un capuchon sombre, orbites des yeux vides de tout regard, longue bure couleur de nuit, et sur l’épaule une faux usée par les siècles d‘usage intensif.

Mais elle devient, dans ce livre (comme chez Hardy et son Pierre Tombal), compagne de vie, compagne de quotidien de celles et ceux qu’elle va faire passer de vie à trépas.

Mortel © Delcourt/Pataquès

Elle n’est pas une envoyée d’un dieu quelconque. Elle est l’employée d’une administration dont elle ne connaît pas les rouages, une connaissance qui ne l’intéresse nullement, d’ailleurs. Elle est même mariée, elle a un mari, une fille. Elle devient ainsi le symbole d’une mort omniprésente que tout le monde redoute sans remarquer qu’elle est là, à nos côtés, sans arrêt.

Mais c’est d’abord avant tout un livre d’humour. De l’humour noir (ou jaune, ou rouge, ou blanc, à votre choix…). De l’humour qui fait sourire bien plus que rire, et encore, en grinçant des dents de temps à autre.

Mortel © Delcourt/Pataquès

Jeux de hasard se multiplient, dans ce petit ouvrage, jeux de rencontres, jeux d‘espérance, jeux à l’issue toujours connue. Et j’aime ce procédé narratif, utilisé par Midam, entre autres, qui fait que le lecteur connaît la fin, tout de suite, mais s’intéresse à la manière dont l’auteur va y arriver.

Les auteurs, parlons-en…

Le scénariste belge Marc Dubuisson aime, c’est une évidence, casser les codes, allers au-delà de la simple apparence, s’attaquer sans en avoir l’air au politiquement correct. Ses scénarios sont vifs, rapides, sans mots inutiles.

Le dessin de Thierry Martin, du coup, va à l’essentiel, sans chercher à éblouir par les décors, les angles de vue. Il est frontal, rapide, compréhensible et linéaire sans difficulté. IL adore jouer avec les mimiques de ses personnages et avec les couleurs qui donnent vie aux actions qu’il nous dessine.

Mortel © Delcourt/Pataquès

Un petit livre amusant, sans prétention, et, de ce fait, intéressant… Nous vivons une époque où l’intransigeance et le « sérieux » prennent le pouvoir, au détriment du plaisir et de la liberté de ton, et cela fait de cet album un objet intelligent, donc important !

Jacques Schraûwen

Mortel (dessin : Thierry Martin – scénario : Marc Dubuisson – éditeur : Delcourt/Pataquès – 104 pages – mars 2020)