L’enseignement est en danger : témoignages !
Remedium, l’auteur de ce livre A NE RATER SOUS AUCUN PRÉTEXTE, nous parle de qui devrait être un des métiers les plus essentiels de la civilisation, de toutes les civilisations, de toutes les sociétés. Et il le fait frontalement, de manière, on le sent, on le sait, vécue…
Remedium, l’auteur, est français. Cela ne signifie nullement que ce livre n’est le portrait que de l’enseignement hexagonal ! Pour avoir travaillé pendant dix-neuf ans dans une école, en Belgique, pour y avoir exercé le métier de « pion », qu’on appelait surveillant-éducateur, et qu’on doit sans doute aujourd’hui appeler d’une expression mensongère du genre « assistant d’éducation », j’ai pu assister « de l’intérieur » comme on dit, aux moyens humains et financiers rabotés, aux réformes que chaque nouveau ministre (et Dieu sait s’il y en a eu en Belgique !!!!) impose sans tenir compte du terrain que, par ailleurs, il ne connaît pas, aux difficultés de faire vivre des projets (certains de mes anciens collègues se souviendront de l’arrêt d’un ciné-club pour projection du film If), à la fonctionnarisation d’un métier qui devrait, d’abord, être une passion, par l’incompétence de pas mal de « décideurs »…
Donc, oui, ce livre n’est pas exclusivement réservé à la France. Remedium y livre 14 portraits, et ses propos, écrits simplement, simplement dessinés, sont des témoignages qui n’appartiennent nullement à la fiction. Ils sont la relation, presque froide, comme dans un procès-verbal, d’un malaise dont on parle peu, et mal…
Ce qu’il nous montre, c’est un univers qui n’a rien à envier à celui de « L’Employé » de Jacques Sternberg ou à celui du « Procès » de Kafka. C’est moins d’absurdité qu’il s’agit que de la hiérarchisation bureaucratique d’une profession qui se meurt de manque de liberté. De libertés plurielles…
Je le disais, ce livre est un recueil de portraits. Des petites histoires, humaines, tristes, désespérantes même parfois, mais qui sont la réalité vécue au jour le jour par des milliers d’enseignants en butte à l’inertie d’un pouvoir, d’une part, à la puissance de la rumeur, parfois, à la jalousie de ceux qui se sentent bien en suivant les ordres venus d’en haut…
14 portraits… Celui de Jean, d’abord, en ouverture, pour donner le ton, tout de suite. Un instituteur accusé mensongèrement de violences sur mineur et qui se verra harcelé par les parents des élèves dont il s’occupe. Un instituteur qui s’est suicidé et dont l’enterrement, après bien des tergiversations de « l’autorité » pourra être suivi par ses collègues…
Il y a le portrait de Christine Renon, également, directrice d’une école maternelle et se suicidant, elle aussi, le 21 septembre 2019. Avec, pour signature de son ultime lettre : « Christine Renon, directrice épuisée ».
Il y a aussi le portrait, totalement au vitriol, mais parfaitement documenté, d’un ministre qu’on a bien souvent vu, pendant cette pandémie, pérorer de télé en télé.
Remedium « attaque » tous azimuts, et dans les deux sens. Il met en évidence des enseignants détruits, désabusés, voire désespérés, par leurs collègues, parfois, par la hiérarchie toujours, par les parents démissionnaires, par celles et ceux qui savent bien qu’il n’y a pas de fumée sans feu, par l’administration scolaire qui fait penser à une construction proche de celle de l’URSS, par la médecine scolaire, incompétente, par les gestions « psychologiques » ridicules des événements exceptionnels comme un élève assassiné par son père…
Il nous montre aussi que cet abandon « officiel » et ce désespoir se vivent dans tous les milieux scolaires, ceux des « quartiers » comme ceux de la ruralité.
Et il le fait avec un dessin simple, frontal, sans décor, avec des visages qui expriment leurs souffrances du bout des yeux ou du bout des lèvres. Avec, aussi, symboliquement, le vide des visages de tous ceux qui, dans ce livre, représentent l’autorité… la hiérarchie… l’omnipotence de la politique, en fait !
Et on le sent, lui aussi, en porte-à-faux par rapport à son métier d’instituteur (un des portraits, sans doute, est le sien…). Avec cette phrase, au détour d’une page, qui résume à la fois la volonté de pas mal d’enseignants de se battre et la triste certitude qu’ils ont de le faire contre un monde politicien qui n’est plus que doctrinaire : « Un mort pour rien, un mort de plus ».
La bande dessinée se doit, je pense, d’être aussi le reflet de son époque et, ce faisant, de se faire cri, de colère, de désespérance, d’incompréhension face à l’inertie d’une population perdant ses valeurs de tolérance et d’humanisme.
A ce titre, ce livre est important. Ne faisons pas du silence la force première de ces idéologies qui nous renient toute liberté, et qui se multiplient de jour en jour…
A commander, à faire commander, donc, par votre libraire…
http://www.editionsdesequateurs.fr
Jacques Schraûwen
Cas D’École (auteur : Remedium – éditeur : Equateurs – 78 pages – septembre 2020)