Une héroïne de papier, enfantine et souriante…
Il fut de bon ton, en une époque pas tellement lointaine, de dénigrer les « Martine » pour leurs valeurs dites désuètes… N’en déplaise aux intellectuels de tout poil, Marcel Marlier est un des illustrateurs les plus doués du vingtième siècle !
Ce n’est pas de la bd, c’est vrai. Mais bien des auteurs de bande dessinée ont souligné et soulignent encore le talent exceptionnel de Marcel Marlier, le créateur belge de Martine. Entre 1954 et 2011, date de la mort de Marcel Marlier, Martine a vécu quelque 60 aventures, écrites d’abord par Gilbert Delahaye, ensuite par Jean-Louis Marlier. On l’a vue à la ferme, rentrer à l’école, faire du camping, dans la forêt ou en montgolfière… On l’a vue faire le tour du monde, puisque ses aventures ont été traduites dans pas moins de 33 langues, de l’albanais au turc, en passant par le chinois, le russe ou l’arabe.
J’ai demandé à son fils, François Marlier, quel était l’héritage d’un tel père. Il m’a dressé le portrait d’un homme soucieux, d’abord, de simplicité et de passion.
Marcel Marlier est mort en 2011… Et, cependant, voici que paraît un nouvel album de Martine…
Martine, avec sa classe, visite le Louvre. Elle s’y perd, avec son copain Léo et son chien Patapouf, mais elle y découvre quelques-uns des chefs-d’œuvre de l’art mondial, de l’Egypte à la Grèce, de Georges De La Tour à Léonard de Vinci, d’Arcimboldo à Delacroix. Mais ne croyez pas qu’on a demandé à un nouveau dessinateur de prendre en charge cet album. Il s’agit de mise en scène, selon le désir du musée du Louvre… Une mise en scène qui, dans cet album, permet aux enfants de découvrir, avec une grande simplicité, quelques œuvres artistiques que Le Musée du Louvre trouve essentielles.
On ne peut pas nier, c’est vrai, le côté désuet des « aventures » de Martine. Et pourtant, ce sont des petites histoires qui se lisent toujours. Les petites filles des années 50 sont devenues des mères, des grands-mères, voire plus, et ce sont elles qui ont pérennisé cette série, dont les 60 titres sont réédités très régulièrement !
Et je pense aussi qu’on peut dire aussi que cette série dresse un portrait en continuelle évolution d’une société, la nôtre, pendant 57 ans.
Sans vouloir utiliser de grands mots, Martine nous offre un paysage souriant et presque sociologique de quelque 60 ans d’évolution des codes de notre société… Et c’est ce qui en fait, indubitablement, une héroïne d’abord et avant tout « humaine », donc humaniste !
Martine, c’est une alchimie réussie entre des petits textes simples et des illustrations lumineuses, extrêmement variées, qui créent à chaque livre des ambiances empreintes à la fois de réel et d’imaginaire. Ce sont aussi des sentiments et des sensations qui restent universelles : l’amitié, les animaux, la nature, les découvertes, la curiosité et la passion ! Martine plaît encore aujourd’hui, gageons qu’elle plaira encore demain, parce qu’elle est gentille, qu’elle pratique la main tendue, et qu’elle a sans cesse les yeux ouverts sur le monde qui l’entoure. Avec Martine, on se replonge, en racontant ses histoires à ses enfants ou à ses petits-enfants, dans un monde dans lequel la simplicité est de mise, un univers dans lequel la poésie et le rêve naissent de chaque regard posé sur ce qui nous entoure. Avec Martine, d’une certaine manière, on revient, oui, à des valeurs universelles et jamais idéologiques !
Martine au Louvre, un livre dans la vraie lignée du travail et de l’art de Marcel Marlier, pour les enfants et les grands enfants nostalgiques !
Jacques Schraûwen
Martine au Louvre (éditions Casterman)