Peyo, Walthéry, et quelques autres, dans une série trop oubliée, en une intégrale passionnante…
C’est dans les années 60 que la bande dessinée, petit à petit, s’est ouverte à d’autres publics que la jeunesse. Le Journal Pilote, ainsi, en a été une cheville ouvrière et artistique incontestable.
Cela n’a pas empêché, que du contraire, de voir la bd « tous publics » évoluer, elle aussi, s’imposer toujours autant, plonger avec un trait vif et de plus en plus moderne dans les réalités de l’époque.
Autour de Peyo, maître d’œuvre d’une série de héros tous plus attachants les uns que les autres, un Peyo quelque peu dépassé par le succès incroyable des Schtroumpfs, se sont ainsi regroupés des jeunes dessinateurs qui, ensuite, ont volé de leurs propres ailes, appartenant tous, ou presque, à la grande histoire du neuvième art.
Je ne vais pas tous les citer, bien évidemment. Mais il y a eu dans cette joyeuse équipe des gens comme Gos, comme Derib, Leloup, et même Will !
Et puis, il y a eu le « gamin », François Walthéry, qui, très vite, s’est vu offrir par le maître Peyo la destinée d’une vraie série, Jacky et Célestin, parue au début des années 60 dans « Le soir illustré ».
Le canevas narratif est simple, symptomatique de ce qu’était la bande dessinée pour « jeunes » dans ces années-là : un duo de héros, jeunes adultes, des enquêtes policières qui sont des alibis pour des gags à répétition sans pour autant perdre de leur suspense, une société, décors et manière de vivre, extrêmement bien rendue…
C’était de la bd d’aventure, tout simplement, de cette bd que les ados adoraient et que les parents ne rejetaient pas parce que s’y trouvaient les « valeurs » de cette époque, chères à la famille Dupuis : la main tendue, la solidarité, le sens du devoir, un certain respect des institutions également. Des valeurs scoutes, et il n’est pas étonnant de retrouver nos deux héros dans un camp de scouts, pour une de leurs aventures…
Mais qu’on ne s’y trompe pas. Avec Walthéry, pas question d’être moraliste, loin de là ! Le dessin, tout en souplesse, tout en mouvement, semble entraîner le dessinateur tout autant que les lecteurs dans des moments de plaisir, des plaisirs qui n’hésitaient pas à se faire observateurs des dérives de la société, des fausses apparences, de la pauvreté, d’un monde, en fait, dont les façades bien belles cachaient des turpitudes infiniment moins seyantes !
Et c’est un vrai plaisir, nostalgique en partie, de retrouver ces deux héros et leur dessinateur dans cette intégrale ! Bravo, oui, et merci aux Editions du Tiroir, d’avoir réuni les aventures de Jacky et Célestin en un superbe album que tous les amateurs et collectionneurs de bande dessinée adoreront !
En outre, le dossier de quelque 58 pages riches d’illustrations très parlantes, qui précède cette intégrale, est extrêmement intéressant. Même s’il s’y glisse quelques imprécisions ou fautes (la rue Boetendeel, par exemple, qui me semble plutôt devoir être la rue Boetendael).
Ce dossier nous permet d’entrer pleinement dans l’univers de la bande dessinée d’avant 1968, un univers délassant, et de découvrir aussi les premiers pas de Walthéry, dessinateur qui, sans aucun doute possible, a marqué de son empreinte souriante (et liégeoise…) l’évolution de cet art que l’on dit et que l’on sait neuvième !
Jacky et Célestin… Deux personnages bien typés, des récits tous publics, des aventures toujours souriantes… De la bande dessinée des années 60 dans toute sa splendeur !
Jacques et Josiane Schraûwen
Jacky Et Célestin – Intégrale 1963-1966 (auteurs : Peyo, Walthéry, Vicq, Gos… – éditeur : éditions du tiroir – 2022 – 224 pages)