Calamity Jane – Entre légende et réalité

Dans la série « La véritable histoire du Far-West », les éditions Glénat nous offrent un portrait sans fioritures d’une femme légendaire…

copyright glénat

Tous les enfants, je pense, aiment les héros sans peur et sans reproche, les Robin des Bois, les D’Artagnan… Le monde de l’Ouest américain a ainsi nourri cette manière pratiquement sociétale de sérier les humains en bons et en méchants. Pourtant, j’ai vite, enfant, préféré Gary Cooper, personnage souvent ambigu, à John Wayne, image de l’homme fort et toujours « juste » ! Audie Murphy, lui, me donnait des boutons par son côté lisse et bien sage, bien gentil… Pour d’identiques raisons inconscientes, j’ai vite trouvé Tintin mièvre et sans grand intérêt, au contraire de Haddock.

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Tout cela pour vous dire que je trouve important, aujourd’hui, qu’on puisse donner un relief de chair à quelques idoles adulées ! Et ce « Calamity Jane » le fait, à merveille, en s’écartant volontairement de tout ce qu’a fini par représenter cette femme dans l’imaginaire collectif ! Aller au-delà du symbole en parlant de cette héroïne de l’Ouest américain, c’est retrouver Martha Jane Cannary derrière l’image bien trop formatée que le vingtième siècle a voulu retenir d’elle…

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Oui, Calamity Jane était une femme « forte » dans un monde de mâles… Oui, Calamity Jane n’avait aucun respect pour toutes les conventions imposées par les hommes… Oui, Calamity Jane aimait par-dessus tout la liberté… Oui, Calamity Jane a vécu, à sa manière, plusieurs vies, vivant dans une maison close, éclaireuse dans l’armée américaine, amoureuse de Wild Bill Hickok, infirmière frôlant la mort, vulgaire et directe dans ses propos…

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Elle appartient, de ce fait, à la mythologie américaine… Elle est devenue également de ce fait, le symbole d’une forme de féminisme qui la revendique comme modèle d’émancipation. Nombre de livres ont été ainsi publiés, la « racontant » avec plus ou moins de justesse… Parce que cette femme d’exception s’est toujours baladée, dans sa vie, entre légende et réalité, entre mythomanie et vérité, nourrissant de ses souvenances sans cesse réinventées son image. Une phrase de ce livre résume, à sa manière, le portrait de Martha Jane Cannary : « … comme si s’en tenir au réel ne lui était pas suffisant » !

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Et cette bande dessinée parvient à nous montrer cette femme telle qu’elle a été. Par la grâce d’un scénario, signé Marie Bardiaux-Vaïente, qui aime se balader entre différentes époques pour mieux définir, ou redéfinir, les chemins qui ont fait de Calamity Jane une icône incontestable. On peut parfois, c’est vrai, se perdre un peu dans ces allers-retours, mais ils sont là comme des miroirs de ce que fut l’existence de cette femme, de ce que fut aussi l’invention qu’elle fit elle-même de sa vie… Et il y a le dessin de Gaëlle Hersent, efficace, dans la tradition du genre western dans le monde du neuvième art, mais faisant preuve d’une belle originalité dans le traitement des différentes époques « racontées », grâce à sa couleur, grâce à son trait, grâce aussi à un certain sens de la caricature…

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C’est une femme, une vraie femme de chair qui se dessine et se raconte dans ce livre… Elle redevint à la mode par la publication, par une pseudo-fille qu’elle aurait eue, de lettres dont la véracité est largement mise en doute, et c’est ainsi au vingtième siècle qu’elle s’est faite, disparue depuis longtemps, le symbole d’un combat féminin… Au travers d’une forme d’illusion, peut-être, de croire à la liberté dans un monde d’hommes, dans cet Ouest américain raciste, machiste, violent… Et cet album a pu bénéficier de l’aide d’un historien français, ce qui le rend, même au travers d’imaginations évidentes de la part des auteurs comme du personnage réel, d’une sorte d’objectivité importante lorsqu’on parle du passé… Et l’album se termine par un dossier extrêmement bien fait, sans être pédant, qui nous plonge dans un Far-West sans fioritures, et donc très peu idyllique !

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J’ai toujours aimé le western, dans le septième comme dans le neuvième art… Et j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet album, à en savourer la construction, à en aimer les jeux de lumière, tant dans le graphisme que dans l’analyse des personnages… Un bon livre, donc, incontestablement !

Jacques et Josiane Schraûwen

Calamity Jane (dessin et couleur : Gaëlle Hersent – scénario : Marie Bardiaux-Vaïente – conseiller historique : Farid Ameur – éditeur : Glénat – septembre 2024 – 56 pages)

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