Red Gun – Du western, du polar, deux albums à savourer !

Le Western, régulièrement, trouve une nouvelle jeunesse, que ce soit dans le septième ou le neuvième art. Innover en la matière n’est pas toujours aisé. Mais cette série-ci parvient, croyez-moi, à étonner !!! Et avec talent…

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Deux albums sont déjà parus, qui mettent en scène l’Ouest américain, après la guerre de sécession. Le général Dodge dirige le chantier du Transcontinental, un train qui devra relier la côte Ouest à la côte Est des Etats-Unis. Un chantier dans lequel des milliers de travailleurs, venus de tous les horizons possibles, forment une humanité dans laquelle être et rester humain n’est pas facile. Dans le premier de ces deux livres, « La Voie du Sang », Dodge fait appel à Terence Nichols, qui autrefois a servi sous ses ordres, pour trouver un assassin qui tue les prostituées en les éventrant. Dans le deuxième volume de cette série, « Le Silence de Jack », Terence Nichols, désormais engagé par Dodge, va devoir trouver une bande de hors-la-loi qui a tué une femme dans une attaque de train, laissant derrière elle deux orphelins, une jeune fille et un gamin, Jack, muet… Deux orphelins dont Terence va s’occuper…

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Nichols a un surnom, Red Gun, inspiré par la couleur de la crosse de son arme : Rouge comme le sang… Comme la mémoire, aussi… C’est un personnage étrange, presque ambigu, qui se scarifie comme pour mieux se punir, ou mieux se souvenir… C’est un personnage complexe, et je ne vous dirai rien ni de son passé, ni des deux « enquêtes » qu’on le voit faire dans ces deux épisodes, chacun formant un récit complet.

Mais sachez que c’est du western, bien évidemment, avec tous les codes du genre… Du western pur et dur, oui, et rien n’est embelli de cet univers dans lequel la violence, la mort, l’horreur et l’injustice régnaient en maîtres absolus. Un western dans lequel les personnages sont bien campés, dans lequel la narration est sans temps morts, dans lequel les seconds rôles eux-mêmes ont de la chair… C’est aussi un western dont le scénario de Jean-Charles Gaudin, étrangement, et avec une vraie réussite, s’écarte des sentiers battus, en y ajoutant une forme de polar à l’américaine des années 50… Et c’est ce mélange de codes très différents les uns des autres, celui de l’Ouest américain et celui du roman policier glauque, qui fait de cette jeune série une vraie réussite. Tout comme les à-côtés de l’histoire racontée, qui parlent de passé, de remords, de regrets, de haines toujours démultipliées par la folie humaine…

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Pour parvenir à cette réussite, pour faire de Red Gun un personnage entier, solide, original, il a fallu que la dessinatrice, Giulia Francesca Massaglia, accompagne avec à la fois de la liberté et de la contrainte un récit qui se devait, en même temps, d’être original et respectueux d’un genre graphique précis jusque dans la démesure des dessins acceptant de rendre compte d’une forme d’horreur quotidienne…

Cette dessinatrice italienne, ainsi, assume avec une forme d’élégance l’influence d’une bd-western transalpine à succès, « Tex ». Mais ses références, et je ne parle pas d’influences, s’élargissent aussi vers d’autres styles de dessin… Je pense à Yves Swolfs et son excellent « Durango » bien plus qu’à Giraud…

Ce dessin, bien évidemment, est d’un réalisme évident, parfois même dérangeant. Mais il fallait cela pour que le récit lui-même, nous montrant des personnages qui n’ont rien d’héroïque, nous montrant la violence quotidienne utilisée par les responsables de la sécurité de ce chantier de chemin de fer, il fallait que soient contournés et oubliés les codes bien sages et bien lisses d’un western à la John Wayne… Et c’est bien le cas…

Utilisant avec un vrai talent de metteur en scène les plongées et les contre-plongées, les approches graphiques des visages, les ambiances triviales et chaudes des scènes de groupe, cette dessinatrice faite vivre des tas de « rôles », premiers ou seconds, qu’on reconnaît de page en page sans difficulté…

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Pour arriver à cela, à faire de chaque planche une description d’ambiance, il fallait aussi que la couleur devienne un véritable enjeu de la création. Cette couleur est due à Facio, et elle nous fait ressentir à merveille les températures et les lieux, les saloons, les rues boueuses, les chemins désertiques, la pluie… On se balade ainsi, avec « Red Gun », dans des univers de couleurs qui, à leur manière, et sans le dire, forment un peu comme des chapitres, plus que de simples séquences.

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Donc, deux albums sont déjà parus, et on ne peut qu’attendre le suivant avec plaisir ! Il y a du sang, de la violence, un peu d’humanité, et une intrigue réussie, tout ce qu’il faut pour de la bd passionnante ! Il y a du corps dans le scénario, comme dans le dessin, et Red Gun est, sans aucun doute, un personnage attachant dont on devine que le passé va nous faire découvrir bien des vérités passionnées…

Jacques et Josiane Schraûwen

Red Gun – « La Voie du Sang » et « Le Silence de Jack » (dessin : Giulia Francesca Massaglia – scénario : Jean-Charles Gaudin – couleurs : Facio – éditeur : Soleil – 2024 et 2025 – 56 pages chaque album)

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