Confessions d’un faucheur – Et si la mort avait besoin d’aide pour accomplir son travail !

L’île d’Om, c’est le lieu où les humains se retrouvent lorsque âme et conscience sont définitivement séparées. Et pour couper les fils qui relient ces deux évidences de l’existence, la grande faucheuse a bien besoin d’employés… Les faucheurs, et certains d’entre eux se racontent dans cet album…

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Vous l’aurez compris, l’univers de Marc Jondot, l’auteur complet de cet album, nous entraîne dans des lieux et des mondes, des imaginaires et des devinés, où la vie et l’ailleurs se mêlent intimement. Un univers nourri de l’image que la mort a créée de civilisation en civilisation : une image qui, tout compte fait, et même si elle est toujours superbement influencée par une culture précise, une image, oui, qui de pays en pays, de siècle en siècle, se fait universelle !

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Plus qu’à la vie, n’appartenons-nous pas tous à la mort, d’abord et avant tout ? N’avons-nous pas, à ce sujet, les mêmes interrogations, les mêmes doutes, les mêmes espérances qu’en ont eu nos ancêtres ? L’homme n’a-t-il pas toujours dû vivre avec cette idée de l’inéluctable départ, avec une sorte d’obligation morale de lui donner une apparence, de l’apprivoiser, en quelque sorte, pour apprivoiser aussi la peur que ce départ ne peut que provoquer en toute âme humaine ?

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Je disais donc que la Mort avait, en finalité, la même représentation, en partie, partout dans le monde et dans l’Histoire… La grande faucheuse, de ce fait, a permis que se créent des légendes, des romans, des rêveries, de toutes sortes. La grande faucheuse est devenue, culturellement parlant, un élément majeur de la littérature, la « gothique » bien évidemment, la « fantastique » encore plus, mais toutes les littératures, aussi !

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Et donc, avec cet album somptueux, nous apprenons que la Mort, très occupée, à gérer entre autres, sans doute, l’île d’Om, a besoin d’aide… Donc d’aidants… Donc d’employés qu’elle envoie, au travers d’une administration rigoureuse et stricte, dans le monde des vivants pour y trancher quelques fils d’argent reliant âmes et consciences, et emmener ensuite les corps jusqu’à cette île qui, sans doute, sera leur ultime demeure. Et dans cet album, l’auteur imagine la discussion entre deux de ces aidants… Deux de ces faucheurs… Se confessent-ils ?… Pas vraiment, non : ils dialoguent, ils parlent de leurs souvenirs professionnels… Et, ce faisant, ils parlent de leurs échecs, de leurs bévues, de leurs bêtises… Parce que, dans toute organisation administrative, et la mort en fait partie, les choses dérapent, parfois… Souvent… Et c’est au travers de ces récits mêlés que ce livre, de fantastique oppressant qu’il est au départ et de par sa thématique, devient souriant… Ce n’est certes pas un humour tonitruant qu’on y croise en page en page, mais un humour sombre, avec des sourires plus que des rires, et, ma foi, avec des réflexions qui dépassent la seule lecture d’un très bel et très bon album !

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On a un peu l’impression, en passant de planche en planche, de se balader dans un environnement que Jean Ray ou Marcel Béalu n’auraient pas rejeté… Un univers quelque peu fantomatique, dans lequel les contrastes de couleurs font de chaque personnage croisé un élément de plus dans le voyage que l’on fait entre réalité et légende, entre légendes inventées, même, entre imaginaire et hantises existentielles… Ne croise-t-on pas, aux détours d’une confidence de faucheur, le fameux comte de Saint-Germain qui se disait éternel ?… Ne découvre-t-on pas que même la mort et ses serviteurs peuvent devoir faire face à des échecs cuisants ? Cuisants, oui, mais empreints toujours d’une fameuse dose d’humour noir !

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Le dessin de Marc Jondot, dans la filiation des plus grands dessinateurs sud-américains du genre, est d’une véritable maîtrise, tant dans le trait que dans la couleur, tant dans l’architecture des récits que dans la construction des planches. Même si je ne peux que reprocher quelques fautes d’orthographe, cet album est une réussite, sans aucun doute, lui qui nous donne, à sa manière, un florilège des échecs, ceux de la mort comme ceux de la vie, un florilège qui devient aussi le sel même de l’existence. Les faucheurs sont nos miroirs, et le dernier message qu’ils nous donnent dans ce livre est assez simple et tellement important : pour se sentir vivant, il faut toujours avoir une histoire à raconter et à partager… Donc une bonne bande dessinée à lire !

Jacques et Josiane Schraûwen

Confessions d’un faucheur (auteur : Jondot – éditeur : Mosquito – 69 pages)

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