Depuis 1972, cette série fait partie de la belle et grande histoire de la bande dessinée populaire. Ne boudons pas notre plaisir à la retrouver, encore et encore !

Une série mythique… Une de ces séries dont on achète, presque automatiquement, le dernier album paru… Parce qu’on sait que, même si le temps passe et repasse aux horizons de nos lectures, on y trouvera toujours de quoi sourire, de quoi retrouver l’âge qu’on avait lors des premiers volumes lus… Et c’est bien le cas, je pense, j’en suis même convaincu, avec cette guerre de sécession vécue par un duo improbable : un militaire rigide et un autre militaire qui ne rêve que de désertion !

Dans ce tome-ci, ces deux anti-héros par excellence, Blucth et Chesterfield, se retrouvent embarqués dans une mission d’infiltration au sein d’un groupe de sudistes désireux d’assassiner Lincoln. Le scénario de Fred Neidhardt est solide, il laisse peu de place aux temps morts, il aime l’action, tout en y ajoutant une pincée de romance… Le plaisir de la lecture est au rendez-vous, pour un album fidèle aux thématiques de la série, pour une histoire bien construite, entraînante.

Le dessin de Lambil continue à me plaire… Certes, les années passant, son trait se simplifie, mais il reste toujours empreint de bien des mouvements, d’un plaisir à dessiner les paysages, tant en forêt qu’en ville… D’aucuns se permettent de critiquer son talent, pourquoi pas ! Cela me fait penser à ces critiques littéraires dont parlait Léautaud et qui n’étaient méchants, donc mauvais, que par jalousie… Des critiques qui n’étaient (et ne sont…) finalement, que des auteurs ratés… C’est pour cela que, personnellement, je fais des chroniques, pas des critiques… Et j’aurai toujours à cœur de parler de livres et d’auteurs que j’aime vraiment… Même si, exceptionnellement, je me laisse aller, parfois, à parler de ce que je n’aime pas, de ce que je ne supporte pas !… De l’uniformité naît l’ennui, disait je ne sais plus qui, de la variété naît le plaisir, et du plaisir naît l’intelligence… et le respect de ses propres mémoires!

Certes, il y a dans cette série un manque cruel, c’est évident… Raoul Cauvin avait ce talent extraordinaire de pouvoir faire de l’humour avec n’importe quel sujet, d’être ainsi, avec les Tuniques Bleues, profondément antimilitariste, il pouvait ajouter à ses dialogues des jeux de mots parfois bien cachés, ou les émailler de références souriantes à des réalités contemporaines entre autres. Oui, Cauvin manque, c’est vrai… On le sent aussi dans le dessin de Lambil… Il continue encore, de ci de là, à sacrifier à son plaisir de dessiner un hibou sur une branche, un pic ou des champignons sur un tronc. Mais on ne ressent plus tout à fait le plaisir qui était le sien, et il me l’avait dit, à profiter des temps morts des scénarios de Cauvin pour « s’amuser »… Et, ce faisant, amuser ses lecteurs… Cela dit, Neidhardt fait du très bon travail, mais je pense que personne ne pourra jamais avoir l’humour décalé que Cauvin avait… Il en va de même pour Goscinny… Mais là où Astérix a perdu, avec ses scénaristes successifs, sa personnalité même, ce n’est pas le cas avec Les Tuniques Bleues et Neidhardt!

Un bon album, donc, qui rejoint dans ma bibliothèque les 68 précédents. Je le disais en entrée de cette chronique : ne boudons pas notre plaisir… Il est, dans le cas présent, celui de retrouver des personnages toujours autant attachants, il est celui de savourer des dessins qui continuent à être d’une belle efficacité !… Il s’agit d’aimer la bande dessinée populaire dans ce qu’elle a de meilleur!
Jacques et Josiane Schraûwen
Les Tuniques Bleues : 69. Lincoln Dans La Ligne De Mire (dessin : Willy Lambil – scénario : Fred Neidhardt – couleurs : Leonardo – éditeur : Dupuis – octobre 2025 – 46 pages)