Henri Tachan (1939-2023): BD et chanson française…

Henri Tachan (1939-2023): BD et chanson française…

Nous avons toutes et tous nos passions, dans la vie… Il en est deux qui m’accompagnent depuis toujours : la chanson française et la bande dessinée !

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Quand je parle de BD, c’est de celle que j’aime, tout simplement, pour mille et une raisons éclectiques, toujours. Quand je parle de chanson française, c’est de celle qu’on n’entend plus sur les ondes imbéciles de nos médias formatés et créés, semble-t-il, pour décerveler les auditeurs en leur faisant croire à de la « variété » !…

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On encense Chantal Goya et ses gagatismes primaires, on a oublié Anne Sylvestre, Jean-Claude Darnal, Jofroi… Triste monde, n’est-il pas ?…

Prenons donc le temps, aujourd’hui, d’écouter, de découvrir ou de redécouvrir Henri Tachan, extraordinaire chanteur mort dans le mépris répugnant des radios et des télés qui gouvernent nos sentiments !

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Découvert par Jacques Brel, Henri Tachan n’a jamais dévié de ses folies de jeunesse, de ses attachements à un langage tantôt cru, tantôt tendre, toujours vrai…

Il a appartenu à cette extraordinaire chanson française des années 70, à cette culture qui ne s’occupait pas de paraître mais qui « était ». Le monde de la bande dessinée, d’ailleurs, ne s’y est pas trompé, puisque plusieurs albums ont été consacrés à ses chansons illustrées, avec des signatures comme celles de Cabu, de Gébé, de Reiser, de Wolinski…

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Je l’ai croisé un jour, il y a bien longtemps, en compagnie de mon ami Henry Lejeune… Prenez le temps de l’écouter, sous toutes ses facettes, de la tendresse à l’érotisme le plus agressif… Chantant même, avec un regard acéré, la bande dessinée dans ce qu’elle a de plus vénéré… Tintin

Je parlais de passion… Souvent provocateur, Tachan était aussi le poète de la tendresse, de l’Amour… Et la passion qu’il avait pour sa femme a toujours éveillé chez moi des échos importants… Ecoutez cette chanson extraordinaire consacrée à la femme qu’il aimait

Oui, il faut écouter Henri Tachan, en ayant cette certitude que le fait, de nos jours, de ne pas se faire entendre sur nos tristes médias, c’est vraiment la preuve de la qualité!………….

Jacques Schraûwen

Le roman s’écrit aussi en bd…

Le roman s’écrit aussi en bd…

Partez à la découverte d’une petite collection estivale de chez Casterman… La réédition en petit format et en noir et blanc de quelques romans graphiques qui méritent le détour, à un prix accessible de 10 euros…

Et parmi les livres publiés, je me permets, vite fait bien fait, d’en épingler trois… Trois albums qu’il ne tient qu’à vous de lire ou de relire !

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Le crépuscule des idiots, d’abord, de Krassinsky… Une bd qui pose une question que tout le monde s’est un jour posée : Dieu existe-t-il… Et elle y répond tout au long d’une fable cruelle et surréaliste qui met en scène des singes, ma foi, encore plus bêtes que les humains dans leur besoin d’une divinité à adorer…

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Le deuxième album que je vous propose, Magic Pen, de Dylan Horrocks, plonge, lui, dans les affres d’un auteur de comics qui en a marre de dessiner sans cesse le même super-héros fade et sans intérêt, et il va devoir sortir de sa dépression en retrouvant les désirs qui étaient ceux de sa jeunesse qu’il sait avoir trahie.

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Quant au troisième album, il est signé Mattotti, un auteur rare dont les libertés graphiques sont toujours étonnantes, dans un livre aux rythmes de douceur et de contemplation. Dans Guirlanda, impossible à résumer, sur un scénario de Kramsky, il nous emporte dans un univers peuplé de créatures tout en rondeurs, sans méchanceté, vivant en accord avec tout ce qui les entoure… Mais cette perfection tranquille va être perturbée, et un de ces êtres, Hippolyte, va devoir intervenir, avec une espèce de nonchalance redoutable…

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Et voilà… Une chronique express pour trois romans graphiques très différents les uns des autres, pour des heures de lecture passionnante…

Jacques et Josiane Schraûwen

Cherchez Charlie – quelques sanglantes tranches de vie

Cherchez Charlie – quelques sanglantes tranches de vie

Des personnages en veux-tu en voilà, tous plus barges les uns que les autres, dans un New York de démesure…

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New York, 1969… Charlie, petit comptable de Tony Zardella, un parrain de la mafia, se fait aborder en pleine rue par une hippie blonde et terriblement entreprenante… Cet « abordage » est un prétexte pour le vol du portefeuille du pauvre Charlie… De sa mallette, aussi, dans laquelle des livres de comptes « brûlants » se trouvent… Il s’en suit une poursuite, une recherche, et, surtout, comme dans un jeu de piste, des lieux et des personnages qui s’ajoutent les uns aux autres, dans le stupre et la fornication, pour former la trame d’un puzzle d’où dégoulinent mauvais sentiments, émotions amoureuses, trahisons, surprises, et sang, bien évidemment !

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Depuis les années 80, Moynot s’est fait une vraie place dans le monde de la bande dessinée noire… Avec une véritable personnalité dans la façon qu’il a d’aborder le monde de la nuit, le monde de la mort, la description presque caricaturale des bons et des méchants, mais en les ancrant, profondément, dans leur époque, et, de ce fait, dans une forme de vérité historique. Incontestablement influencé à la fois par les romans américains que l’on dit noirs et par le cinéma, celui des années 50 mais aussi celui de Coppola ou, plus récemment, Tarentino, Moynot aime aussi surprendre…

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C’est ainsi qu’il aime s’aventurer dans l’humour absurde et provocateur, par exemple, dans des œuvres plus documentaires aussi, pour des livres dans lesquels il peut se laisser aller à d’autres graphismes, à d’autres manières d’border ses sujets. A d’autres couleurs aussi… Et dans ce livre-ci, avec un titre clin d’œil, c’est exactement ce qu’il fait… Et on ressent, de page en page, le plaisir qui est le sien à nous le faire suivre dans un jeu de morts de vies intimement mêlées…

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C’est Moynot aussi qui, dans la continuité graphique de l’immense Tardi, dessine le personnage mythique de Léo Malet, Nestor Burma…

Dans « Charlie… », on a un peu l’impression que c’est pour lui, avec des couleurs « pop-art », des décors jamais esquissés mais simplifiés, une échappée des contraintes de Nestor Burma… Mais, ce faisant, et sans vraiment s’en rendre compte sans doute, il se rapproche des thématiques que Léo Malet, abandonnant pour un temps son héros, avait abordées dans sa fameuse Trilogie Noire » !

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Cela dit, n’allez pas croire que cet album n’est que récréatif pour son auteur comme pour ses lecteurs ! Moynot s’est amusé, et nous amuse, en détournant tous les poncifs des « romans de gare » comme des films de série b ! Et les poncifs ne manquent pas : la mafia, les comptables bien sages obligés de travailler pour des truands, le jeune flic qui croit en son métier héroïque, les Blancs et les Blacks, les gays, l’amour libre, les policiers pourris, les hommes coincés moralement et sexuellement… Tous ces tics de la littérature et du cinéma policier sont bien présents dans ce livre, mais avec une forme de dérision, mêlée de cruauté, de folie teintée de réalisme qui ne peut qu’enchanter le lecteur ! Il s’agit d’une sorte d’amusement pervers, mâtiné d’une forme de nostalgie souriante…

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C’est une galerie de portraits que nous offre Moynot… Des portraits très colorés, comme l’était le pop-art en cette époque charnière entre les années 60 et les années 70, des portraits tracés à grands coups de pinceau utilisés parfois comme des scalpels, le tout dans un découpage serré, plein de séquences, voire même de plans séquence…

Et ces portraits, ma foi, et les fils conducteurs qui, en écheveau, les réunissent les uns aux autres, sont particulièrement agréables à découvrir !

Un livre noir, donc, que ce « Charlie »… Un livre réussi… Et pour le trouver, ce fameux Charlie, amusez-vous à découvrir que, finalement, tout le monde peut être ce personnage falot et pourtant important…

Jacques et Josiane Schraûwen

Cherchez Charlie (auteur : Moynot – éditeur : Sarbacane – 84 pages – 2023)