Boule à Zéro : 7. Goal ! Une série BD à ne rater sous aucun prétexte !

Boule à Zéro : 7. Goal ! Une série BD à ne rater sous aucun prétexte !

Non, il ne s’agit nullement d’un livre de plus consacré au football ! Mais de la suite, simplement, des aventures quotidiennes de Zita… Une petite fille qui vit à  l’hôpital et qui, tout en battant contre son cancer, y fait des rencontres émouvantes et essentielles !

boule à zéro – © Bamboo

Je l’ai déjà dit, et je le redirai encore bien souvent : cette série, véritablement ouverte à tous les publics, est une des plus intelligentes qui soient ! Et chapeau bas à deux auteurs qui ont osé aborder la réalité des enfants hospitalisés pour des maladies lourdes, et chapeau bas à l’éditeur qui a cru à ce projet insensé, un peu fou en tout cas !
Je viens de parler de la réalité des enfants hospitalisés… Et même si le dessin de Serge Ernst est un dessin profondément et résolument non réaliste, c’est bien de réalisme qu’il s’agit… De réalisme, de quotidien, celui de la souffrance, celui des soins de santé, celui des rencontres, surtout, toujours, ces rencontres humaines qui, seules, peuvent permettre au  » crabe  » de se taire, ne fut-ce qu’un tout petit peu.

boule à zéro – © Bamboo

Dans ce livre-ci, à la différence des albums précédents, on a droit à des petites histoires plus qu’à un seul grand récit. Mais des petites histoires qui ont, bien évidemment, une trame parfaitement construite.
Ce fil conducteur, ce fil rouge, c’est Moïse, un petit garçon noir qui se promène sans arrêt avec son ballon de football. Et qu’on impose à Zita comme compagnon de chambre.
Mais voilà… Zita, élément perturbateur de la vie bien organisée de l’hôpital, élément souriant, révolutionnaire, ouvert à toutes les amitiés, Zita, en adolescente qui se respecte, a envie et besoin de solitude, d’intimité. Surtout depuis que sa précédente compagne de chambre a abandonné définitivement la lutte contre la maladie.
C’est dire que l’arrivée dans son univers d’un petit garçon qui ne parle pas, qui s’accroche à son ballon comme à une ultime bouée d’un improbable sauvetage, c’est dire que la présence de Moïse ne peut pas bien se vivre par cette fille qui vit son adolescence dans un corps d’enfant.

boule à zéro – © Bamboo

Mais ne vous en faites pas !… Zita va vite retrouver le plaisir qui est sien –et qui est nôtre !- à se faire l’amie de tous ceux qui en ont besoin. Et, dans cet album, c’est à petites touches que cette amitié va naître entre Zita et Moïse. Avec, en toile de fond, les soucis familiaux du docteur Semoun, les cancans des infirmières, la vie de tous les jours, en fait, avec ses petites joies, ses petites victoires, et l’ombre de la mort toujours présente… Mais une ombre qui, par la magie et le talent des deux auteurs, Zidrou et Ernst, ne fait pas –ou plus- peur !

Nous sommes et serons toutes et tous confrontés, un jour ou l’autre, à la maladie, celle d’un proche, celle d’une personne aimée, celle d’un enfant…
Cette série  » Boule à Zéro  » nous montre, avec le sourire, que toute réalité, même la plus désespérante, mérite d’être vécue.
Une série qui, en outre, ne faiblit d’aucune manière, reste de qualité, d’intelligence, d’observation, d’optimisme et d’objectivité, une série qui ne se prend pas au sérieux tout en nous parlant de ce qu’il y a de plus sérieux au monde, la vie, ses espérances, ses abandons, ses nécessités de toujours regarder devant soi, et autour de soi, de toujours tendre la main et serrer les mains qui nous sont tendues.
 » Boule à Zéro « , ce sont sept albums à lire, à faire lire, à offrir, à partager, sept albums émouvants et amusants, sept aventures qui font du bien et qui, en nous révélant quelques envers de décor, nous offre la chance d’être moins idiots, toutes et tous, face à la souffrance des autres !

Jacques Schraûwen
Boule à Zéro : 7. Goal ! (dessin : Serge Ernst – scénario : Zidrou – couleurs : Laurent Carpentier – éditeur : Bamboo

 

Bonjour Tristesse

Bonjour Tristesse

Une adaptation réussie…

C’est en 1954 que Françoise Sagan est entrée avec fracas dans le monde de la littérature, avec un roman qui a éveillé, dès sa parution, bien des passions. Plus de soixante ans plus tard, en voici une adaptation inspirée, pour une bd qui mérite le détour.

Bonjour tristesse – © Rue de Sèvres

A 17 ans, Cécile passe ses vacances avec son père dans une villa de la Côte d’Azur. Avec son père, et avec la jeune maîtresse de celui-ci.
Dans ce trio, chacun, très vite, trouve ses marques, interprète un rôle qui lui convient : le père en Don Juan vieillissant, son amante en jeune starlette sans beaucoup de réflexion, et Cécile en jeune fille se croyant déjà adulte et souhaitant tout découvrir des sentiments qu’elle voit planer tout autour d’elle. A cela, il faut ajouter la relation fusionnelle qui unit Cécile à son père. Une relation fusionnelle qui, soudain, va imploser au moment où apparaît une femme de plus, la belle et mûre Anne. Une femme qui, même si elle appartient au même monde riche et éthéré, cultive d’autres valeurs et croit, elle, profondément, à l’amour majuscule et aux responsabilités que cet amour se doit de créer chez les amants.
Ce qui était un trio de comédie vaudevillesque va ainsi devenir un huis-clos dans lequel l’enfer, ce n’est pas seulement les autres.
Bien des thèmes sont abordés dans ce livre qui, bien avant les révoltes des années 60, a fait scandale pour sa liberté de ton, et pour cette volonté affichée par une jeune fille de pouvoir aimer en toute liberté !

 

Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan: le roman

 

Bonjour tristesse – © Rue de Sèvres

La littérature de Françoise Sagan est faite de lenteur, de vécus et de rêves racontés plus que décrits, d’indolence, de sensations désabusées, de dialogues qui ne se veulent que convenus, d’enfouissements dans des univers dans lesquels le manque de besoin d’argent permet d’occuper son temps avec fatuité, avec un sens évident du  » snobisme « , si bien chanté par Vian, cette littérature est faite aussi d’exacerbation, même silencieuse souvent, du sentiment amoureux.
Adapter une telle écriture, quel que soit le support choisi, cinéma, théâtre, bande dessinée, demande donc une attention toute particulière au rythme de cette écriture comme à son contenu, sans chercher d’effets spéciaux que Sagan a toujours évités avec soin. Cette auteure, à sa manière, a créé des codes précis quant aux sujets qu’elle a abordés et qui, le plus souvent, se vivent dans une haute société qui, de par son éloignement naturel avec les soucis dits quotidiens, peut se consacrer à quelques futilités qui se révèlent alors essentielles.
Et le talent de Frédéric Rébéna est d’avoir respecté tous ces codes, d’avoir respecté aussi le texte originel, parvenant finalement à imposer ses propres images aux mots de Sagan, à universaliser le propos de Sagan, en l’inscrivant, graphiquement, dans un monde plus contemporain. Et ce n’est pas rien, loin s’en faut, que de réussir ces deux paris difficiles…
Cette bd est, incontestablement, d’une belle fidélité à l’œuvre originelle, une fidélité qui a plu au fils de Françoise Sagan, Denis Westhoff.

Denis Westhoff: l’adaptation

 

Bonjour tristesse – © Rue de Sèvres

Vous l’aurez compris, c’est un livre que j’ai aimé. J’avais lu le roman, il y a bien longtemps, et je l’ai redécouvert avec intérêt de planche en planche.
Par contre, ce que je n’ai pas aimé, pas du tout, c’est la préface de Frédéric Beigbeder, qui prouve, encore une fois, qu’il ne suffit pas d’être  » people  » pour avoir du talent et de la clairvoyance !
Il parle, dans sa préface, de sacrilège, prouvant donc, soit qu’il n’a pas lu la bd, soit qu’il n’a jamais lu le roman originel. Il compare également le dessin de Rébéna à celui de Crepax, alors que, sans aucun doute possible, les styles graphiques de ces deux dessinateurs n’ont strictement aucun point commun !
J’avoue ne pas comprendre le pourquoi de cette préface, d’ailleurs… Cet album tout comme Françoise Sagan ne méritent vraiment pas de servir de vitrine à un écrivaillon soucieux d’être d’abord et avant tout à la mode !

 

Denis Westhoff et Frédéric Rébéna: la préface

 

Mais passons outre cette préface que je vous invite à ne surtout pas lire ! Par contre, plongez-vous dans cette bande dessinée au dessin résolument moderne, simple et clair, fidèle et littéraire, plongez-vous dans ces couleurs qui rendent compte des sensations vécues par les personnages, plongez-vous dans une histoire à la désespérance inéluctable.
Et, cet album terminé, pourquoi ne vous plongeriez-vous pas, avec autant de plaisir tranquille, dans le roman qui est à son origine ?….

Jacques Schraûwen
Bonjour Tristesse (auteur : Frédéric Rébéna d’après l’œuvre de Françoise Sagan – éditeur : Rue de Sèvres)

La Boîte à Musique : 1. Bienvenue à Pandorient

La Boîte à Musique : 1. Bienvenue à Pandorient

Il y a de ces livres sous le charme desquels on tombe rien qu’en les feuilletant. Et c’est le cas de cette  » Boîte à Musique « , dessiné par un jeune auteur, Gijé, que vous pouvez écouter dans cette chronique.

 

 

Dans ce genre de livre, qui parle d’enfance, de rêve, d’univers parallèles au nôtre, de magie, de quêtes initiatiques, le récit graphique ne peut fonctionner qu’à partir du moment où scénariste et dessinateur sont totalement en accord, à partir du moment où les dessins ne se contentent pas d’être des illustrations des mots, où les mots ne sont pas uniquement l’accompagnement des dessins. Et c’est bien cette osmose-là qui est totalement présente dans cette  » Boîte à Musique « .

L’histoire, ouverte à tous les publics, avec le souci d’éviter toute facilité, toute mièvrerie, est assez simple à résumer. Nola fête ses huit ans. Cette petite fille vit avec son père, et on comprend vite que sa mère est morte. Pour son anniversaire, elle reçoit une boîte à musique… Une boîte à musique dans laquelle elle voit une fille de son âge l’appeler au secours. Telle Alice, Nola va plonger dans un monde improbable, impossible, et y découvrir des traces de sa mère, y découvrir surtout que la vie n’est jamais qu’une suite d’apparences trompeuses.

Il y a dans cet album tout l’émerveillement de l’enfance. Mais une enfance confrontée avec des réalités qui, elles, n’émerveillent personne : la mort, la maladie, la drogue. Des réalités qui, cependant, de par la magie du thème, de par la magie du dessin, de par la magie du texte, deviennent ombres et lumières, sans cesse mêlées, deviennent poésie, au sens le plus large du terme… Le texte, simple sans jamais être simpliste, les dessins, le travail de la couleur, du clair et de l’obscur, c’est tout cela qui crée, et dès les premières pages, une ambiance de poésie, une sensation presque charnelle d’imagination en totale liberté.

Et si l’héroïne de cette  » Boîte à Musique  » est une enfant, le lecteur, lui, se doit de se réenfouir dans sa propre enfance pour aller au-delà des apparences et s’approprier le monde qui lui est proposé, comme en une fable où tout, finalement, est possible dès qu’il est rêvé…

Gijé: le scénario, la poésie …
Gijé: une fable …

 

Ce que j’aime aussi, dans ce livre, c’est que, malgré une influence revendiquée par Gijé, celle du style  » manga « , on ne se trouve pas du tout dans la démesure toujours un peu ridicule des expressions humaines. Dans les bandes dessinées qui créent des univers, des bd souvent axées sur l’héroïc-fantasy, l’accent est mis, habituellement, sur l’inattendu, sur l’immédiatement visible. Là aussi, il y a comme une influence des mangas, mais aussi des séries télé à succès !

Ici, rien de tout cela. Le dessin est beau, agréable à l’œil, et le monde que Gijé crée l’est sans ostentation, il est montré, dévoilé, par petites touches graphiques. Bien sûr, il y a l’environnement, les décors. Mais il y a surtout les personnages qui, pour typés qu’ils soient, n’en demeurent pas moins humains, dans leur expressivité, dans la construction physique qu’en fait Gijé. Le monde que ce dessinateur invente est un monde dans lequel chaque être croisé possède une véritable existence, un monde dans lequel personne ne peut être considéré comme un simple élément d’un décor onirique…

Gijé: créer des personnages et un univers

 

J’ai déjà dit tout le bien que je pensais du scénario, du dessin, des couleurs.

Il me reste à parler d’un élément moteur du graphisme de Gijé : l’importance qu’il accorde, pratiquement à chaque page, au  » regard « . Il ne s’agit jamais, pour lui, de se contenter, à la manière japonaise, de caricaturer un visage, des yeux. Je parlais d’ombre et de lumière, et c’est aussi le cas dans le traitement des regards. Ombre, lumière, chagrin, joie, sourires, peines, peurs, reconnaissances… Les regards que dessine Gijé ne sont pas expressifs, ils sont plus que cela. Ils vont au plus profond de l’âme des différents protagonistes croisés dans les pages de ce livre. Ils sont une espèce de fil rouge que chaque lecteur peut, à son rythme découvrir…

Gijé: les regards

Ce qui est particulièrement réussi, dans ce livre, c’est que, adulte, j’y ai pris énormément de plaisir, mais que je suis certain qu’un enfant, voire un adolescent, en prendront encore plus ! C’est de la bd  » tous-publics « , c’est de la  » littérature-jeunesse  » intelligente, c’est un début de série qui, j’en suis sûr, tiendra les plus belles de ses promesses dans les suites promises à ce premier volume passionnant !

 

Jacques Schraûwen

La Boîte à Musique : 1. Bienvenue à Pandorient (dessin : Gijé – scénario : Carbone – éditeur : Dupuis)