Qui, enfant, n’a pas rêvé de trésors enfouis dans le sable, de bouteilles lancées à la mer et porteuses de message d’amitié ou d’amour, d’actes d’héroïsme face à de grands et bêtes méchants ?
Toute enfance se nourrit ainsi à la fois de sentiments et d’utopies… L’héroïsme de l’âme, du cœur et de l’imaginaire sont essentiels, au travers du songe ou du jeu, à toute la magie de l’enfance, certes, mais aussi et surtout peut-être à la construction de ses possibles.
Vincent Wagner, dessinateur, scénariste et coloriste, n’a rien oublié des âges qui furent les siens, et il le prouve, au sein des éditions du Long Bec, en quelques livres étonnants, véritables objets graphiques dans lesquels seule l’image raconte des histoires… Une image en ombres chinoises, aux couleurs fortes, en aplats prononcés, des couleurs qui créent des décors en nous faisant deviner les lieux où les personnages vivent et vivent leurs aventures. Des aventures enfantines, des aventures destinées à un jeune public et qui laissent, grâce à des ellipses tout en vivacité et en » impressions « , place à l’imagination. Celle de vos enfants, oui, mais aussi la vôtre… Les histoires que nous raconte Vincent Wagner sont simples et peuvent être le point de départ d’échanges passionnés… Retombez en enfance avec vos enfants, grâce à ce livre, vous ne le regretterez pas !
Bandits (auteur : Vincent Wagner – éditeur : Editions du Long Bec Jeunesse)
Les codes du Comics américain sont bien connus : des histoires courtes qui forment des chapitres, un dessin qui aime à éclater les perspectives comme les apparences, avec des lignes de force qui pointent toutes vers le lieu de la planche où l’action, souvent violente, est la plus puissante, un dialogue qui se veut d’une part très » parlé » et, d’autre part, pour accentuer la narration, extrêmement littéraire parfois.
Ici, nous nous trouvons en face d’un comics qui, justement, ne sacrifie aucunement à tous ces codes, sauf un, le premier, la construction en chapitres. Le dessin est souple, vif, rapide, sans effets spéciaux, et plus proche de la bd européenne que de la bd américaine. Le scénario rend hommage, de manière appuyée même, au neuvième art belgo-français. Un des personnages, un policier, par exemple, s’appelle » Belgique « , et les initiales de ses prénoms sont B.D.!
L’histoire elle-même, celle d’une jeune voleuse masquée, en concurrence avec un voleur tout aussi masqué et rappelant les traits du » Spirit « , est totalement démarquée par rapport à la bd du nouveau continent. La violence est traitée en ellipses, et, d’ailleurs, très peu présente, le sourire prime sur l’action.
L’héroïne, Bandette, fait d’ailleurs penser à cette héroïne que bien des enfants, et des adultes se souvenant de leurs lectures enfantines, connaissent : Fantômette !
J’avoue que, à la lecture de cet album, je me suis bien amusé… Tout en me demandant si, finalement, il ne s’agissait pas d’un pastiche, tout simplement… Qui sait ?… Cela dit, le résultat est agréable à lire, le dessin, sans tape-à-l’œil, sans virtuosité ostentatoire, est totalement lisible, et l’ensemble forme un excellent bouquin délassant à souhait et accessible à tous les publics !
Un livre intime et sensuel qui nous parle d’amour, de désir, de passion, d’étreintes, de réalité, de virtualité… Un album qui parle, simplement, de la vie !
Après des études artistiques qui ne débouchent sur rien de concret, Maxime décide de couper les ponts avec sa vie tranquille de Français moyen. il choisit, comme alibi à son départ d’adolescent sans véritable avenir, l’envie de trouver un oncle laissé au Vietnam par son grand-père, militaire en des temps lointains.
A partir de cette histoire, incontestablement teintée d’autobiographie, les auteurs nous emmènent à leur suite dans un Vietnam d’aujourd’hui, un Vietnam qui ne ressemble absolument pas aux images qu’un Européen peut en avoir. La quête de Maxime ne lui est pas une fausse raison, puisqu’il recherche vraiment cet oncle inconnu. Mais, ce faisant, il rencontre d’autres personnes… Un Européen plus que déluré qui le prend sous son aile. Et, surtout, la petite et mignonne Akiko, une enseignante japonaise, tout fine, toute jolie, âgée de 26 printemps resplendissants.
Entre eux, c’est le coup de foudre, ce fameux big bang qui est à l’origine, paraît-il, de toute création d’univers. Et l’univers qu’ils se créent est certes celui du besoin de chacun d’entre eux de comprendre et de découvrir la culture de l’autre, mais c’est surtout celui de l’amour, avec un A majuscule, cet amour qui bouscule tout sur son passage, cet amour qui fait de chaque rencontre de regards un feu d’artifice, cet amour qui dépasse les règles du tabou et de la bienséance, cet amour qui ne peut qu’être charnel.
Mais voilà, la vie n’a rien de parfait, et toute étreinte, un jour ou l’autre, ne devient plus qu’un souvenir. Maxime, faute d’argent, doit rentrer chez lui, abandonner la torride Akiko.
Et c’est alors que commence la deuxième partie de ce livre, celle qui ne renie rien de cet amour-passion, mais qui en oublie la réalité pour en découvrir toutes les virtualités. Entre Saïgon et la France, les deux amants usent et abusent d’internet pour ne rien briser de leur union, une union qui en devient obsessive, pour Maxime comme pour sa lointaine amante.
Ce qui est remarquable, dans ce livre, au sens premier du terme, c’est le manque de pudeur assumé par les auteurs, tant dans le texte que dans le dessin. Une impudeur, oui, qui cependant n’enlève rien à la beauté pratiquement poétique de l’histoire d’amour qu’ils nous racontent, qu’ils nous montrent, avec tous les gestes et tous les mots de l’intime quotidien.
Il y a eu la réalité et ses chairs mêlées aux lits du plaisir à partager, il y a eu la virtualité et ses souvenances se muant en fantasmes presque tangibles, il y a enfin la troisième et dernière partie de ce livre, le retour de Maxime au Vietnam, ses questions, ses doutes, ses lâchetés, ses initiations à un univers résolument adulte, un univers où le rêve laisse la place à la trahison amoureuse et à la trivialité. Ce qui était poétique n’est plus qu’assouvissement d’un besoin, et c’est alors de séparation qu’il s’agit, dans le définitif d’une Histoire qu’on a voulue éternelle et qui ne se veut, finalement, qu’éphémère dans la construction d’une existence.
Et c’est là que ce livre dépasse l’anecdote autobiographique et devient la description, tantôt très crue, tantôt très diaphane, du passage d’un adolescent sûr de lui à un adulte sans plus aucune certitude. C’est là que le récit devient, à sa manière, le miroir que tendent les auteurs vers toutes leurs lectrices, tous leurs lecteurs, un miroir dans lequel les reflets aperçus ne sont pas toujours ceux qu’on aurait pu croire ou attendre, ceux dont on se souvient au travers d’une mémoire toujours sélective.
Du côté du texte, c’est le dialogue qui prime, de façon très naturelle.
Du côté du dessin, je dirais qu’il y a dans cet album deux styles qui cohabitent et se complètent parfaitement. Il y a les descriptions des paysages, des gens, de ce Vietnam que Maxime découvre en le dessinant, en peaufinant les décors qu’il voit et restitue à la page blanche de ses démarches artistiques. Et puis, il y a un deuxième style, plus épuré, plus axé sur les corps et les chairs, lorsqu’il s’agit pour Maxime de rendre compte de la passion et de l’amour, celui des corps et des âmes obligatoirement mêlés.
Big bang Saïgon est un vrai livre d’auteur(s). Un livre envoûtant, un livre sans tabou mais sans provocation ridicule. Un roman graphique dont l’ambition est toute simple : parler de l’humain et de ce qui le construit d’abord et avant tout, le désir !
Jacques Schraûwen
Big Bang Saïgon (dessin : Maxime Péroz – scénario : Hugues Barthe – éditeur : La Boîte à Bulles – décembre 2016)