Emile

Emile

Des livres qui plairont autant aux enfants qu’à leurs parents… Un texte intelligent et souriant, des dessins simples laissant la place au mouvement et aux mimiques… Une collection à découvrir et à faire découvrir ! Ce n’est pas de la bd, certes, mais ça mérite le détour !…

 

 

 

Les Mots d’Emile

Quand ils parlent d’enfants, les adultes rient souvent aux éclats en se remémorant leurs « mots », ces fameux « mots d’enfants » qui fleurissent sur internet, aux côtés des perles des assurances et des bêtisiers des journalistes.

Avec Vincent Cuvellier, il ne fallait bien entendu pas s’attendre à une resucée de plus de cet humour bon enfant, certes, mais terriblement répétitif…

Vincent Cuvellier porte, sur Emile, son personnage, tout sauf le regard d’un parent admiratif et émerveillé. On a presque l’impression qu’Emile, avec son air sans cesse renfrogné même quand il dit qu’il sourit, se trouve sous le microscope d’un scientifique qui cherche à comprendre ce qu’est le moteur essentiel de l‘enfance.

Et dans ce livre-ci, ce moteur est celui du langage… Il est celui des mots dans ce qu’ils peuvent avoir d’immédiat, avant même que la compréhension intervienne… Emile est atrabilaire… Parce que ça sonne bien… Il est directeur général, parce qu’il sent confusément qu’il y a là quelque chose qui ressemble à du pouvoir…

C’est un abécédaire que ce gamin partage avec les enfants qui vont le lire, avec les adultes qui vont lire ses mots à leurs enfants…

Et même si ce sont les mots qui sont au centre de ce livre, ils ne seraient rien sans les dessins qui sont extrêmement stylés tout en provoquant bien des sourires !

 

 

 

 

Emile Rêve

Tous les enfants rêvent… Tout le monde, d’ailleurs, rêve…. Le rêve n’est-il pas, finalement, le territoire de l’enfant qu’on a été, certes, mais aussi de celui qu’on reste, toutes et tous.

En tout cas, il est, au travers des dessins simples et nimbés d’une imagination réjouissante, l’univers essentiel du petit Emile ! Les trains volent, les vaches se prennent pour des cow-boys, un oiseau a une tête de chat…

J’imagine bien, en lisant ce petit album, Ronan Badel illustrant les poèmes de Prévert… Et réussissant à les rendre encore plus accessibles à tous les âges !

Les cheveux en bataille, le regard « arsouille », l’attitude sans cesse « en attente », Emile est un gosse étonnant, étonné aussi. Il est surtout terriblement attachant, et je pense qu’adultes comme enfants ne pourront que se reconnaître en lui… En lui, et au plus profond de ses rêves !…

 

La littérature pour la jeunesse se doit, bien évidemment, de répondre à des règles élémentaires d’accessibilité. Puisque les livres seront lus à des enfants, il faut une langue simple. Avec Cuvellier, il ne s’agit nullement de simplisme, loin s’en faut ! Et sa manière d’écrire pour les enfants est extrêmement rythmée. Presque chantante…

Quant au dessin, j’aime vraiment qu’il réussisse à ne pas se contenter d’être l’illustration du texte. C’est ce qui fait de cette série de livres une superbe réussite !

 

Jacques Schraûwen

Emile : dans la collection Giboulées, chez Gallimard Jeunesse (texte : Vincent Cuvellier – dessin : Ronan Badel)

 

 

L’envers des contes : La sœur pas si laide de Cendrillon

L’envers des contes : La sœur pas si laide de Cendrillon

Cendrillon s’est mariée avec son Prince Charmant… Du coup, Madame de Trémaine et ses deux filles, Javotte et Anastasie, se retrouvent sans souillon pour s’occuper de leur maison ! Et si une de ces deux filles, Javotte, n’était pas du tout celle que Perrault nous a décrite ?….

Tout le monde connaît, bien évidemment, le conte de Charles Perrault. Mais que s’est-il passé après le départ de Cendrillon pour rejoindre son prince dans un château de rêve ? C’est ce que s’efforcent de raconter Gihef et Zimra dans ce livre tout gentillet…

Tout gentillet, oui !…. Il est vrai que Gihef ne nous a pas habitués à de tels scénarios, lui qui, habituellement, les aime taillés à grands coups de provocation, tant dans l’intrigue que dans, surtout, les dialogues.

Mais ici, il prouve que son talent de dialoguiste, justement, peut se mettre au service d’une histoire qui s’adresse à tous les publics, même celui de l’enfance !

Et s’il est vrai qu’il a laissé libre cours, dans cet  » envers des contes  » à son imagination débridée, il est tout aussi vrai qu’il l’a maintenue dans des limites connues, reconnues, mais corrigées avec un humour parfois décapant, toujours souriant, un humour né des personnages qu’il nous laisse rencontrer.

Il y a la Bergère qui cherche ses moutons, il y a ville de  » Livresdecontes « , il y a la Belle au bois dormant, Humpty Dumpty, Boucle d’or, la Mère Michel, son chat, la méchante sorcière, et même un des trois petits cochons.

Et tout ce beau monde vit une aventure entre rêve et presque cauchemar, une aventure dans laquelle l’empoisonnement d’une pomme est la trame centrale.

Une aventure qui se finit bien, puisqu’on est, malgré tout, dans un conte pour enfants, et ça va être au tour de la sœur pas si laide de Cendrillon de connaître le pouvoir d’un premier baiser d’amour !

On peut dire, oui, que ce livre est destiné à tous les publics, mais il faut insister sur le fait que l’humour qui y règne n’est pas toujours, loin s’en faut, politiquement correct, et tant mieux !

Le scénario de Gihef est virevoltant, le dessin de Zimra ne l’est pas moins, avec des couleurs franches, des visages tout en rondeurs, des cadrages parfois très variés, des ambiances sucrées…

Le tout, vous l’aurez compris, est un livre, ma foi, très agréable à lire et qui replongera tous les adultes dans le monde des contes pour enfants qui n’étaient jamais aussi gentils qu’ils en avaient l’apparence !…

 

Jacques Schraûwen

L’envers des contes : La sœur pas si laide de Cendrillon (dessin : Zimra – scénario : Gihef – éditeur : Kennes)

Les Enfants de la Résistance : 3. Les Deux Géants – Une série totalement réussie et une exposition au musée de la résistance

Les Enfants de la Résistance : 3. Les Deux Géants – Une série totalement réussie et une exposition au musée de la résistance

Troisième tome d’une série étonnante et qui ne faiblit absolument pas, que du contraire ! Avec en outre une exposition dans un lieu à découvrir, le Musée de la Résistance!

Dans ce troisième volume, nous sommes en été. En été 1941 ! François, Lisa et Eusèbe, dans leur petit village presque tranquille, après avoir enterré le père de François fusillé par les nazis, sont plus que jamais décidés à résister. C’est d’amitié qu’il s’agit, entre ces trois enfants devenant adolescents, bien entendu. D’un courage, aussi, qui les dépasse et qui ressemble peut-être, au secret de leur âme, à un grand jeu à la Rudyard Kipling.

Mais ce dont il s’agit surtout, pour les auteurs, Dugomier au scénario et Ers au dessin, c’est de dresser le portrait d’une époque de notre Histoire, une époque douloureuse, et de le faire au travers de trois regards encore enfantins, de le faire, oui, à hauteur d’enfance plutôt qu’à hauteur adulte !

C’est là toute la force de cette série, certainement… Une série résolument ouverte à tous les publics, à tous les âges. Une série dont le message premier est de prouver que la résistance est d’abord une manière d’être, une manière d’exister, une manière de penser et de réfléchir.

A la fin de chaque album, il y a un dossier qu’on peut qualifier de pédagogique. Et ce sont ces pages-là qui sont exposées au musée de la Résistance, à Bruxelles, rue Van Lint. Une exposition à laquelle le conservateur du musée, Jean-Jacques Bouchez, attache beaucoup d’importance…

Vincent Dugomier: résister

Jean-Jacques Bouchez, le conservateur du musée de la résistance

Je l’ai déjà dit ici lors de mes chroniques consacrées aux albums précédents de cette série : il s’agit véritablement d’une réussite !

Une réussite due, entre autres, à la précision que les deux auteurs ont voulue dans le construction de leur récit, de leurs récits pluriels même.

Comme exemple, j’en veux l’œil historique sérieux sur le monde des enfants en ces années quarante naissantes. Les stéréotypes étaient nombreux, sur ce qui pouvait être vécu par les petits garçons et par les petites filles. Les stéréotypes étaient tout aussi nombreux en ce qui concerne les réalités sociales et sociologiques de tout un chacun, de l’accès aux études, du travail à la ferme. Il y avait les notables et les autres, dans le village de nos trois enfants-héros. Il y avait ceux qui reprenaient la ferme et les autres qui pouvaient faire des études et s’élever, ainsi, au long de ce qu’on ne nommait pas encore l’échelle sociale. Et ces réalités-là, tellement différentes de ce que notre occident connaît aujourd’hui, sont bien présentes et mises en perspective dans cette série.

Ce qui est important aussi, c’est que les personnages, qu’ils soient centraux ou secondaires, ne sont jamais figés. On les voit évoluer, changer, physiquement et moralement. Et c’est encore plus le cas avec nos trois héros qui, d’album en album, gagnent en maturité physique et mentale…

Dugomier et Ers: le quotidien des enfants

Vincent Dugomier: la maturité

Dans les deux premiers volumes, on était totalement dans l’aspect  » grand jeu  » dont je parlais plus haut. Bien sûr, le rendu de l’époque était complet, avec ses réalités sociales et politiques, mais le tout était traité en arrière-plan plutôt qu’à l’avant de l’intrigue.

Ici, dans ces « deux géants », deux géants qui se jaugent, se jugent et finissent par s’affronter, il en va tout autrement. La politique est bien présente, par petites touches d’abord, puis avec de plus en plus d’insistance. Il faut dire qu’en 1941, l’Allemagne Nazie s’est retournée contre l’URSS ! Et le Japon est à son tour entré en guerre !…

Mais cette réalité politique n’empêche pas le trio des enfants résistants de continuer à vivre comme des enfants… A essayer, ainsi, de comprendre des adultes qui deviennent de plus en plus incompréhensibles, emberlificotés qu’ils sont dans les méandres de leurs convictions politiciennes. Parmi ces adultes, il y a les Français, d’abord. Ceux qui acceptent, ceux qui refusent, ceux qui collaborent. Il y a les personnages ambigus, aussi, comme le parrain de François, ambitieux et vénal, et, en même temps, aimé par son résistant de filleul…

Parmi ces adultes, il y a aussi les occupants, les nazis, les militaires, les simples soldats et leurs officiers.

Et ce n’est pas la moindre des qualités de cette série que d’éviter, jusque dans la description de ces  » méchants « , tout manichéisme qui se serait révélé inutile et trop lourd, narrativement parlant !

Benoît Ers et Vincent Dugomier: la politique

Benoît Ers: le « nazisme normal »…

 Les enfants de la résistance

Le scénario de Vincent Dugomier se construit dans la tradition, quelque peu disparue il faut le reconnaître, des aventures linéaires, bien racontées, superbement documentées, bien écrite, admirablement bien dialoguée, avec un minimum de raccourcis littéraires. Un peu comme dans ces romans pour adolescents signés Dalens ou Foncine.

Le dessin de Benoît Ers, plus que dans les albums précédents peut-être, joue énormément avec la couleur. Il est vif, rappelle, lui aussi, les illustrations de ces livres pour la jeunesse des années 50, comme la fameuse collection Signe de Piste. Sans pour autant renoncer aux scènes graphiquement ambitieuses, comme l’attaque japonaise sur Pearl Harbor.

On sent qu’ils sont tous les deux plus que des partenaires dans la création de cette série. Qu’ils sont réellement co-auteurs. Il en résulte trois albums à savourer !

Benoît Ers: la couleur

Enfants, adolescents, adultes, n’hésitez pas, en cette époque troublée, à acheter ces trois premiers albums d’une série intelligente à tous les points de vue ! A l’acheter, à l’offrir, et à vous rendre au musée de la Résistance à Bruxelles pour en découvrir un outil pédagogique accessible aux écoles !…Et pour en savoir plus, suivez les liens ci-après !…

 

Les éditions du Lombard

Le Musée de la Résistance

 

Jacques Schraûwen

Les Enfants de la Résistance : 3. Les Deux Géants (dessin : Benoît Ers – scénario : Vincent Dugomier – éditeur : Le Lombard)

Exposition au Musée de la Résistance – 14, rue Van Lint – 1070 Bruxelles – jusqu’au 30 juin