De la poésie, tout simplement, pour les enfants et leurs parents. Des personnages humanistes, tolérants, une lecture simple, souriante, intelligente…
Ernest et Célestine fêtent cette année leurs quarante printemps, et, à cette occasion, les éditions Casterman sortent un très beau livre, qui réunit la première et l’ultime histoire de ces deux personnages atypiques. Le tout accompagné d’un excellent dossier consacré à celle qui a créé cette série pour enfants, Gabrielle Vincent.
Qui sont Ernest et Célestine ?
Un ours débonnaire et une petite souris espiègle qu’il a recueillie… Et qu’il élève dans une ambiance de liberté et de regard ouvert sur le monde, ses soucis, ses tristesses, ses beautés.
Entre 1981 et 2000, ce sont plus de 25 livres que Gabrielle Vincent a publiés, plus de vingt-cinq aventures simples et souriantes qu’elle a imaginées, dessinées. En vingt ans, elle a fait de son dessin le vecteur non pas de péripéties nombreuses, mais de ce que j’ai envie d’appeler une poésie quotidienne… La poésie d’une relation humaine au jour le jour, au travers des petites choses de l’existence, des balades, des rencontres, des émotions… Et tout cela avec deux personnages que tout devrait séparer, un ours et une souris !
Tout cela, aussi, avec un dessin qui ne cherche jamais à être trop précis, qui, au contraire, privilégie le mouvement, le geste, l’expressivité de deux morphologies très différentes l’une de l’autre. Tout cela, enfin, sans aucun verbiage. Le texte est réduit à son strict minimum, le dessin et ses couleurs prennent tout l’essentiel de la place, de la narration. Ernest et Célestine n’ont pas vraiment besoin de mots pour exprimer leur attachement l’un à l’autre, pour montrer l’amour qui les unit. C’était une volonté de Gabrielle Vincent.
40 ans, c’est une belle longévité… Un succès qui ne s’est jamais démenti… Ce n’est pas un cas unique dans l’histoire de la littérature pour enfants, Martine en est un autre exemple.
Qu’est-ce qui a fait le succès de ces deux séries de livres pour jeune public ? Je pense qu’il s’agit de la simplicité, de parler de choses importantes, la douleur, la maladie, le plaisir de vivre, la nature à sauvegarder, l’amour des animaux, l’importance du sentiment pour grandir, mais sans aucun moralisme ! Et uniquement à partir de petites choses de la vie, tout simplement. La poésie du quotidien, oui, tous ses possibles, et la beauté immédiatement perçue du graphisme.
Dans cet album, le lecteur a la chance de découvrir toute la puissance et toute l’évolution de Gabrielle Vincent, puisqu’on y lit, ou relit, la toute première histoire, et, enfin, la toute dernière, celle que l’auteure a dessinée et écrite sur ce qui fut son dernier lit. Et dans cette histoire-là, le ton change… Il y a des mots, déjà, qui ne s’intègrent pas aux dessins mais leur font face. Un peu comme si Gabrielle Vincent avait voulu instaurer, enfin, un vrai dialogue entre deux expressions fondamentales : la représentation et le discours… Il faut dire que cet ultime récit nous montre Célestine se posant des questions sur qui elle est, sur ses origines, sur les raisons de cette improbable famille qu’elle forme avec Ernest, sur son identité, finalement… Mais encore une fois, c’est le sourire qui règne en maître, c’est lui qui transforme la peur d’un adulte en face des questionnements d’une enfant en un moment de partage, de joie de vivre, de jeu, aussi… Donc de rêve et d’imaginaire !
Ernest et Célestine, ce sont des livres pour enfants, à lire avec eux par leurs parents !
Quelqu’un qui a bien compris cela, c’est le scénariste du film qui, il y a une dizaine d’années, a mis en scène ces deux héros dessinés. Un des grands écrivains contemporains, qui a entretenu avec Gabrielle Vincent, jusqu’à la mort de celle-ci, une amitié épistolaire fidèle et émouvante.
Et quelques-uns de ces mots, dans ce livre, le disent à merveille… Comme ceux-ci : « Nous étions des amis de dessins et de mots, une grande amitié de papier ». Ils étaient tous deux « une grande amitié », oui, Gabrielle Vincent et Daniel Pennac…
Jacques Schraûwen
Ernest et Célestine : Comment tout a commencé (auteure : Gabrielle Vincent, dossier de Fanny Husson-Ollagier et Emeline Attout – éditeur : Casterman – 78 pages – avril 2021)
A lire aussi, chez le même éditeur : « Mon cahier d’activités » (avec des stickers) et « Mon Premier Imagier »