Humour déjanté, détournements presque surréalistes de BD et d’illustrations « libres de droits »… Un petit livre pour sourire, sans faux-fuyant, mais avec plein de faux-semblants!
C’est une technique utilisée depuis bien longtemps, celle qui consiste à détourner des images existantes pour leur donner une tout autre signification, pour en décaler le sens. Les collages de Jacques Prévert, et les jeux, auparavant, des surréalistes, ont abondamment usé de ce moyen de « faire et défaire de l’art ».
Plus tard, le fameux magazine Hara Kiri a pratiqué cet amusement pour un humour qui oubliait la bienséance et choisissait avec une délectation quelque peu perverse la voie de la vulgarité et de la provocation.
Bien d’autres se sont lancés dans le plaisir d’ajouter des » bulles » à des dessins puisés ici et là, comme les artistes de Fluide Glacial, et, de temps à autre, le papa du Chat, Philippe Geluck.
Et avec ce » Faux livre « , c’est dans ces univers-là que nous plongeons…
C’est un plongeon dans quelques vagues d’humour très particulier, reconnaissons-le, et reconnaissons qu’on ne rit pas à chaque page, loin s’en faut.
Mais, par contre, ce qu’on fait à chaque page de ce faux livre, c’est prendre plaisir à découvrir de vieilles illustrations, de vieilles bandes dessinées américaines aussi, avec des couleurs surannées, des traits trop marqués, des mouvements stéréotypés.
Et l’intérêt et l’intelligence de ce recueil de mauvais goût, c’est d’alterner des gravures extrêmement réussies avec des planches de bd particulièrement tristounettes.
Le mauvais goût, c’est aussi de l’humour, c’est une évidence. Et ici, comme dans une des pages de ce livre, c’est souvent de l’humour de beauf qui se dévoile. Et, ma foi, une fois de temps en temps, rire aussi de la grossièreté et de la vulgarité, ce n’est pas désagréable !
Partez à la découverte de Cyrano de Bergerac, pervers narcissique… D’un chasseur de chômeurs… De Billy the Kid affrontant Raspoutine… D’une jeune femme qui tombe amoureuse d’un vulgaire Playmobil… Du martyre de Saint Emilion… De l’utilité du trompe-l’œil en psychiatrie…
Rien ni personne, vous voyez, n’échappe aux envies perverses du » faux graphiste « …
Et ce » Faux Livre » est à feuilleter, tranquillement, pour se laisser entraîner, au fil du hasard et des pages, vers des territoires de l’humour qui ne sont que rarement bien-pensants !…
Jacques Schraûwen Un Faux Livre 2: Le Meilleur De Un Faux Graphiste (éditeur : Delcourt)
C’est au plus profond de ses souvenirs et de ses présents que Michel Kichka plonge, et nous plonge à sa suite, au profond de cet album.
Tout commence, dès les premiers dessins, en 1969, par sa découverte, physique, charnelle, d’un pays qu’il se choisit comme étant le sien, Israël.
Un pays loin de son enfance, vécue à Liège. Un pays dont les habitudes et la, ou plutôt les cultures prennent en compte des réalités qu’il n’a pu qu’imaginer et deviner en Belgique.
Et c’est, en effet, une autobiographie qui fait tout le contenu de ce livre. Une autobiographie qui emmène son auteur et ses lecteurs du sortir de la jeunesse à la maturité. Une autobiographie qui nous dévoile un être humain mais aussi un
Avec Kichka, le quotidien qu’il décrit, tous les quotidiens qu’il nous raconte, au fil des pages, donc des ans, tout cela n’est pas une finalité en soi, mais une manière de dresser le portrait d’une société changeante, et d’un être humain tout aussi évoluant.
Ce livre est fait de portraits, oui… Ceux des cultures qui, différentes, ont fait de Kichka à la fois un acteur et un observateur du pays qu’il a voulu sien.
Cela dit, même si Michel Kichka se définit comme citoyen israélien, on ne peut pas dire qu’il voue à l’aspect politique de son pays une admiration sans borne faite de soumission, et de silence !
Kichka est, à sa manière, un opposant aux régimes des faucons qui depuis pas mal d’années dirigent un complexe Israël. Un opposant, oui, qui raconte dans cet album ses combats, ses manifestations, ses rencontres parfois musclées avec le pouvoir. Un opposant qui ose parler des guerres de trop menées par Israël. Un opposant qui, de par sa présence sur le terrain qui sert de terreau à ses révoltes, peut avec justesse parler des déchirures de la société israélienne, DANS la société israélienne !
Michka est surtout un homme au regard ouvert et qui pratique l’humour, de page en page… L’humour que l’on dit juif et qui est d’abord et surtout une façon pour l’individu de ne pas se perdre dans la masse en réussissant à s’en démarquer par la dérision, voire l’auto-dérision. Michel Kichka, ainsi, joue avec les mots, nous parle de « sillonisme », pour mieux, peut-être, nous dire que la place de l’artiste, dans quelque société que ce soit, est de parvenir à rêver, et ce faisant, à faire rêver en traçant des sillons d’intelligence.
Dessinateur, Michel Kichka est également passeur de témoin, puisqu’il donne cours. Et c’est aussi en tant que professeur qu’il peut montrer et prouver que tout dessin est universel, et qu’à chaque regard qui s’y pose peut s’attacher une compréhension différente. La scène qui illustre ce propos dans ce livre (une scène que je ne vous raconterai pas…) est sans doute un des moments les plus puissants de cet album !
Mais Michel Kichka, avant d’être auteur de bande dessinée et professeur de dessin, est dessinateur de presse. Un métier dans lequel se côtoient bien des personnalités différentes. Des affinités politiques et culturelles différentes aussi. Mais des artistes qui partagent un même langage, celui du refus d’un autoritarisme qui, reconnaissons-le, tend de nos jours à se démultiplier aux quatre horizons de nos mille et une sociétés.
Loin de moi l’idée, ici, de me faire le chantre d’Israël… Tout aussi loin de moi l’envie de faire preuve d’un quelconque manichéisme politiquement correct.
Ce qui m’a attiré, dans ce « Falafel », c’est la sauce piquante qui l’accompagne. C’est ce regard qui, certes amant, ne cherche jamais à inventer quelque excuse que ce soit à une réalité politico-économique aux infinies ambigüités.
C’est tout l’intérêt qu’il peut y avoir, pour nous, Européens, à aller au-delà de nos idées préconçues, et à accepter que quelqu’un nous parle « différemment » de son pays.
Ce qui me plaît dans ce livre, sans que je souscrive totalement à son propos, c’est ce qui sous-tend le travail de Kichka : une volonté, un besoin même, de rester proche de l’humain, sans arrêt, et, partant, de faire preuve sans cesse d’humanisme. En croyant à la Paix plutôt qu’en un Dieu, quel qu’il soit !
Ce livre, dont le dessin est vif, souple, privilégiant ici le décor, là les trognes, ce livre dont la couleur accompagne les différentes séquences en leur donnant, presque, une tonalité proche, ce livre est amusant, didactique aussi, quand il nous montre les différences de gestuelles, par exemple, celles des manières de manger, de parler.
Il est instructif, oui, mais il est surtout intelligent, par le portrait qu’il nous fait d’un monde qu’on ne connaît que très partiellement, et surtout par le portrait d’un artiste qui sait la puissance des langages qui, finalement, sans cesse changeants, créent l’espérance en des mondes meilleurs…
Jacques Schraûwen Falafel Sauce Piquante (auteur: Michel Kichka – éditeur: Dargaud)
Dans cette chronique, le dessinateur et l’éditeur vous parlent des éléments moteurs de cette excellente série destinée à un public jeune… et moins jeune !
Un petit format, un dessin immédiatement accessible, un texte sans aucun effet spécial, un petit dossier didactique en fin de volume, et une époque précise de la grande aventure humaine pour chaque volume : voilà les caractéristiques éditoriales de cette nouvelle collection de chez Dupuis, une collection dont l’ambition est de permettre à un jeune public de découvrir l’Histoire, la grande, sans ennui, de manière ludique, amusante même, quel que soit le sujet traité.
A ce jour, quatre volumes sont déjà parus : » La pyramide de Khéops « , » Les Gaulois « , » Albert Einstein » et » La guerre des tranchées « . Quatre sujets très différents, mais tous construits de la même manière.
Ariane et son petit frère Nino vivent, au présent, une situation quotidienne tout à fait normale, mais une situation (bataille de boules de neige, par exemple) qui débouche sur un récit historique. Un récit qu’Ariane livre à son petit frère, et qui leur permet, par l’imagination, de s’immerger dans l’époque choisie…
On passe ainsi, de manière complètement naturelle, sans accrocs, du présent au passé, du passé au présent, comme dans un jeu vécu par deux enfants. Nino, en » Candide voltairien « , pose des questions simples auxquelles Ariane répond simplement. C’est de la vulgarisation historique, extrêmement bien faite, grâce à un scénariste, par ailleurs historien, qui, à aucun moment, ne cherche à mettre en avant une inutile érudition.
Cela dit, ce qui fait tout le liant de cette collection, c’est aussi, bien évidemment, le dessin de Sylvain Savoia. Un dessin qui s’éloigne de ses habitudes graphiques, et qui parvient, ainsi, à rendre véritablement accessibles les tranches d’Histoire qu’il traite à tout le monde, à un jeune public surtout.
Le dessin est simple, les couleurs sans complication. L’important, pour Savoia, ce n’est pas d’éblouir qui que ce soit, mais de servir une histoire, un projet, aussi. Et, donc, de dessiner d’abord et avant tout à taille humaine, de privilégier au travers des expressions, simples elles aussi, et des attitudes tout le côté vivant des récits qu’il fait bien plus qu’illustrer, qu’il raconte réellement de manière graphique.
L’Histoire, depuis les années 70 et la collection Vécu, est très à la mode dans le monde du neuvième art. Elle l’était déjà, cela dit, auparavant, avec les fameuses » histoires de l’Oncle Paul » !
Mais il s’agissait très souvent de récits romancés, parfois très sérieux, parfois inspirés par une imagination ou un manichéisme très » adultes « . Il était temps, sans aucun doute, en cette époque troublée où l’être humain semble de plus en plus désirer tout oublier de son passé, de SES passés, il était temps, oui, de revenir aux fondamentaux, en quelque sorte, en nous parlant des moments historiques dont nous sommes issus, que nous le voulions ou non, et de le faire uniquement au travers de faits avérés.
C’est tout cela qui fait de cette collection un outil pédagogique qui me paraît d’ores et déjà être très réussi, et dont j’espère qu’elle atteindra son but : se retrouver le plus possible entre les mains et devant les regards d’un jeune public !
Sylvain Savoia et Frédéric Niffle: un outil pédagogique
La BD se doit de continuer, comme en ses débuts, à réussir à s’adresser aussi à de jeunes publics. Et c’est bien le cas avec cette collection naissante à laquelle tous les vrais amoureux du neuvième art ne pourront que souhaiter une belle et longue existence !
Jacques Schraûwen
Le fil de l’Histoire raconté par Ariane & Nino (dessin : Sylvain Savoia – scénario : Fabrice Erre – éditeur : Dupuis – Collection dirigée par Frédéric Niffle et Lewis Trondheim)