Frans Masereel – 25 Moments De La Vie De L’Artiste

Frans Masereel – 25 Moments De La Vie De L’Artiste

Cet album de BD vient à son heure pour nous faire le portrait d’un artiste essentiel de l’art du vingtième siècle ! Un portrait graphique puissant pour un homme qu’on ne peut pas résumer à un seul des aspects de son art !

copyright Casterman

Frans Masereel, je l’ai découvert, dans les années 70, au travers d’une petite exposition dans le cadre du domaine de Bokrijk, en Belgique. Je me souviens encore de l’éblouissement qui fut mien devant ces gravures étonnantes, d’un expressionnisme humain exceptionnel. Je me souviens aussi d’avoir trouvé, quelques années plus tard, deux petites gravures signées de sa main, vendues pour pratiquement rien sur une brocante. Le monde de l’art n’a rien à envier à celui de la politique, finalement, il n’a que très peu de mémoire…

Si j’ose cette comparaison, c’est parce que l’œuvre de Masereel est politique, dans la mesure où l’idée socialiste fait bien plus que sous-tendre ses travaux, toujours axés sur l’être humain perdu dans des réalités qui le dépassent et qu’il cherche sans cesse à appréhender : les villes, les guerres, les bâtiments en ruines, les foules, les décors plus quotidiens…

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Depuis quelques années, enfin, le nom de Masereel revient à l’avant-plan… Pas pour son talent exceptionnel, mais parce que des spécialistes ont décidé d’en faire le précurseur du « roman graphique ». Ce qui n’est pas faux, bien entendu, mais ce qui est loin de résumer le génie de cet artiste belge et universel.

Certes, avec plusieurs de ses contemporains, Masereel a initié ce qu’on appelait alors, au début du vingtième siècle, l’art du « roman muet ». Il est même considéré comme l’auteur du premier livre de ce genre, en 1918, avec « 25 images de la passion d’un homme ». Mais Masereel a abandonné cette manière de conjuguer silence et dessins pour raconter une histoire à la manière des fims muets dès la fin de la deuxième guerre mondiale. Et à sa mort, en 1972, plus personne ne citait cette manière particulière, mais désuète, d’aborder des réalités humaines et sociales.

Mais donc, la bande dessinée est passée par là… Les auteurs de « romans graphiques » actuels, engoncés dans un style qui est fait, avouons-le, de bric et de broc, avec des vrais chefs d’œuvre et bien des pensums égocentriques sans aucun intérêt, ces auteurs et leurs spécialistes ont eu besoin d’un alibi artistique sans faille pour justifier leurs petits délires trop souvent nombriliques… Ils ont choisi Frans Masereel, grâce entre autres au génial Art Spiegelman, et tant mieux puisque cela nous permet, aujourd’hui, de redécouvrir un artiste d’exception !

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Et de le faire, par exemple, avec ce roman graphique-ci, qui est une totale réussite ! Un album de BD, tout simplement, qui, « à la manière » de Masereel, mais sans chercher aucunement à l’imiter, nous raconte la vie de ce graveur… Sa vie, ses rencontres, ses succès, ses peurs, ses amours, son regard.

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Comme toute existence, ce livre, qui en est l’illustration, se partage en chapitres. 25, très exactement…

De Blankenberghe à Gand, les premiers chapitres le voient grandir dans une bourgeoisie de gauche, y découvrant à la fois des idées novatrices et le chant, le piano, le dessin.

On le voit ensuite à l’académie des Beaux-Arts ruer dans les brancards et suivre les conseils d’un professeur qui voit en lui autre chose qu’un jeune révolté. Il voyage, il découvre la gravure sur bois qui, immédiatement, fait bien plus que le séduire. Il découvre l’amour, s’installe à Paris, y fait des rencontres littéraires qui influencent son art et en font un chemin de récits humains et humanistes. Et puis, il y a la première guerre mondiale et ses tueries innommables qui le poussent à se battre, au long de ses dessins, pour la paix, celle des âmes et des corps, des idées et de leurs représentations. Le succès arrive, la renommée, les rencontres, avec Zweig, par exemple, ou Rolland. Avec Picasso, aussi, pendant la guerre d’Espagne. Il y a des illustrations, des expositions… La seconde guerre mondiale, aussi… Et puis, après la guerre, il y a sa présence en Allemagne, un pays qui doit se reconstruire, et pas uniquement matériellement, un pays dans lequel il devient professeur, comme pour montrer, haut et fort, que l’art se doit d’être plus puissant que la haine et ses dérives vengeresses… Il le dit, d’ailleurs, à Munster : « Il n’y a pas d’art sans paix » !

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C’est tout cela, c’est tout cette existence que nous raconte de livre dû à deux auteurs totalement complémentaires : le scénariste Julian Voloj et le dessinateur Hamid Sulaiman.

Un premier travers a été évité grâce à un découpage graphique et descriptif, grâce à quelques phrases ici et là : celui de se contenter d’une biographie convenue. Tel n’est pas le cas, loin s’en faut ! C’est une biographie-hommage !…

Le deuxième travers qui eût été possible, c’est de vouloir un dessin qui « imite » celui de Masereel, ce graphisme mêlant l’âme flamande, belge, à une forme d’expressionnisme sombre et lumineux tout à la fois. Hamid Sulaiman a réussi l’exploit de nous restaurer l’âme de Masereel plus que sa gestuelle artistique et son graphisme. Traduire la gravure chère à Masereel en un dessin, à l’encre, cela tenait de la gageure, et ce pari est totalement abouti !… Et le dessin, d’une puissance incontestable, de Sulaiman est à admirer, lui aussi, en prenant, avec le regard, du recul pour mieux en découvrir, comme chez Masereel d’ailleurs, les détails perdus dans la masse du dessin…

Nous nous trouvons ici dans une évocation, pas une imitation, et c’est cette évocation qui nous donne envie de mieux découvrir encore toute l’œuvre de cet artiste au génie humaniste… Même si nombre de pages s’inspirent de manière très frontale, très directe, de dessins de Masereel lui-même !

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Cela dit, ce que doit permettre aussi ce livre, c’est que ses lecteurs aient envie, vraiment, de voir toute l’étendue du talent de Masereel, et de lui rendre la place qui est sienne dans l’univers artistique belge ! Une place que j’avais déjà soulignée ici, dans mes chroniques, il y a deux ans et demi : https://bd-chroniques.be/index.php/2019/12/29/la-ville/

Jacques et Josiane Schraûwen

Frans Masereel – 25 Moments De La Vie De L’Artiste (dessin : Hamid Sulaiman – scénario : Julien Voloj – éditeur : Casterman – 320 pages – février 2022)

Faune : Contes grivois et autres diableries

Faune : Contes grivois et autres diableries

Du charme, de l’érotisme, de la sensualité, de l’humour à chaque page !

De Boccace à Maupassant, de Rimbaud à Apollinaire, de Sternberg à Seignolle, la littérature a toujours aimé qu’aux mots se mêlent des réalités aux amoralités réjouissantes et jouissives. Maryse et Jean-François Charles renouent ici avec une tradition paillarde dans laquelle s’enfouir avec bien des plaisirs !

Faune : Contes grivois et autres diableries © Kennes

Nous vivons depuis quelques années, il faut bien le reconnaître, dans les arts comme dans le quotidien, une mainmise moralisatrice de plus en plus lourde. La fin des années 60 avait pourtant créé une lame de fond qui avait ouvert la porte, largement, à la liberté individuelle, à la reconnaissance du droit au plaisir, à la sexualité qui n’était plus, enfin, un péché !

Cette marée avait, en même temps, permis à la bande dessinée de se libérer des carcans puissants qui la cantonnaient dans l’espace culturel réservé aux enfants sages.

Faune : Contes grivois et autres diableries © Kennes

Bien sûr, la bd érotique, voire pornographique, existait depuis ses premières créations !

Mais c’était sous les comptoirs que ces livres pouvaient se trouver… Forest et Barbarella n’avaient-ils pas été censurés ? Losfeld n’était-il pas poursuivi pour outrage aux bonnes mœurs, pour ses éditions qui ruaient dans les brancards de la bonne morale et qui remettaient en lumière, aussi, les plus grands des écrivains érotiques depuis des siècles ?

Ah !… Les découvertes de nos jeunesses, lorsque, sur les rayons les plus hauts de certaines bibliothèques se laissait découvrir l’enfer de la littérature ! Des livres sulfureux, souvent illustrés d’estampes : Audrey Beardsley, Félicien Rops, Achille Devéria, Gus Bofa, des noms dont on aimait trouver la signature sous des dessins qui ne se contentaient que rarement de n’être que suggestifs.

Faune : Contes grivois et autres diableries © Kennes

Lorsqu’on y plongeait les regards et les rêves, on ne pensait pas à faire la distinction entre érotisme et pornographie. On se laissait entraîner tout simplement dans des voyages qui nous faisaient comprendre que toute littérature peut se révéler merveilleusement charnelle ! Ce sont ces livres-là que l’après mai 68 a osé rééditer en affrontant une censure de moins en moins hypocrite.

Ce furent des années étonnantes, où prirent de l’expansion le cinéma érotique, d’abord, le cinéma pornographique ensuite, la photo légère et vulgaire, la bande dessinée sensuelle et profondément triviale. Rappelons que, pendant ces années qui, d’ailleurs, sont celles aussi de l’âge d’or d’une nouvelle bande dessinée résolument adulte dans tous les sens du terme, souvenons-nous, oui, que pendant deux décennies la télévision elle-même osa des émissions plus que légères !

Je parlais, en préambule, de quelques écrivains dont, incontestablement, se sont inspirés les auteurs de ce réjouissant « Faune »…

Faune : Contes grivois et autres diableries © Kennes

Maryse et Jean-François Charles renouent, ici, avec cette tradition de rassemblements de personnes qui, pour passer le temps, se racontent des histoires… Des histoires de marins chez Jean Ray, des histoires de chasseurs qui dérivent souvent chez Maupassant, des histoires résolument charnelles chez Boccace ou Chaucer.

Le fil conducteur de cet album, Faune, c’est un pèlerinage… « Nobles ou manants, pauvres ou puissants, le baluchon sur l’épaule et le bourdon orné d’une coquille, nous étions tous pèlerins à nous rendre à la chapelle Saint Aimable. »

Et à chaque arrêt sur la route de cet hommage à un saint qui peut préserver des maux de tête et de gorge, il faut bien que passe le temps… Chaque veillée permet ainsi à l’un des pèlerins de raconter une histoire… Mais ce ne sont pas des récits moralisateurs, loin de là, ce sont des récits faits pour amuser et titiller en chaque chair le désir de sournois plaisirs ! Des aventures qui mettent à chaque fois en scène un faune et son influence active sur les ébats humains !

Je ne vais pas vous résumer chaque historiette, afin de vous laisser le plaisir de les découvrir par vous-mêmes !

Parce que plaisir il y a, c’est évident !

Faune : Contes grivois et autres diableries © Kennes

Le plaisir des mots, d’abord, de l’écriture ai-je envie de dire : sans pour autant être d’une fidélité à toute épreuve au style du langage d’un Moyen-Age plus grivois que courtois, Maryse Charles s’est amusée à en retrouver le rythme, la construction aussi, et, ce faisant, toute la poésie…Une poésie sensuelle, bien évidemment !

Il y a aussi le plaisir des yeux face à un mélange de pages bd et d’illustrations en pleines pages… Jean-François Charles y fait étalage de tout son talent de coloriste, mais aussi d’observateur artistique de l’amour sous toutes ses formes, surtout celles de la nudité et de ses plaisirs en partage !

C’est sensuel, c’est érotique, cela ne cache rien des anatomies du plaisir, c’est souriant, c’est irrévérencieux, c’est amoureux, c’est amusant, c’est réjouissant…

« Faune », c’est une bd qui trouvera sa place dans l’enfer de votre bibliothèque… Ou plus bas, dans les rayonnages, de manière à le feuilleter souvent, bien souvent…

Faune : Contes grivois et autres diableries © Kennes

Le refeuilleter, le relire, oui… C’est d’ailleurs la volonté de Jean-François Charles qui, en toute dernière page, pose une question au lecteur, une question qui ne peut que le pousser à tout relire, à regarder à nouveau longuement chaque dessin !

Jacques Schraûwen

Faune : Contes grivois et autres diableries (auteurs : Maryse et Jean-François Charles – éditeur : Kennes – novembre 2021 – 132 pages)

« How i live now » et « Féroce »

« How i live now » et « Féroce »

Deux conseils lectures, deux excellents livres de chez Glénat !

Ce sont deux univers très différents l’un de l’autre que je vous invite à découvrir. Deux univers, cependant, qui, chacun à sa manière, se révèle être le reflet, aussi, de nos quotidiens… A lire, à faire lire !

How I Live Now

(dessin et couleur : Christine Circosta – scénario : Lylian d’après Meg Rosoff – éditeur : Glénat – 144 pages – septembre 2021)
How I Live Now © Glénat

Une guerre s’annonce… On en parle, on en a peur.

Le père d’Elisabeth, une adolescente révoltée, décide de lui faire quitter les Etats-Unis et de l’envoyer chez une tante, dans la province anglaise.

Seulement voilà : la guerre arrive, la guerre pend le pouvoir, la guerre devient l’horizon quotidien de tout un chacun, et ce de chaque côté de l’Atlantique.

N’allez pas croire, cependant, que ce livre va vous raconter ce qui l’a été des milliers et des milliers de fois, avec plus ou moins de talent : la vie d’un groupe de personnes au creux d’un pays en guerre !

How I Live Now © Glénat

Non, cette guerre n’est, finalement, qu’un élément du décor, un élément essentiel, certes, mais dont on n’aperçoit, au fil des pages, que très peu la réalité.

Je l’avoue, je n’ai pas lu le roman originel, ni vu le film qui en a été tiré en 2014.

Je n’ai lu que cette bande dessinée, et j’ai été ébloui par ce livre, par sa construction, par son dessin, par sa couleur.

Ce qui a intéressé les auteurs, je le disais, ce n’est pas cette troisième guerre mondiale qui sert de fond d’écran. Ce que nous raconte ce livre, véritable roman graphique, ce sont plusieurs histoires essentiellement humaines et quotidiennes, au travers de portraits rapprochés, de paysages, d’activités, de rêves et de luttes communs. Oui, c’est un livre de personnages et d’émotions, tout simplement !

How I Live Now © Glénat

Il y a Elisabeth, en conflit avec son père après la mort de sa mère. Il y a son anorexie esquissée dans le récit mais intervenant, sans aucun doute, dans ses attitudes, dans ses réactions. Elisabeth, qui se fait appeler Daisy et qui va trouver, dans cette famille britannique, des repères qui lui manquaient. Elisabeth qui va se sentir grande sœur responsable pour Piper. Elisabeth qui, du haut de ses quinze ans, va découvrir l’amour, celui qu’on dit romantique et celui qu’on sait charnel, avec son cousin Edmond, adolescent lui aussi… Elisabeth qui se découvre ainsi un sens de la famille avec ses quatre cousins.

Aux côtés d’Elisabeth et de sa famille, il y a les autres… Des militaires, entre autres, qui amènent avec eux la peur, le besoin d’engagement pour un des cousins d’Elisabeth, la séparation, le travail obligatoire, la fuite, enfin, pour recréer, utopiquement, le cocon familial dans lequel Elisabeth le sait, le sent, réside leur seule chance à tous les cinq de se restaurer à eux-mêmes.

Est-ce un livre, en définitive, sur l’adolescence ?

Je pense bien plus qu’il s’agit un roman dessiné qui nous parle, avec plusieurs angles de vue, de la vie, de ses âges, de cette nécessité que tout un chacun a de vieillir, de « grandir », quelles que soient les circonstances environnantes. Les âges, oui, et la perte des rêves pour s’en créer d’autres, et les lâchetés et les courages.

C’est un livre sur les émotions, qui sont de douceur ou de douleur, de nostalgie ou d’espérance, de départs et de retrouvailles.

How I Live Now © Glénat

La narration est linéaire… Et traitée de bout en bout à la hauteur de l’héroïne, Elisabeth. Ne sommes-nous pas toutes et tous, en fait, les seuls héros de nos existences ? Elisabeth n’en prend conscience que progressivement, et le scénario suit, avec une lenteur qui n‘a rien de pesant, cette évolution.

Le dessin et la couleur sont les interprètes premiers de ces émotions qui nous sont contées. La couleur nous restitue les sensations vécues par les différents protagonistes, elle est aussi porteuse de beauté, celle de la nature, celle des saisons qui passent, celle d’une forme d’autarcie tranquille. Mais cette couleur peut aussi, ici et là, se faire violente, dans la description graphique des tueries de la guerre par exemple.

Ce n’est pas un livre « feel good », ce genre tellement à la mode en ces temps pour le moins perturbés. C’est un livre intelligent, c’est un live humain, c’est un livre qui nous replonge, à sa manière, dans nos propres adolescences, donc dans nos propres éblouissements et nos propres premières amours.

Feroce : 1. Taïga de Sang

(dessin : Alex Macho – scénario : Gregorio Murso Harriet – couleur : Garluk Aguirre – éditeur : Glénat – 56 pages – septembre 2021)
Féroce 1 © Glénat

Dans ce premier volume d’un diptyque, la nature est également omniprésente.

Mais il s’agit d’une nature plus sauvage, celle des profondeurs de la Russie, près des frontières de la Chine et de la Corée.

La guerre dont on parle dans ce livre est insidieuse, économique, elle attente au patrimoine naturel d’un pays, la Russie, d’un continent, de la faune et de la flore…

Dans ce livre, les personnages sont nombreux.

On y trouve des ouvriers qui, perdus dans la Taïga, abattent les arbres en sachant qu’ils le font hors des lois existantes. Il y a des membres des brigades forestières, censés veiller à ce qu’aucune infraction n’ait lieu, il y a des écologistes qui viennent, avec l’aide du centre pour la protection du tigre de l’Amour, réaliser un film sur cet animal mythique et en voie de disparition.

Féroce 1 © Glénat

Il y a un mafieux russe qui veut se venger d’une réalisatrice écolo, Sabine Köditz.

Il y a une femme d’affaire chinoise, mafieuse elle aussi.

Et puis, il y a ce tigre, féroce, blessé, et qui provoque le départ en chasse de l’esprit de la forêt, l’Amba…

C’est vrai que ce livre nous donne pas mal d’informations extrêmement sérieuses, quant à cette déforestation sur le continent européen encore plus grave et importante que celle dont on parle que le continent américain, quant à l’omniprésence manipulatrice et mercantile de l’homme au sein d’une nature qui, pour ne pas se désagréger, va devoir se venger…

Parce que c’est sans doute là que se situe le vrai point de gravité de ce livre : au-delà de la violence, de la mort, de la trahison, de l’amour, du courage, de la lâcheté, des conflits familiaux, c’est la vengeance qui, peu à peu, envahit tout, les femmes, les hommes, et la nature.

Féroce 1 © Glénat

L’intelligence des auteurs est d’avoir choisi les codes d’une « aventure » pour nous livrer leur regard sur une réalité dont les médias ne parlent pas. Il est tellement plus facile de condamner sur un bout de papier les actes d’un Président sud-américain que de se dresser contre un voisin imposant ! Et, puisque ce livre nous offre sa férocité en un récit entraînant, sa lecture en est agréable… passionnante… Grâce, donc, au scénario sans temps mort, quelque peu éclaté, de Gregorio Muro Harriet.

Il faut dire aussi que le dessin réaliste de l’Espagnol Alex Macho fait preuve d’une virtuosité évidente et particulièrement efficace, visuellement parlant, et ce dès la couverture de cet album.

Féroce 1 © Glénat

Il faut dire aussi que la couleur, due à Garluk Aguirre, fait merveille dans la présence, presque tangible, du froid, de la neige, des paysages embrumés, des actes humains perdus dans le brouillard.

Dans ce premier tome, tout est mis en place, avec vivacité.

Tous les rouages de la tragédie sont là… Et j’ose espérer qu’ils seront à la hauteur de mes envies dans le prochain volume !

Jacques Schraûwen