Alamänder : 1. Mystère A La Tour De L’Horloge

Alamänder : 1. Mystère A La Tour De L’Horloge

Un romancier, un scénariste, un dessinateur et deux coloristes : de la fantasy qui décoiffe !

copyright kamiti

Résumer ce premier album n’est pas compliqué.

D’une part, nous avons un mage, Jonas Alamänder, chassé de sa maison, voulant plaider sa cause, et confronté à un mystère digne de Rouletabille. Sa sagesse de mage liée à ses compétences de détective, avec l’aide étrange de Retzel, un horrifiant petit animal de compagnie, tout cela va-t-il suffire à résoudre les énigmes criminelles qu’il découvre ?

D’autre part, nous avons un gamin, Maek, que l’on voit vieillir au gré d’une quête horrifique dans laquelle la mort est omniprésente.

Entre Alamänder et Maek, aucun lien, sans doute. Et 800 années de différences, dans deux mondes qui ne se ressemblent que très peu…

Deux lieux, deux temps, et le TEMPS qui se fait, au fil du récit, un personnage presque palpable…

Tous les albums d’héroic-fantasy se ressemblent souvent. Très souvent. Trop souvent… Et voici qu’en peu de temps, deux séries de ce genre réussissent à leur manière à casser des codes que je trouve, personnellement, très étroits. SOW, inspiré, si je ne m’abuse, d’un jeu vidéo… Et ALAMÄNDER, inspiré d’un roman…

copyright kamiti

Alamänder… Personnage qu’on a l’habitude de rencontrer dans le monde de la fantasy : beau, jeune, aventurier, charmant et, bien évidemment, charmeur. Mais voilà… Il est plein d’illusions, ce garçon, et, comme Spirou, il a un compagnon que bien des gens prennent pour un écureuil. Mais Retzel et Spip n’ont strictement rien à voir ! Sinon dans leur propension à manger, dans celle de râler… Pour le reste, vous découvrirez vite que cet hommage à une bd mythique se fait quelque peu gore au fil des pages !

Retzel est le contrepoint d’Alamänder. Un contrepoint total… Aucune sagesse chez lui, aucune utilité non plus, semble-t-il, et de la vulgarité, de la provocation!

Maek… Personnage qu’on a plus l’occasion de rencontrer dans les comics américains les plus sombres qui soient, ceux qui s’intéressent aux tueurs psychopathes. Il semble sorti tout droit des pages d’un « ça » de Stephen King, mais un « ça » dans lequel le clown serait la proie d’un enfant assassin, un enfant, d’ailleurs, qui ne rêve que de cela, une école des assassins !

copyright kamiti

Atypique, incontestablement, cette série l’est, qui donne parfois l’impression de se perdre dans sa propre évolution. Il y a des zones d’ombre qui ressemblent à des oublis. Maek est le premier des Hempé, mais qu’est-ce qu’un Hempé ?… Alamänder, au cours de son enquête, parle de bruits que des gardes ont entendus, alors qu’à aucun moment, dans le déroulé de l’action, le scénario n’en parle…

Les auteurs m’ont dit, le sourire aux lèvres, qu’il allait falloir attendre le deuxième tome pour avoir quelques réponses à mes légitimes questions !…

copyright kamiti

Cela dit, ce livre m’a bien plu.

Certes, il file un peu dans tous les sens, il pratique à la fois l’humour glauque et la plaisanterie vulgaire, le gore et une certaine forme de tendresse, l’aventure la plus convenue avec des soldats, leurs étranges montures et des monstres hideux, et le meurtre dans un lieu clos cher à Christie comme à Leroux.

Il multiplie aussi les références, avec Spip, comme je l’ai dit, mais avec les folies agricoles que notre univers connaît déjà (des céréales belliqueuses…), il mêle dieux, humains, magie et quotidiens… Il nous parle d’amitiés viriles et d’émois amoureux. Il mélange des mythologies que nous connaissons, grecque et catholique, entre autres, pour en créer une nouvelle…

copyright kamiti

Et c’est tout cela qui fait la richesse et la réussite de ce livre. On ne s’ennuie à aucun moment, on a l’impression de se trouver dans une sorte de micmac brumeux qui finit plus par ressembler à un univers ésotérique qu’à de la fantasy, avec un rappel, discret, au Petit Albert…

C’est cette imagination, littéraire d’abord, scénaristique ensuite, graphique enfin, qui lie tout cela en y ajoutant le travail de la couleur…

J’attends donc la suite de cet album, en espérant y trouver les réponses aux « blancs » volontaires de ce premier tome !

les auteurs et leur éditeur

Alexis Flamand et Gihef

Jacques et Josiane Schraûwen

Alamänder : 1. Mystère A La Tour De L’Horloge (dessin : Marco Dominici – scénario : Gihef, d’après le roman d’Alexis Flamand – couleurs : Andrea Celestini et Alessandro Russotto – éditeur : Kamiti – septembre 2022 – 64 pages)

copyright dargaud

François Corteggiani : la mort d’un scénariste prolifique

Des scénarios nombreux, variés, dans tous les genres propres à la bande dessinée… Corteggiani était prolifique, oui, mais d’une vraie qualité, qualité de ses récits, des valeurs qu’il y parsemait tranquillement…

copyright glénat

Il venait d’avoir 69 ans…

Pour l’avoir croisé deux ou trois fois, pas plus, je me souviens d’un homme souriant, d’un auteur qui ne se prenait pas au sérieux, d’un artiste fier d’appartenir à la race des artisans de la bande dessinée populaire.

copyright Milan

N’avait-il pas grandi, artistiquement parlant, dans la grande famille du magazine PIF, y apprenant les bases de son métier, y vivant aussi, artistiquement parlant, ses engagements politiques aux côtés d’auteurs comme Olivier, Cheret, etc. ?

Etre populaire, n’en déplaise à ces auteurs qui, de nos jours, se regardent le nombril plutôt que leurs lecteurs, ce n’est pas une injure. C’est la base même de tout acte artistique réel, c’est-à-dire axé sur l’envie, non pas de plaire, mais de « partager » !

copyright casterman

François Corteggiani n’a jamais dérogé à cette règle de vie : être proche de ceux à qui il s’adressait et ne pas se prendre au sérieux… Au contraire de certains scénaristes à succès (non, je ne citerai pas de nom) qui pérorent tout au long de leurs routines narratives, Corteggiani travaillait, simplement, il racontait des histoires, des histoires de toutes sortes, s’adressant à tous les publics possibles.

copyright glenat

Parler de ses « œuvres » de manière exhaustive est totalement impossible, tant il a participé à des projets et des réalisations nombreuses et variées.

Bien sûr, on se souvient, immédiatement, des gosses qu’on était et qui s’amusaient aux aventures pas très malines mais marrantes de Pif le Chien…

Bien sûr, on se souvient de cette héroïne sympathique qui s’appelait Marine et qui vivait des aventures presque féministes en une époque épique réinventée.

copyright hachette

Bien sûr aussi, on n’oublie pas qu’il a pris la suite de Charlier pour raconter la jeunesse de Blueberry.

copyright dargaud

Mais il y a tant d’autres séries, encore, tant d’autres aventures éditoriales dans lesquelles, sans aucun doute possible, Corteggiani s’est amusé… A varier son style, ses styles plutôt, à rechercher la simplicité sans pour autant sacrifier aux appels de la gloire facile. A être lui-même, assumant les multiples facettes de sa personnalité sans ostentation, avec le souci constant de parler à ses lecteurs de qualités humaines élémentaires : la tolérance, le partage, la recherche de la justice, l’absence de jugements péremptoires.

copyright glenat

Avec lui disparaît un scénariste rare : un homme, tout simplement, heureux dans un métier qui apportait aux autres des moments de joie, intelligemment et populairement en même temps.

Et avec ce départ ultime, ne peut que nous venir, vous venir, l’envie de (re)découvrir quelques-uns de ses livres…. Bonnes lectures, à toutes et tous, parce que, au-delà de la mort, François Corteggiani existe encore et encore au travers de ses scénarios.

Jacques et Josiane Schraûwen

copyright dargaud

Erotopia 1 – Une héroïne plurielle pour des plaisirs sublimes !

Erotopia 1 – Une héroïne plurielle pour des plaisirs sublimes !

Que serait la vie sans le désir ? Que serait l’amour sans l’humour ? Et « Je » est-il vraiment « un(e) autre » ?… Une réponse souriante et endiablée par le biais de l’érotisme !

copyright kennes

Cela fait des siècles qu’on a droit au même débat, sans cesse recommencé : qu’est-ce que l’érotisme, qu’est-ce que la pornographie ?

Je n’ai jamais beaucoup aimé les définitions dont le définitif ressemble toujours à une forme de morale. Je n‘ai jamais trouvé par exemple la lecture du divin marquis particulièrement agréable, de par son aspect sans cesse moralisateur et excessif.

Je pense qu’en question d’érotisme ou de pornographie, il en va exactement comme de la littérature générale : un livre est bon, pour moi, parce que je prends plaisir à la lire quelle qu’en soit la raison. Et ce premier tome de Erotopia m’a amusé, m’a fait sourire, m’a plu, oui !

copyright kennes

Ce premier épisode met en scène la gentille et retenue Violette. Une femme passe-partout, que personne ne remarque, une travailleuse comme toutes les travailleuses, dépendant d’une patronne dictatoriale, Madame Counterfate.

Effacée dans la vie de tous les jours, elle n’attire ni le regard ni les attentions des hommes qu’elle croise au jour le jour. Et pourtant, cette jeune femme sage comme une image perdue dans les pages d’un missel occupe un emploi très particulier… Elle est créatrice d’objets susceptibles d’aider les femmes (et les couples) à faire de leurs moments d’amour des extases à chaque fois uniques.

Et pourtant, aussi, cette gentille Violette est loin d’être la femme pudique et invisible que ses collègues imaginent !

C’est à l’unif qu’elle a découvert que sa libido, très intense, trouvait son apogée grâce à ce qu’elle appelle son chakra-fleur, un chakra qui s’ouvre totalement au bonheur du corps plus que de l’âme lorsqu’elle se répète le prénom d’un amant possible. Pas imaginé, non. Elle jouit, osons dire les choses comme elles sont, en hurlant le prénom d’un homme qui la fait fantasmer !

Et cette secrète jeune femme a trouvé de quoi assouvir ce chakra particulier en se dédoublant !

copyright kennes

Créatrice de sex-toys le jour, Violette se transforme la nuit en Capucine, influenceuse suivie par des milliers et des milliers de gens, influenceuse très particulière, puisqu’elle teste tout simplement, face à la caméra, les objets du plaisir inventés par son double sage.

Un même corps, et deux femmes différentes, mais qui réussissent à cohabiter, vaille que vaille, voilà donc la trame de ce premier livre qui la présente et nous la montre, fort heureusement, dans tous ses états.

Et, bien entendu, cette cohabitation dans un même corps d’un volcan et d’une plage de sable pur, cela ne peut pas durer ! Et c’est tout le contenu de ce livre que de nous raconter les péripéties, dont l’irruption d’une forme amoureuse sentimentale, qui vont déstabiliser la belle Violette-Capucine, et en faire une héroïne de papier plus qu’intéressante !

Le scénario de Stéphane Louis se construit, vous l’aurez compris, autour d’un seul axe, celui du désir, de sa réalisation, de la libido. Et ce scénario est d’une belle construction, sans aucun doute ! Je dirais même que, à l’instar du dessin de Davide Percoco, il ne manque jamais de relief(s) ! Ce graphisme est tout en courbes, en expression, en nudités souriantes, et il est d’une joyeuse impudeur, d’un amusant libertinage, d’un érotisme plein d’humour mais qui ne cache rien des réalités des chairs !

copyright kennes

Je parlais d’un dessin aux pleins reliefs, et je ne peux qu’insister, dans la création et l’omniprésence de ces reliefs, de cette espèce de troisième dimension de la beauté d’un corps amoureux, je ne peux que souligner le travail de la coloriste Véronique Daviet !

Jacques et Josiane Schraûwen

Erotopia 1 (dessin : Davide Percoco – scénario : Stéphane Louis – couleur : Véronique Daviet – éditeur : Joker – novembre 2021 – 32 pages)