Maison Blanche – une immersion journalistique dans un lieu mythique

Maison Blanche – une immersion journalistique dans un lieu mythique

Dans tous les pays du monde se trouve un point névralgique, un endroit d’où partent tous les chemins du pouvoir. La Maison Blanche, à ce titre, est sans doute le plus suivi de ces lieux d’où se dirige le monde.

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Et en chacun de ces endroits, un espace est réservé à la presse, à des journalistes accrédités pour y suivre du plus près les remous du pouvoir, ses décisions, ses engagements. Des sortes de bunker, peut-on dire, dans lesquels le monde des médias est au contact des décisions qui se prennent, comme on dit, « en haut lieu »…

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Et, avec « Maison Blanche », c’est dans ce monde réel-là qu’on se plonge… Celui d’une salle de presse installée dans la Maison Blanche, et dans laquelle un petit groupe de journalistes suit la vie du président des Etats-Unis, jusque dans le moindre de ses déplacements. Et ce sont ces journalistes qu’on découvre sous les « règnes » de Obama, Trump et Biden. Jérôme Cartillier fut correspondant de l’AFP à la Maison Blanche, et c’est lui qui est le maître d’œuvre, avec le scénariste Karim Lebhour, de ce documentaire graphique.

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Cartillier a donc « côtoyé » professionnellement trois présidents différents. Et ce livre se fait recueil d’anecdotes au sujet de ces trois « maîtres » des USA au quotidien de leur fonction. Dans cette salle de presse, tout se voit, tout se dit « transparent », mais tout ne se dit pas ! Et le côté anecdotique pris comme base de travail de ce livre permet, justement, de s’intéresser de près aux personnalités de ces présidents différents. En débordant un peu aussi, toujours comme un documentaire, avec l’Histoire… Celle de ce bureau ovale dont le monde entier parle, celle de Air Force One, etc.

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La dessinatrice Aude Massot illustre avec vivacité, sans apprêts, le scénario réaliste des deux scénaristes-journalistes. Le tout pour un propos qui, vous l’aurez compris, n’a rien de fictionnel ! Mais, traité avec humour dans le propos comme dans le dessin, le quotidien des grands de la terre n’est pas toujours très reluisant, et se révèle parfois très surprenant.

Un album instructif, donc, sans être didactique, graphiquement sans ambition mais avec efficacité, et qui, finalement, ne donne pas une image très rassurante de ce que d’aucuns osent encore appeler la plus grande démocratie du monde !

Jacques et Josiane Schraûwen

Maison Blanche (dessin : Aude Massot – scénario : Jérôme Cartillier et Karim Lebhour – éditeur : Delcourt – septembre 2024 – 128 pages)

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Marée Haute – Nostalgie d’une enfance espagnole dans les années 90

Marée Haute – Nostalgie d’une enfance espagnole dans les années 90

Tout se passe en bord de mer, avec Isaac, un jeune garçon passionné de dessin et de bande dessinée…

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C’est, d’évidence, un album mélancolique, un livre qui nous parle de l’enfance, de ses rêves à accomplir, de ses quotidiens. Nous sommes près de Barcelone. Fleurissent sur la côte des établissements avec piscine pour éviter l’eau de mer bien trop polluée. Il y a des restaurants, bien évidemment, faisant de ces endroits des lieux attirant des touristes d’un jour qui viennent profiter d’un dépaysement à prix réduit, en quelque sorte.

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Dans le Baños Pleamar, tenu par son père et permettant à toute la famille de vivre, le jeune Isaac travaille, certes, mais, surtout, il observe. Sa famille… Les clients… Les jeunes filles qui passent et repassent, les amours éphémères, les engueulades tonitruantes… Il dessine, également, immortalisant ce qu’il voit au long de dessins naïfs mais aux promesses évidentes. Il vit son enfance, il profite sans réfléchir du temps qui passe et qui verra, bientôt, disparaître ces établissements et la vogue populaire qui était leur réalité.

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Ce livre, prenant axe autour d’une enfance vécue dans un de ces endroits, réussit à nous raconter l’évolution du tourisme, l’importance de la musique dans la culture de Barcelone (avec une playlist à découvrir), la nostalgie d’un âge irrémédiablement perdu, les sourires ensoleillés des corps sous le soleil et devant une paëlla. Ce livre, c’est la chronique d’un lieu au travers duquel chacun peut se reconnaître peu ou prou. Construite en chapitres, la narration permet à chaque chapitre d’voir une unité… Unité de temps… de rêve… D’onirisme, même… En mêlant, par exemple, des vraies photos d’époque et d’enfance aux dessins, donnant au récit la vraie puissance d’une autobiographie tranquille…

Jacques et Josiane Schraûwen

Marée Haute (aureur : Isaac Sanchez – éditeur : Dupuis – juin 2024)

Maurice Tillieux 1940 – L’exode d’un futur dessinateur, au quotidien d’un début de guerre

Maurice Tillieux 1940 – L’exode d’un futur dessinateur, au quotidien d’un début de guerre

Inspiré de souvenirs oraux de Tillieux, une bd incontestablement faite pour les « fans » cet auteur… mais, en même temps, un beau portrait d’une France enfouie dans la défaite…

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Tous les amateurs du neuvième art connaissent Maurice Tillieux… Son talent exceptionnel… Sa manière unique de raconter des histoires sérieuses, sombres même, enrobées des folies d’un humour tapageur, voire potache… Son dessin clair, fluide, son plaisir à dessiner le mouvement et, en même temps, les mimiques de ses personnages… Sa propension à recycler ses scénarios, également, pour ses propres bandes dessinées ou celles de ses compagnons d’art graphique…

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Bob Bang et Felix, ainsi, ont été à la fois ses premières armes dans le monde de la bande dessinée et à la fois des bases scénaristiques dans lesquelles, sans vergogne, il a puisé bien des thèmes, des scènes aussi, des aventures de Gil Jourdan. Gil Jourdan, une série qui, très rapidement, a eu un véritable succès, provoquant même l’ire de la censure française, peu encline à accepter que soit ridiculisée, au travers de l’inspecteurs Crouton, l’honneur (et l’intelligence) de sa police !

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Cela dit, il a aussi utilisé son talent dans une veine uniquement comique, avec des personnages quelque peu inspirés par les serials américains chers à Laurel, à Hardy, à Charlot… Marc Lebut et son voisin ont ansi fait rire plusieurs générations !

Cela dit, aussi, je n’ai pas pris la plume pour vous parler de Maurice Tillieux… Mais d’un livre inspiré par ses souvenirs, des souvenirs recueillis par des amis, et que le dessinateur Bruno Bazile a mis en scène.

1940. Les Allemands occupent la Belgique, et bien des Belges prennent la route pour les fuir. Ce fut le cas de mes parents, ce fut le cas de quelques anciens scouts de Saint-Gilles que j’ai connus. Ce fut aussi le cas de Maurice Tillieux, enfourchant son vélo, quittant Bruxelles pour tenter de rejoindre la Portugal où l’attendait un membre de sa famille. Cet exode ne s’est pas déroulé tranquillement bien évidemment… Il est vrai que bien des films en ont parlé, comme « Jeux interdits »… Mais en axant, le plus souvent, leurs narrations autour des horreurs de la guerre.

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Ici, les auteurs de cet « hommage » à Tillieux ont choisi le contraire… Certes, la guerre, ses tueries, ses répugnantes idéologies sont bien présentes au fil des pages. Mais comme décor bien plus que comme moteur du récit. Dans cet album, c’est la réalité quotidienne, sans mélo, sans fioritures qui nous est montrée. L’histoire d’un jeune homme vivant une sorte de grande aventure dans une France tantôt accueillante, tantôt haineuse, avec sa façon de vivre, bien plus que de survivre, avec ses amitiés, éphémères comme ses amours encore adolescentes. Les auteurs nous montrent la guerre et son exode par le petit bout de la lorgnette, et c’est vraiment là l’intérêt premier de ce livre.

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Disons-le, malgré tout : n’est pas Tillieux qui veut ! Bazile, dans son dessin, ne cherche à aucun moment à imiter son modèle, son personnage central, et il parvient, dès lors, à faire un travail original, sans tape-à-l’œil, un boulot moderne, bien enlevé, aimant, comme Tilleux d’ailleurs, multiplier, en une même page, les angles de vue, les perspectives… Le scénario, par contre, reconnaissons-le, qui se veut fidèle à une conversation entre Tillieux et ses amis (et qui l’est, très certainement…), montre quelques erreurs de construction, quelques répétitions descriptives dans les textes… Mais, là aussi, on accepte ces faiblesses, parce que le but est quand même de nous donner à voir Tillieux, un des tout grands noms de l’histoire de la bande dessinée, tel qu’il fut, véritablement!

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Un album dans lequel l’histoire nous est montrée au lavis et au trait, de manière à ce que le lecteur puisse réellement découvrir tout le talent du dessinateur Bazile… Un album accompagné de dossiers intéressants, historiquement parlant, de crayonnés, de photos…

Cela fait quelques années déjà que les Éditions De L’Élan ont choisi comme cheval de bataille l’œuvre de Tillieux, sous toutes ses formes, avec une très belle réussite éditoriale… Mémorielle, aussi, tant il est vrai qu’oublier ces auteurs qui ont permis à la BD d’être un art, c’est bien plus qu’une bêtise !

Et donc, cet album ne pourra que plaire aux fans, nombreux, de l’immense Maurice Tillieux… Mais aussi à tous les amoureux du neuvième art… Et à celles et ceux qui aiment s’éloigner des sentiers battus lorsqu’on aborde la thématique de la guerre 40-45…

Jacques et Josiane Schraûwen

Maurice Tillieux 1940 (dessin : Bruno Bazile – textes : Etienne Borgers, Gérard Guégan, Daniel Depessemier – éditeur : Éditions De L’Élan – 96 pages – 2024)